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Voir le livre coups de cœur des libraires de Grenoble : Le cycle des Contrées de Jacques Abeille
La faussaire de Buenos Aires met en scène une figure légendaire, La Negra, faussaire fabuleuse, vamp et prostituée peut-être, fougueuse et secrète, filante comme une étoile nimbée de mystère. Et notre narratrice, critique d’art, qui part enquêter sur cette fantasmatique icône perdue.
Entre
personnages réels et fictifs, entre travestissement et histoire vraie, une balade touchante et subtile, peuplée de femmes fortes, de labyrinthiques sociétés secrètes, vibrante de l’âme des cœurs mélancolique.
Est ici mis en œuvre, en orfèvrerie, tout l'art savant de la distillation : d'une histoire germe une histoire, c'est un peu se trouver dans le creux de l'athanor d'un sorcier, par magie, le voyage littéraire se fait en ribambelle.
Roman aux multiples facettes, une boule-miroir dans la lumière d'un stroboscope, on se laisse emporter dans un écheveau fait de réel et d'imaginaire, de quête de soi et d'enquête dans le milieu de l'art.
Tout à fait fascinant, réjouissant en diable, La faussaire de Buenos Aires se joue de nous comme un chat d'une pelote de laine : tirer sur le fil, la pelote se déroule, y donner un coup de patte, l’histoire fait des nœuds.
Aussi simple qu’érudit, La faussaire séduit de bout en bout !
Un touchant roman de jeunesse, où la fougue et la fièvre se déploient tel un étendard, une manière de vouloir vivre une vie un peu folle, vagabonde. Hurlante.
Tout le talent de Kerouac tient dans ces pages, d’ores et déjà ce petit génie de la littérature survoltée, hors les rails. Celui
qui saura faire de sa colère et de sa volonté de jouir de chaque instant, une œuvre qui résonne encore aujourd’hui, et résonnera encore demain.
Une balade merveilleuse sur les rives de la Seine où défilent les paysages de banlieues et l'histoire sociale qui s'y niche.
Jean Rolin arpente ces berges avec l’appétit d'un flâneur érudit, avec la douce ironie qui défie les strates du temps comme celui des bords de seine, le chant des
oiseaux de passage.
Une errance mêlée d'intime et de géographie, de ruines abstraites qui se dévoilent.
Une errance délicieuse des digressions qu'elle habite, au fil des saisons, comme un mille-feuille impressionniste façonnés de souvenirs et d'histoire que l'on déguste langoureusement.
MGM polar contemplatif, Los Angeles City grattée au noir et au néon, les fantômes de l’âge d’or hollywoodien viennent entreprendre les cœurs des vivants,
hypnose introspective pour âmes troublées,
au son des pas dans les ruelles la nuit résonne l’implacable recherche de la vérité
comme
dans un film noir, une histoire au romantisme sourd, où l’amour et la mort jouent les serpents constricteurs.
On tient là, peut-être, comme un geste anti-conradien, le miroir inversé d'une expédition de Lévi-Strauss.
Qui, du peuple vivant isolé, grimé de légendes, vibrant des transes chamaniques, ou de l'anthropologue-aventurier, observe l'autre ?
Un texte fiévreux, fabuleux voyage initiatique
et contemplatif, qui braise en nous cette envie de découverte et nous porte à repenser ce que nous sommes : à la fois légende, receleurs d'histoires et curieux patentés.
Un zeste de folie, une aventure transcendantale, un peu de fantasmagorie, et beaucoup de talent pour raconter tout ça.
Extraordinaire ce bouquin.
Comme un interstice, un rayon de lumière sous la porte d’une maison de campagne.
Doux, hypnotique, une onde hors du temps. A la manière, peut-être, d’une phrase glissée entre deux points-virgule.
La minutie photographique de l’écriture, sa suavité et
ses tremblements, fait de cette escapade d’une petite centaine de pages, une véritable minute de bonheur, un instant suspendu.
Dans son écrin, un joyau.
[Au royaume quaker, le silence est roi]
La mort tragique de deux jeunes hommes. L'un tue l'autre puis se donne la mort.
A partir de cet événement, comment se reconstruire, comment continuer à vivre, comment aimer encore.
Où il sera donc question de deuil, de résilience, de Silences et de
douleurs.
Et de religion quaker, choses assez peu présente en littérature pour s'en frotter les mains, chouette, et d'en profiter pour en apprendre davantage sur le sujet.
Plein de torsades de sentiments contraires et contrariés, de silences pesants et de silences qui libèrent, Ce qui vient après trace le parcours de ceux qui ont tant perdu ou ceux qui n'ont pu avoir.
Nourri de pages d'une infinie beauté, un roman qui fonctionne comme un apprentissage, comme une façon de s'apprivoiser. Parce que c'est bien ce qu'il advient, passé le drame, le deuil ouvert en soi comme une plaie, on se tourne autour, on se rapproche, on s'éloigne : on s'apprivoise.
Américain, comme on l'aime !
Avec Seismes Jérôme Meizoz compose un beau roman d'apprentissage où transpire les frémissements de ce qui nous grandit, dans les traverses de la vie, les quelques cailloux que l'on pose en chemin, ceux qui claquent et ceux qui demeurent malgré tout.
Quelques fragments de passage en Valais suisse,
balayés des paysages de l'enfance, puis de l'adolescence à l'age adulte, avec ce désir, parfois, de s'extirper des cases.
Un recueil, la mémoire percée de souvenirs, porté par une singularité touchante, une tendresse qui ne renie pas quelques traits d'humour.
Autant d'histoires sensibles, d'éclats jalonnant le passé que l'on traverse avec beaucoup de plaisir.
Ce qui au début ne tenait que de l'étourderie fort malheureuse, finit par prendre des airs de révolte.
Avec une truculence de tous les instants et un fort sentiment d'auto-dérision, notre héros semble, dans ses charentaises, pousser un grand non! avec la superbe d'un baron et l'élégante classe
de celui qui n'en à rien à cirer.
Doté d'une écriture subtilement grinçante, un genre de ne pas payer de mine, Luc-Michel Fouassier, par l'entremise de son héros, se fait le détracteur désinvolte, le hussard aux semelles légères, de nos règles de vie quotidienne, de nos petites vicissitudes et de nos travers. On se permet donc de rêver avec lui de faire fi des conventions et s’offrir ainsi une jolie parenthèse de liberté.
