En cours de chargement...
C'est comme si Bret Easton Ellis avait le dernier scénar d'un film de Ken Loach.
Un lieu : Ironopolis. Cité industrielle en friche. Cité de misère et d'alcool frelaté. Où la vie tourne autour de la décision de partir ou rester.
En six personnages, autant d'hybridations du texte, Glen James Brown donne voix aux laissés pour compte, aux arnaqueurs et arnaqués, aux trafiquants, à ceux qui survivent, à ceux qui se battent et ceux qui désespèrent.
C'est vivant, parfois tragique, souvent le rire se fait l'exubérance d'un abandon. La littérature devient une jouissance, un mécanisme
de défense face aux méthodes brutales d'un état qui délaisse sa population, qui la nie.
Ironopolis comme le symbole d'une roue qui tourne, mais pas dans le même sens pour tout le monde.
Un texte dément, tranchant, d'une vitalité paradoxale, un texte comme l'expérience de survie, chacun chacune à sa manière, une somme de vies bouleversées, tabassées, transgressives. Le reportage cartographique d'êtres humains rongés de violence dans un monde d'une violence silencieuse.
Glen James Brown écrit Ironopolis comme on pose un drapeau de chair humaine sur une montagne infranchissable.
La langue de Naomi Fontaine est quelque chose qui s'ouvre en toi, pour toi, comme une coque déjà fêlée. Elle éblouit par sa simplicité. Elle rugit comme une source cachée sous des mètres de silences.
Ces moments écrits sont comme des fragments vulnérables, des existences en membranes qui d'un côté perpétuent une langue, des traditions, une histoire, et de l'autre questionnent le rapport à la modernité.
La langue de Naomi Fontaine fait danser les échos, te vient dans le cœur sans protection, elle est frontale, violente, directe.
Ses émotions sont sincères, ses espoirs
brûlants, ses peines vibrent. Et ses reconquêtes de soi, de son identité, de son corps, sont habitées, elles sont bouleversantes.
Kuessipan, par son style épuré, est d'une beauté aussi saisissante que doit l'être un froid paysage des grands nords, aussi dure qu'une vie passée à se chercher.
Un petit bouquin comme un trésor, un acte de bravoure. Un mille-feuilles d'or dans un écrin de blizzard.
Christian Gailly, c'était avant tout une voix, un timbre particulier, la voix du jazz, un rythme l'air de rien, mais un vrai rythme de jazz, sequencé, virtuose parfois, du virtuose qui fait semblant de se casser la gueule.
Christian Gailly écrivait des corps dévorés par la passion du jazz et des femmes, des nuits bleues drapées dans le satin blanc de la fumée des cigarettes, les âmes y tournent en rond, dans un swing souvent mélancolique, névrosé, un déhanché sans mouvement, une nostalgie des amours tangibles ou non.
Lily et Braine, c'est le même livre qu'Un soir au club,
qui était peut-être le même livre que Dernier amour, en cela encore c'est une voix unique, la sienne autour de la sienne.
Christian Gailly était un petit géant, un talent précieux, une fureur contenue qui fascine dès que l'œil s'y pose, un souffle galvanisant sur nos fêlures, son écriture est le lieu d'une rencontre inoubliable entre le lecteur et l'auteur.
Ses livres sont autant de mausolées que d'élégies.
Littérature en kevlar contre les balles dum-dum du racisme primaire, roman noir anti bombes puantes, antidote à la haine, Traquenoir de ce drôle de zig que dû être Ed Lacy (petit surnom de Leonard Zinberg) sort de son chapeau de magicien le premier détective noir dans le polar, colosse en proie à tout ce qui pue au royaume USA dans les 50's. Et ça défourraille hard-boiled, ça punche gauche-droite, Ed Lacy devient le chaînon manquant entre mister Hammet et sieur Joe. R Lansdale.