Une comédie jubilatoire !
Ambiance frères Coen pour ce roman graphique aux allures de Loose Noire, traitement polar à l’humour chirurgical, où plane, comme un dieu incongru, l’ombre d’Elvis.
C’est un régal visuel, un scénario ficelé comme un jambon au-dessus de la pompe à essence, en bref :
UNE ODYSSÉE
GÉNIALEMENT JOUISSIVE !
Étoile filante et légendaire de la littérature haïtienne, Jacques Stephen Alexis aurait eu 100 ans le 22 avril 2022.
Assassiné en 1961 à 39 ans, dans les geôles du régime de Duvalier, il laisse derrière lui une œuvre gigantesque et bien trop courte, un souffle intense et merveilleux et quelques
chefs d'œuvres fracassant de poésie, de luttes comme de fulgurances
Alchimiste vaudou d'une langue foisonnante, exubérante et fougueuse, Alexis dit son pays, une réalité traversée d'onirisme qui embrasse l'existence et ses tumultes, comme nul autre
Un immense romancier caribéen. Un voyage chavirant dans les sphères de "la belle amour humaine".
L'étoile Absinthe est de ces moments de lecture inoubliable. Ce roman est un petit diamant brut, un océan de vertige.
Un tourbillon littéraire déchirant de beauté.
Au large d’Haïti, le voyage chaotique d'églantine et Célie Chery à bord du voilier "le Dieu premier", une fuite chaotique en forme de quête de rédemption dans les tumultes orageux et les braises qui jalonnent l'horizon des possibles.
C'est une marmite sous pression, une odyssée tempétueuse en haute mer qui résonne comme une métaphore fiévreuse de l'existence et de tout un pays, Haïti.
On en ressort déboussolé, transi d'une langue en fusion qui ondoie, tangue et transpire, sonné d'une langue qui se gonfle de mots, d'images et d'éclats vibrants au fil des pages, comme une voile bombée de lyrisme.
C'est véritablement dingue cette sarabande effrénée qui vous empoigne.
Un joli brin de voix qui nous vient du Japon, une histoire assez intrigante, où le mystère d'une vie plutôt insignifiante fait figure de maître des lieux.
La femme à la jupe violette est une femme sans histoire, qui navigue de petits boulots en périodes de chômage, elle mange dans le parc,
tous les jours et à la même heure une brioche à la crème sous le regard amusé des habitués.
Qui est-elle vraiment ? Mais, surtout, qui est cette narratrice et pourquoi la suit-elle de si près et avec tant d'application ?
De ce court roman émane une douce intrigue, un sentiment rémanent d'une image qui revient juste après sa disparition, des sensations de celui qui épie le moindre geste de l'autre, pour le dévoiler peut-être, pour le comprendre sans doute. Une vision, aussi, du monde du travail et de ses hiérarchies. Un certain éloge de l'être divers.
Comme une parenthèse, une bulle d'air, La femme à la jupe violette fonctionne de manière étonnante sur le cerveau de son lecteur : elle enivre, transporte et laisse à la dérive les commandes du navire.
C'est tout à fait délicieux, c'est merveilleusement indéchiffrable.
Événement ! : le retour plein de grâce mutante d'une des grandes voix de la littérature argentine contemporaine.
Il faut commencer par s'accrocher le cœur, se boulonner les tripes pour pas qu'elles dégueulent sur les jolies pages du livre. Parce qu'au commencement c'est l'histoire de Beya,
pute dans un bordel miteux où son corps est offert, dévasté, un corps-objet pour hommes ignobles. Parce que ces pages servent comme rampe de lancement à un grand chant politique, révolutionnaire, un chant de résistance, une charge magnifique contre les abus de pouvoir, contre ceux qui asservissent ceux qui n'ont déjà pas grand-chose, contre la mainmise des gentifricateurs.
La langue de Gabriela Cabezón Cámara c'est celle d'une caméra extraterrestre qui te pénètre par l'anus et te ressort par le crâne, elle te colioscope la violence faite au peuple des femmes, au peuple des sans-voix et des crèvent-la-dalle.
Ça poisse ça brûle ça te kérosène la gueule parce que ça ne fait pas dans la dentelle ça ne raconte pas les choses comme elles ne sont pas, ça te chamboule parce que ça fait peur, ça te fait peur parce qu'au fond, cette langue chargée de poésie, crasse et bioutifoul, te raconte une réalité, celle qu'on n'aime pas trop regarder en face.
Et puis, ça parle d'amour, la langue l'exalte, c'est formidablement génial ces moments de pure poésie, une poésie transformative, une poésie de la genèse à la déliquescence.
C'est aussi beau que cru, lecteur ne cherche pas la lumière, la Sainte s'en occupe.
Un texte incroyable, comme il y en a peu. Un texte magnifique !
Bang bang !
Un court texte, percé d'intelligence et de vertiges hallucinatoires, qui en quelques pages haletantes, intenses, nous plonge dans la matrice sourde et déglinguée de nos modernités galopantes.
Pharmakon sillonne les nuits sans fin, oscille dans les brumes envahissantes d'un théâtre sans nom.
Olivier
Bruneau s’immisce à la lisière d'un monde excessif, d'une humanité bordée de solitudes, saturée de vides, qui aurait paumé sa boussole comme le miroir cassé d'une société ivre de ses obsessions et des spectres à venir.
Un récit sacrement mené, d'une acuité aussi cinglante que les échos qui y résonnent.
Une couv' aussi belle qu'intrigante.
20e siècle, à travers Hokee, jeune métisse amérindienne, Catherine Gucher esquisse le destin écorché du peuple Navajo.
Poussières noires est un récit puissant, engagé où l'écriture épouse de toute sa poésie les remous d'une histoire pas si lointaine et la mélopée des origines.
Un portrait
de femme aussi beau que douloureux, ce je qui devient nous et en appelle tant d'autres.
Un souffle qui porte en lui les plaies béantes et l'âme saignée de tout un peuple et les veines encore ouvertes de l'Amérique.
Il y résonne tout l'écho des paysages, la puissance d'une terre, les brumes charbonneuses chargés de chagrins, d'esprits comme de résistance.
C'est un fleuve intranquille où l'intime embrasse le collectif, où s'y cognent des mondes inégaux et s'y révèlent les chemins fragiles gorgés d'espérances.
On y parle d'exil, d'errance et d'abandon, de cette terre qui nous lie au monde.
Une lecture en forme de promesse sur des horizons cendrés, une voix qui s'agrippe à la liberté.
C'est comme un chemin de croix, cette histoire, ce parcours d'un homme abîmé, noceur intime avec les femmes qu'il croise, il semble fait de désirs soudains cet homme, à la recherche de quelque chose mais quoi ?
On sillonne sans but mais avec une idée de partir, on chemine ballotté par les vents
contraires, comme si le chemin était d'ores et déjà tracé, jalonné par les morts, étagé par des relations sexuelles troublantes.
On avance sur une route où la poésie des lieux et des actes s'embourbent entre le soleil et la nuit, entre le cauchemar et le rêve.
Une lecture qui n'a de sens que le ressenti que l'on éprouve : un jeu de lumières haché par la déliquescence.
Trouble et d'une beauté insaisissable.
Quel étrange et singulier roman que celui-là. Pékin période Corona-V, une famille sous un même toit, un jeune homme qui travaille dans la cybersécurité, abolisseur de vérité, rectificateur des torts faits au pouvoir dirigeant. Et puis le confinement, la perte de soi, les rues qui se vident,
le pays qui s’emmurent dans toutes les convictions possibles, sujet à toutes les manipulation imaginables. Et l'envie de savoir ce qui se passe réellement derrière le Firewall numérique, cette grande muraille du Net tout-puissant.
Et en même temps que le présent, c’est une chronique historique de l’illustre Pékin dont on découvre tour à tour les portes et les murs, et son cheminement vers la modernité. Sublime Pékin aux multiples histoires.
Entre cynisme, humour et critique cinglante de nos systèmes de surveillance, de l’emprise des états sur ses citoyens, Les portes de la grande muraille se fait dystopie-autopsie d’un pays et de ceux qui l’habitent.
Quelque part entre Barjavel, 1984 et la série 7 à la maison, une comédie douce-amère, un peu flippante, un peu grisante.
Journal d'une colloc' à quatre, pas comme les autres, un "bail précaire" de quatre vieux, un brin fripés, un brin boiteux dans un avenir assez proche.
François Cusset imagine brillamment un roman sur le grand âge.
Une virée mêlée de tendresse, d'une auto dérision cinglante et sans fards
ou l'on passe du rire à la mélancolie avec finesse et pas mal d'intelligence.
Cette Fantaisie finale est une ode à la vie dans ses moments les plus éphémères, une barricade bringuebalante aux chimères qui broient le temps.
Une histoire de vieux potes, un peu gauchos, deux femmes et deux hommes, qui décident un jour de freiner ensemble l'érosion des corps et du temps, de mâchouiller ensemble leurs souvenirs et leurs solitudes, parce que pourquoi pas, en fait.
L'amour et l'esprit s'y glissent entre les lignes avec autant d'ardeur que les désenchantements envahissent l'époque et les corps vacillant devant l'inéluctable.
C'est hyper touchant, tendre et féroce, d'une liberté qui déborde d'humour noir et d'acuité mordante.
C'est drôle, mais pas que, parfois sombre et sans concessions, c'est un peu tout ça à la fois et c'est vraiment bien.
Roadtrip existentiel à la frontière mexicaine, dévorée de soleil.
Errance américaine balayée de songes et d'illusions, des mots que l'on souhaiterais coucher.
Motel Valparaiso envoûte autant qu'il invite, nous gonfle des effluves de ce qui fait le mystère des voyages, des rencontres, de ce
que l'on y cherche ou pas, de ces grains de sable qui nous aimantent.
C'est une valise un peu crasseuse, qu'on pose et qu'on remplit d'un tas d'histoires, de vides et de silences, de quelques bières, quelques gueules croisées, autant de musiques qui traversent l'écho tanné du désert.
Une vraie belle parenthèse américaine, riche d'évocations, d'ambiances et l'ivresse de liberté plein les mirettes.
Un tout premier roman réussi qui sonne de la beauté simple de ces balades folk entêtantes.
https://www.youtube.com/watch?v=zprRZ2wFQD4
Moi j'trouve qu'elle a le sang qui bout, la langue de Marie Mangez, comme son héroïne Alice, jeune thésarde qui part dans l'étude des thanatopracteurs, et même celui de Sylvain Bragonard il bout, un type qui embaume la mort des autres et pue la sienne, qui s'tape cul-sec des verres de vinaigre
pour pas boire d'alcool parce que ça ferait remonter de vieux mauvais souvenirs. Même qu'Alice avec son tempérament de feu follet elle va le dérider un peu, lui redonner de saveur à la vie.
Le parfum des cendres c'est une sorte de roman d'amour, la belle et la bête au funérarium, ou plutôt un roman de retrouvailles avec soi, avec le soi perdu, celui qu'on a laissé sur le bas-côté il y a trop longtemps déjà.
Oui, la langue de Marie Mangez, elle bout, elle est un objet volatile qui se frotte à la gravité de la vie en y fouettant ses ailes un peu de feu un peu de glace. Tout ça fait que ça amuse, que ça fait un peu mal au cœur, que ça tranche dans la veine de nos propres souvenirs, ceux-la universels, ceux de tout le monde, l'amour, le deuil, les sens. C'est joli, c'est doux-amer, acidulé et tout le tralala.
Une ode à la vie, par le chemin des morts.
Une accessoiriste de cinéma, des voleuses de nèfles, un standard téléphonique ouvert 24/24 pour les confidences, les tristesses et les conseils. Des restaurants qui ne ferment jamais, un détective qui se fait passer pour un acteur. Il y a Ibaragi, un drôle de brocanteur, foutraque et poète lunaire.
Et tant d'autres...
Tout ce petit monde se retrouve, au beau milieu de la nuit, dans le taxi de Matsui, compagnie Black Bird.
Ça fait comme une constellation de femmes et d'hommes, aux coïncidences providentielle, aux liens ténus. Ça fait comme une galaxie d'échoppes, de ruelles et de restaurant 24/24.
On y cherche de vieux objets, on fait des enterrements pour les téléphones, et on finit la nuit à manger des œufs au jambon dans une cantine.
Bonne nuit Tokyo est une invitation à déambuler dans les rues de Tokyo, la nuit, sur la banquette arrière du taxi de Matsui.
Une vraie belle balade nocturne douce, chaude et envoûtante.
[la naissance du monde]
Une naissance est toujours un moment unique, il paraît, on dit que c'est merveilleux, on dit que c'est un évènement et que des évènements comme ça dans une vie, il n'y en n'a pas des masses, soit. Donc, une naissance, une maison d'édition Le bruit du monde, un évènement
suivi de félicitations et de bravo, c'est un bien joli bébé que vous nous avez mis au monde. Parce que oui, le bébé est bien beau, graphiquement, confortablement, scripturalement, etc. Une maison qui naît ça vient avec plusieurs textes. Dont celui-ci Les choses que nous avons vues d'Hanna Bervoets, que j'ai eu la chance d'avoir lu. Parce qu'en guise d'entrée en matière, ce texte il se pose là. A la fois très actuel parce qu'il est question de celles et ceux qui modèrent le web, qui balaient les saloperies de ceux et celles qui se croient permis de foutre n'importe quoi en ligne. Et universel, aussi. Parce que c'est une histoire d'amour - pas facile d'aimer quand l'écran que tu dois surveiller te tâche le regard et te fusille le cerveau - comment peut-on aimer quand le monde que l'on traite apparaît dans sa plus terrible laideur ? Et surtout, pourquoi doit-on continuer d'aimer pour ne pas perdre les pédales, pour continuer à y croire. Ce roman d'Hanna Bervoets vient de loin, il porte en lui une puissance, un vœu, un coeur et une vision acérée de notre société contemporaine. Il parle à l'intérieur de nous, aux petites simagrées que fait notre conscience quand elle se pose trop de questions.
Donc, une naissance.
Dans les règles de l'art.
Avec emphase, on dirait : merci à la littérature et à ceux qui la font et la transmettent, merci à tout ce monde : éditeurs, écrivains et traducteurs !
Avec pudeur, on dirait : faut que tu lises ce livre, il est extra.
C'est un peu comme un soap à la téloche. Que tu te mets à regarder de manière compulsive. Parce qu'il y a des intrigues partout, des commérages, des personnages bien marqués, trempés dans le sang d'un écrivain qui ne semble pas avoir le syndrome de la page blanche. Parce que c'est si bien fait,
si bien construit, tu te fais happer comme par le petit écran qui scintille.
Il se passe de drôles d'événements à Perdido. Perdido, ses rivières, ses rivaux, ses mystères et ses mystiques. Quand arrive une inconnue lors d'une crue inaugurale, disons que les choses changent à Perdido, le naturel chassé par le galop des émotions et des magies ancestrales.
C'est toujours un drôle de sentiment ces lectures, dur de s'arrêter, dur de s'en détacher, et en même temps on se demande ce qui nous tient à ce point, ce qui fait que, et ce qui fait que pas.
Et puis, l'objet, il faut le dire, il est superbement réalisé par l'équipe de Monsieur Toussaint Louverture, il est confortable quand on le tient dans la main et il est beau quand on le pose sur la table basse.
Une dose de gothique, un soupçon de fantastique, une pincée de guerres de pouvoir, un chouïa d'ironie, une pelletée de protagonistes : au Milkshake des Ingrédients qui te font des tourbillons d'impatience et des avidités de connaître la suite, Blackwater sublime la saga par un glaçage de mordant et une profusion de pleins de petites choses qu'on veut savoir.
To be continued...
Servie par une écriture d’une honnêteté fébrile, fluide comme l’est un fleuve pas très tranquille, une langue crue éclaboussée de poésie, émaillée de sa Majesté des Morts.
La vallée des fleurs est une puissante évocation de la jeunesse du Groenland, cette jeunesse avec autant d’envies
d’ailleurs que de désespoir dans les veines. Une bouleversante histoire faite de rêves, de déceptions et de confins.
Un livre magnifique parce qu'il ne refuse rien, pas de poussière sous le tapis, pas de fausse pudeur. Parce qu'il parle comme un cœur ému, grave et tragique, drôle et amer.
C’est superbe. Et douloureux.
Lire Tom Kroger c'est faire l'expérience de la faim, de la faim qui tenaille, la faim qui dure. Il n'y a ni éloge du hobo, ni fantaisies poétiques. Non, la faim est là, bien réelle, la pauvreté partout, la colère aussi. L'écriture est à vif, précise, c'est douleur sur douleur, cruauté sur
cruauté. Oui, c'est un livre qui fait mal mais que ce mal nous remet à notre place, à nos chances, ce mal qui sert de leçon.
Dure, derrière la nuque, une écriture au tranchant de la nuit, parce que quelque part c'est ça Les vagabonds de la faim : la nuit de l'humanité.
Texte au vitriol virtuose d'engagement façon pieds dans la soupière, parce qu'elle sait parler Sandra Lucbert, elle sait faire penser ses mots pesés, ici on nomme les accusés, les Gérald les Didier les Édouard, on les nomme ceux qui de la Dette font leur leitmotiv de résolument détruire les
institutions publiques.
La charge est autant incisive que poétique - en ce sens du conte, du merveilleux, de l'abime et du coup de poing -, contre ceux du Haut qui n'en on rien à cirer de ceux du Bas.
Ce texte est une fable, un conte, un cauchemar, une péninsule, un cap. C'est surtout le rebours de ce qu'on nous dit : c'est une arme de Désarchipélisation !
C'est tranchant comme la lame qui s'attaque au membre pourri. Affûté comme un mythe, et joli comme un théâtre. C'est infiltré, comme un Agent Anti-Rhétorique, car c'est de la langue dont il est beaucoup question aussi, dans ce court texte (qui devrait, d'ailleurs, n'avoir de cesse d'être relu, et sans doute pour bien faire : d'être lu à voix haute). De langue de bois, de langue d'expert, de ce langage qui ôté à trop la possibilité de débattre. De langue tarabiscotée pour faire comme ci, de langue intellectualisée pour faire comme ça.
Une lecture tellement utile : pour en finir avec l'hypocrisie des discours, des réunions, des mains droites tendues tandis que la gauche planque la lacrymo. Pour reprendre un peu de contrôle et se réarmer au débat.
Conclu :
Tu nous bassines avec tes discours présidentiables va plutôt lire Sandra Lucbert !
Dans la chaleur écrasante de l'Espagne des années 30, une destinée puissante, celle de Toya, gamine un peu sauvage qui grandit et qui embrasse avec elle tous les espoirs, les ombres et les années noires de tout un pays, l'Espagne.
Un récit sensoriel, aussi brûlant que lumineux, une histoire d'amours
et d'amitiés, de luttes et de partages, de filiation écorchée.
L'élan vibrant d'un monde paysan qui s'élève, la liberté comme étendard, le récit puissant de deux mondes qui se confrontent et des plaies qui demeurent.
S'y plonger c 'est humer le souffle, les éclats d'une nature et d'une révolte, les saveurs de l'enfance et des destinées qui s'écrivent, dans les moissons de liberté, dans la chaleur des mots, dans la chair et le sang qui balaient les espoirs et les rêves.
Déchirant de grâce, des effluves qu'il exhume et des clameurs qu'on réprime, on lit "L'autre moitié du monde", gonflé d'images, le cœur serré des luttes qui débordent des rizières du delta de l'Ebre et l'écho sanglant des fantômes de l'histoire et du franquisme.
Laurine Roux embrasse l'intime et le collectif, c'est bouillant, intense, tout ce monde qui frémit de convictions.
Et c'est beau, c'est bouleversant cette affaire là !!
Atmosphérique, envoûtant, comme de l’onirisme qui protège le réel, c’est plus qu’un fleuve qui coule dans ces pages, c’est une multitude de gouttes de vie, des existences qui flottent et dérivent, des femmes et des hommes à chacun son histoire et son lien, des îliens encerclés
par les eaux qui les isolent et les sécurisent.
Ce n’est pas un fleuve, c’est une histoire de nature qui enroule les hommes, c’est le feu pour la colère, la forêt pour la matrice, l’eau comme un cercle de protection. On y entre sur une barque, on en sort un peu transi, un peu saoul, érotisé aussi par cette vibrante nature tropicale.
A la faveur d'une écriture qui s'écoule lentement, Sylvie Durastanti revisite le mythe d'Ulysse du point de vue de Pénélope et l'insondable attente d'un retour espéré.
Quinze ans d'attente.
Une petite île, une maison de pierre assaillie, baignée des vents de la solitude, comme des embruns
qui parcourent les paysages de myrtes et de lauriers sauvages.
Des voix qui s'entremêlent face à la menace des hommes qui gronde et qui fracture les rivages intérieurs.
Pénélope doute, espère, lutte et ruse, dans les dédales du temps qui s’effile et qui l’'enserrent.
Un premier roman élégant, poétique et minéral, admirablement tissé des voix qui le portent, aux détours du temps, des peurs, dans les limbes et les écorces de l'attente, les échos du lointain.
Une parenthèse qui étire le temps, les mystères d'un homme et les blancs d'une vie pas facile à côtoyer.
Une petite bulle partagée à deux, foisonnante d'épaisseur, frissonnante d'amour et de peintures, des traces et des aplats, des solitudes qui forgent les existences, comme on pénètre un
atelier bringuebalant, ses parts d'ombres et ses lumières pénétrantes.
Avec beaucoup de pudeur, Noëlle renaude esquisse les paysages intimes et les fragments d'une vie, celle du peintre P. M Ziegler, avec la simplicité de ces textes vibrant des couleurs et des échos qu'ils dessinent, des mots qui se cherchent et se trouvent, pour dire l'autre, celui que l'on a aimé.
C'est vraiment beau, extrêmement touchant.
Elle est sacrément attachante cette Mathilde-ne-dit-rien, solitaire, solidaire, taiseuse, porteuse de fonte, hors les lois quand les lois ne servent que toujours les mêmes, les autres c'est la débrouille, les emmerdes, le deal, la misère des barres HLM, des fins de mois qui commencent le 10, alors
on fait comme on peut, pour vivre, pour survivre.
Superbe roman noir social qui fait des marginaux, des défavorisés, des sans-le-sou, des voyous, les héros d'un quotidien ordinaire d'une société à double vitesse.
Une chronique réussie avec brio, sans misérabilisme, sans manichéisme, sans jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. Parce que pour vivre décemment, chacun décide de son propre chemin.
Tristan Saule maîtrise son décor, son propos et ses personnages dans la plus grande et la plus pure tradition du noir français, un crescendo écorché, une tenue toute en tension, son Quartier de la Place Carrée vit et vibre au rythme de ses habitants, chacun en proie à ses démons et à son présent sismique.
A tous les destins cabossés, une lecture salutaire imprimée sur les hanches d’un monde fait de révoltes silencieuses et d’actions répréhensibles mais nécessaires parfois.
Maniaque, obsessionnel et odieux ; paranoïaque, hideux et nourri à la haine et à la colère ; bienvenue dans la tête d'un fou à lier, raciste et souverain du retour à l'ancien temps de son pays qu'il considère dégénérer. En pleine spirale d'une violence qui ne demande qu'à s'extraire de lui,
le monologue se fait pornofièvre, mantra contre les Autres, et tire vers l'inéluctable.
Un sale goût dans la bouche, plaqué au sol, souffle coupé, ce roman laisse vide, perplexe et bercé de peu d'illusions.
Au brésil, dans la moiteur équatoriale, les sœurs Noringe, Ezia et Andrea s'adonnent au pèlerinage du Jabuti.
Une plongée dingue, enivrante, dans le pouls battant d'une procession monumentale, suspendue aux bras de la madone, accroché aux nœuds d'une corde qu'il ne faut pas lâcher.
Tenir
pour espérer, tenir et espérer des jours meilleurs et ses vœux exaucés.
Un récit organique, flamboyant de cœurs et de corps dans la frénésie d'une croyance collective.
Qu'est-ce qu'elle est belle cette langue, si singulière, riche et généreuse, bourrée d'images, saturées d'intensité, aussi fiévreuse qu'hallucinée.
Elle chaloupe, bouscule, vibre et transpire au rythme des fracas de la foule. Elle enveloppe de toutes ses nuances la condition d'un peuple et d'un pays, les espérances et les détresses, rivées au bout d'une corde.
C'est une danse effrénée qui nous enlace. C'est d'une humanité débordante, taillée au scalpel, dans les excès comme dans la tendresse.
Michel Jullien est de ces amoureux des mots, de ces écrivains qui regardent le monde à la lunette de ses traverses aussi fantasques que touchantes qui font de cette lecture un instant de pure jubilation !
La guerre d’Indochine, sa fin et la débâcle de Diên Biên Phu vu par la petite lorgnette caustique et véloce de Vuillard.
Des plantations de caoutchouc de Michelin aux cénacles de l’assemblée nationale le temps s’étire et les mondes se recoupent et s’entretiennent.
Les coulisses se
révèlent, Industriels, banquiers, petits politiciens, les entre-soi se gonflent, ivre de pouvoir et de cupidité, avec un sens du détail des plus cinglant.
D’une habileté grinçante, tragique et implacable, eric Vuillard s'immisce dans les plis de l'histoire, les rouages et les angles morts de cette guerre coloniale. Il en interroge les mots, les ressorts et les psychologies, d'une plume mordante à souhait.
La composition est brillante, la comédie humaine glaçante et cynique.
Le grotesque y côtoie le tragique et résonne de tous ses échos aujourd'hui encore.
Vuillard dézingue avec intelligence, par fragmentations féroces et ce récit aussi historique que politique se savoure délicieusement.
Loser patenté, flint et sa dodge bleue arpente l'asphalte des rues de Philly sur les traces d'un énigmatique dernier coup.
Des bars de nuits, quelques whisky, un chinois, des bagnoles et des donuts, "Philadelphia Sour" est un road trip fumant dans les artères ombragées de Philadelphie.
Une errance
juste pimentée de nonchalance et qui possède le charme déjanté, l'ambiance et le décor d'une bonne vielle pelloche à la carlingue gratinée de noir.
Une intrigue qui tire au faux polar matinée d'existentialisme où Mathieu Ghezzi excelle à dépeindre un univers branlant et ses lignes de fuites parfois désopilantes, autant de paysages embrumés dans lesquels on glisse avec un plaisir certain.
C'est une bobine des frères Cohen qui défile à mesure que la ville s'épaissit de tous ses contrastes.
Un brin ironique, un brin mystérieux, un tout premier roman aux lisières du noir, des plus réussis !
C'est dans son château que serge Langlois, vieille gloire du cinéma français, vit des jours paisibles.
Un monument Serge !
Autour de lui, une famille et des paillettes, et tout un monde poudré, haut en couleur qui regorge d’apparences et d’espoirs.
Un roman tapissé de Faux semblants,
une chronique acerbe et fine de la société, de ses représentations des rôles qui nous envahissent.
Il y a dans ce dernier roman de Julia Deck, tous les ingrédients d’un thriller mondain magistralement orchestré. Une plume à l'économe, fine, huilée de petites touches en petites touches, une mécanique impeccable.
Ce ton facétieux extrêmement corrosif.
Monument national possède entre ces lignes tout l’art jouissif d’une comédie sociale explosive, de ces grandes farces bordurée de noir qui regardent la société avec une pointe d’ironie savoureuse et diablement réjouissante, comme un miroir grossissant de nos existences, en somme.
Un peu dingue, un régal !
Nouk, petit bout de femme éprise de liberté, de courage et d'idéal, gigote dans le monde pour se trouver une place, se trouve une place, déchante un peu, trouve ça dommage tout de même cette question de la place des femmes dans le monde du travail. Parce qu'il est question de ça, beaucoup, mais
avec délicatesse - avec tout ce qu'il faut de frivolité et de tragique dans la voix-, de la place de la femme dans notre société. Parce qu'il est question du monde de l'entreprise, beaucoup aussi, de ses changements, de ceux qu'il laisse de côté, ou bien sur le carreau. C'est aussi d'amour dont on parle, d'écrivains, d'écriture, du bonheur d'éditer. C'est un roman de vie dans toutes ses nuances et ses complexités. Éloge de cette force que certains ont de publier des livres parce qu'ils sont nécessaires et pas forcément rentables. Éloge du regret, aussi. Éloge des choix que l'on fait.
Geneviève Brisac nous prouve qu'on peut traiter de sujets mille et mille fois déjà traités en y apportant un petit truc nouveau, une légèreté, une caresse. Un souffle de vie un peu rigolo, un peu amer.
Geneviève Brisac a le désenchantement qui pétille, le raté qui ondule.
Les Enchanteurs enchante et vibre en soi comme une jolie clameur, quelque chose de doux et de dur à la fois.
Au menu d'Ultramarins, Fantaisie aquatique, hors temps et sans boussole :
Mousseux de mystère
Vin de brume bullé de coquetterie
Triangle en bermudas et navigation sous drôle de voilure.
Et puis il y a des morceaux de bravoure dans l'écriture, des éclats de cristal qui viennent te raconter
l'Odyssée et les souvenirs du père marin.
Avec une joyeuse étrangeté, une Mouvance des corps ballottés par la brume et les vents, Ultramarins nous invite à un voyage Hypnotique, entre la réalité et son miroir.
Ultramarins est une bulle, un petit espace qui s'ouvre et se referme dans un plop délicieux, ultramarins est une parenthèse, et c'est chouette de se retrouver un instant à l'intérieur de cette parenthèse.
Merci à la commandante de bord Mariette Navarro et son équipage des Quidam Editeur pour ce voyage intrigant et sa tendresse toutes voiles dehors.
C'est une histoire de tubes métalliques, de chromes ternis, de manettes crantées, de plastique Rubbermaid, d'écrans ordinateur qui clignotent la nuit
C'est le silence des bureaux à la fin de journée. La vie ordinaire d'un employé d'entretien.
Un employé normal ? Pas si sûr…
Ordure est
une vision ultime de notre humanité contemporaine, un mélange de noirceur, de bizarrerie et d'ordinaire.
Avec lyrisme et comme quelque chose qui tient autant de l'onirisme que d'une vision crue de ce qu'est être humain, un texte qui glace la moelle et rend merveilleux l'inavouable noir.
Un grand livre, un immense livre, qui germe en soi, qui mature comme un bout de viande qu'on a oublié à côté du frigo.
Quel esprit brillant et bouillant faut-il être, quel magnifique sens de la synthèse faut-il posséder, pour en un si court texte, dire tant sur un temps si long et si chargé d'événements.
100 pages nouées comme un mouchoir dans la poche pour ne pas oublier les passions, les copains et les combattants.
Les amours, la guerre et la maladie.
Foudroyant de limpidité et d'authenticité, une traversée historique formidable !
Glaçante spirale de l'homme qui marche récupérer sa femme au suicide quotidien, glaçante, nerveuse et gênante parfois. Un tourbillon de révélations troubles, de violence marquée, à chaque chapitre un élément supplémentaire qui vient couronner ce que l'on pensait déjà terminé.
Écrit
comme une logorrhée faite de répétitions, une scansion de dents de scie, un rythme qui ne te laisse en tant que lecteur, à peine l'espace de respirer, Braconniers prend aux tripes et suspend le temps et l'espace.
Métaphore virtuose de l'engagement, des terreurs enfantines, des douleurs passées qui réveillent de sales demons en soi et en les autres.
Braconniers est un texte d'une force assez inouïe, imprévisible et vibrante.
Pete Fromm est peut-être, sans doute, évidemment, l'un des tous meilleurs écrivains du nature writing américain. Avec cet art de te tricoter des histoires personnelles dans un univers grandiose, de faire passer les vessies dans les lanternes, de t'habiller pour l'hiver avec ses chocs l'air de rien,
dans la discussion ce que tu apprends te gêne, te colle les organes contre la paroi intestinale.
Mais c'est tellement beau, c'est tellement pur. Dur comme un hiver glacial, tendre comme une nuit partagée dans un duvet, beau comme le cosmos qui nous enroule dans son chemin d'étoiles.
Avec délicatesse et justesse, avant autant d'empathie que peut en contenir un sac d'écrivain, ce Lac au milieu de nulle part relève autant de l'épopée en milieu sauvage que du drame intime.
Si Pete Fromm n'est le plus grand américain en activité, il n'en n'est pas loin.
Dans l'ombre de Raymond Carver, enfant de Yakima, grand écrivain des petites gens, et au rythme des foulées des coureurs sacrés, Noé Alvarez écrit.
Un chemin personnel, une quête spirituelle sur les terres de l'univers.
Contre la honte d'être ce que l'on est nait.
Contre la violence faite
aux peuples.
Contre la spoliation de la terre.
Pour la reconquête de soi et de sa place sur la planète.
Pour un humanisme enfin.
Cette course à pied qui couvre les terres volées aux amérindiens, sert aux coureurs de rédemption et de paix, un chemin initiatique nourri d'embûches, peuplé d'humeur violente et de soulagement intime.
C'est en croisant l'autre que l'on se trouve soi-même, c'est en connectant ses pieds à la terre que l'autre en soi surgit.
Un récit comme une radioscopie d'un pays affaibli par ses contradictions et ses erreurs commises, nourri pourtant de toutes ces cultures absorbées.
Entre deux inspirations et deux expirations, une réflexion sur la différence, sur la tolérance et sur la paix souhaitée.
Parce qu'il y a un volcan prêt à exploser mais qui n'explose jamais parce qu'on s'emmerde sur ce bout de village en plein milieu d'une île paumée parce que c'est triste d'être une grosse sans horizon parce qu'en fait l'été dans ce bled c'est pas l'été des touristes parce qu'il y a des nuages
plein le ciel parce qu'on peut faire quoi d'autre que de traîner avec sa meilleure amie quand t'as dix ans et que pourquoi pas se frotter contre le tronc d'un arbre parce qu'on attend la fête du village.
Parce que la misère qu'on chevauche comme un cheval, à cru.
Un roman initiatique entre deux jeunes ados, aussi intime que toxique. l'écriture est au venin, tantôt choc tantôt douceâtre. Qui montre une page de l'existence frêle, sans fard, un peu trash un peu émotionnel, mais sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou dans la gangrène de la violence.
Arno Camenisch est de retour, ton meilleur pote écrivain suisse est de retour, et dio que c'est bon de le retrouver !
Chez Quidam toujours ; merci Quidam.
Les Grisons suisses, une station de ski, rikiki, deux zozos Paul et Georg tiennent boutique dans la cabane du tire-fesses. Ça cause météo,
et la neige qui ne vient pas, et les skieurs qui ne se pressent pas, et le bureau de poste qui a fermé. Ça cause des femmes et des hommes du village en se sirotant un petit café ou un petit verre de vin rouge. Et ça blablabla comme au comptoir du bout du monde. On dégoise, on se gausse, on fait l'inventaire de ceux qui sont partis ailleurs ou dans le royaume des cieux. Et puis, l’amour du travail bien fait aussi, c’est que leur tire-fesses ils en prennent soin.
Mais surtout, au fond de tout ça, on fait la constatation que le monde a changé, celui d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui.
Un roman d’Arno Camenisch est toujours un moment à soi, avec les autres, c’est pétri de fraternité, c’est bourré d’humour et d’histoires en tous genres ; un peu comme une balade dans un coin paumé à la rencontre du lieu et de ceux qui le font.
Drôle, gouailleur, finaud et bien malin qui s’y prend, à leurs lèvres de ces deux camarades c’est de la philosophie ordinaire, du brin de causette qui mine de rien sonne comme de la profondeur.
Il faudrait imaginer, par exemple, Jean Carmet et Claude Brasseur dans leur bicoque, le coude qui se lève, la langue bien pendue, le regard un peu mélancolique mais tout de même pétillant. Le bar des bons amis en quelque sorte.
Nous sommes tous des morts ou des vivants, et on s'emmerde. Nous sommes tous perdus sur un petit caillou qu'on appelle planète terre . Le monde est flou, les choses sont bien incapables de rester à leur place. La technologie c'est juste un truc pour te foutre une pression d'enfer, ça te poursuit
par la poche de pantalon, ça te remplace l'oeil d'un homme par l'oeil d'un robot.
Dans cette ville qui pourrait une sorte de Los Angeles, oui LA ou New York où n'importe quelle mégapole, un flic enquête sur quelque chose, on ne sait pas trop quoi, c'est souterrain, c'est une enquête qui mène à une autre enquête qui mène à une autre enquête.
Les rues quand elles ne changent pas de position géographique, accueillent toute sorte de bizarrerie (des macchabs en veux-tu en voilà, des bars où le thème du soir c'est le nudisme, l'animalerie des Morts-vivants, des quartiers vintage, des putes et des dealers,...)
Les drones surveillent le potentiel terroriste de tout un chacun, les IA essaient de rendre service, et ce bonhomme qu'on suit est peut-être bien le dernier représentant d'une espèce en voie de disparition : l'être humain.
Dans une ambiance underground cyberpunk, loufoque trash, c'est bien les contours de l'humanité, de son désespoir, de sa vacuité et de sa décadence, qui se dessinent .
Hommage au hard-boiled, poilant et saucissonné comme un cadavre mort dans une blague, violent comme une pétoire en pleine canicule, Street Cop est ce genre de petite croquette assez dingue à placer sous le sapin ou dans le panier à linge, peu importe.
Et puis c'est rehaussé, last but not least, par les illustrations d'Art Spiegelman, excusez du peu.
Dans une langue possédée, comme un griot vaudou qui tapisserait ton âme de magie ancestrale gullah, Djèli Clark t'emmène danser la valse dans les bras du diable.
Les monstres ont muté en monstres encore pire - membres du KKK pour des KKK++ - la résistance s'organise, tireuse d'élite, porteuse
d'une lame à l'aiguillon magique lumière divine en ces temps de désolation, poseuse de bombes millimétrées. Et c'est pas joli à voir.
Ring shout c'est un voyage complètement dingue dans la fournaise de Macon, sud des USA au début du XXème, complexe historique fait de haine raciale, de lutte du bien contre le mal, d'horreur et d'une putain d'amitié, loyale et belle, des Sadie, Chef et Maryse.
Un texte qui t'embarque immédiat, te serre entre ses pages comme entre les psalmodies d'un mantra, jusqu'au cou dans une galaxie faite de mauvaises humeurs, de superstitions, de monstres, de feu et de tripaille.
Révoltée, politique, sociale, violente, une bonne grosse décharge d'un calibre chargé a l'adrénaline !
La Patagonie, ses putes, ses cabarets, ses bars, ses bordels. Ses chômeurs du pétrole, ses religions à tous azimuts et ses vents ahurissants. Ses superstitions, ses croyances. La route 43 et les steppes désertiques.
Et ses suicidés...
Les suicidés du bout du monde.
Les suicidés de Las Heras.
Las
Heras c'est un mythe, un lieu monté au milieu de nulle part, grandi par la découverte du pétrole, comme une ville de western, un peu fantôme, un peu sauvage. Où tout se passe dans l'intérieur sinistre des bars. Où le temps passe sans offrir d'opportunités à ses jeunes.
Une vague de suicides a emporté la jeunesse de Las Heras.
Leila Guerriero mène l'enquête. Ennui, secte, sentiment de perdition, oubli, manque d'opportunités ?
Et elle le fait de manière magistrale, une manière avec des voix qui résonnent, des confessions qui se font avec les tripes et les résiliences.
Un voyage chanté par la langue de ses habitants, une galerie de portraits touchants, vibrants, des lieux incroyables et insaisissables, des histoires intarissables.
Ce que la fiction journalistique apporte de merveilleux, c'est ça ! : ce bout du monde dans le creux de la main.
Bang bang !
Une bonne grosse histoire de liens filiaux, de loyauté, de rédemption, de vengeance. Dans un coin paumé des Appalaches, où l’on règle ses comptes sans passer par la case police, où le whisky et la bière se mélangent aux douilles de fusil de chasse. David Joy se comporte comme un frangin de
Ron Rash, un cousin de David Vann, un fils des lieux, un dieu de ses créatures.
David Joy c’est le couteau qu’on se fiche entre les dents avant de partir, à moitié nu, chasser l’ours brun : une nécessité, tout au moins un minimum. Il maîtrise l’art du mot qui vient ciseler les corps juste avant qu’ils ne se décomposent, une écriture sèche comme un été sans pluie. Dans une nature aussi sublime qu’elle peut servir de refuge à la haine et à l’amitié, une histoire pétrie de mythologie américaine, dont nul ne saurait sortir sans ecchymoses.
David Joy sort son alambic,
il y verse du pétrole.
L’allumette à la main.
Un grand texte de 1963 de l'écrivain américain William Gardner Smith sort bientôt chez Christian Bourgois. Un très grand texte.
Paris. Années 60. Simeon, américain noir, a quitté son pays, la ségrégation, les violences ordinaires. Il a fui ces visages blancs de peur de commettre l'irréparable.
Pour la vie française, un idéal qui n'a de reluisant que son vernis extérieur.
Simeon est un cœur qui bat et qui se retrouve dans la lutte, la ségrégation, les violences ordinaires. Il a fui ces visages blancs de peur de commettre l'irréparable. Pour la vie française, un idéal qui n'a de reluisant que son vernis extérieur.
Paris, c'est les clubs de jazz de Saint Germain, les bistrots où l'on parle beaucoup, où l'on réécrit sa propre histoire. C’est des nuits sans dormir et des rencontres de hasard.
On se trouve là dans une croisée des genres et des mondes : blancs, noirs, algériens, américains blancs américains noirs, martiniquais et polonais. Chacun réfugié, chacun échappé, chacun expatrié.
Mais au delà du bon temps, des discours intello et de l'idée qu'ici vaut mieux qu'ailleurs, la réalité est entaillée de haine et de violence. Parce que le racisme est partout, là comme autre part.
On noie à Paris les algériens, comme on matraque les noirs aux États-Unis, comme on parquait les juifs en Pologne.
Le visage de pierre, c'est le combat de toutes les minorités, pour leurs droits, leur reconnaissance, c'est montrer combien l'homme est partout le même et que la lutte ne fait jamais que recommencer.
Intelligent, brillant, poignant, un livre mythique !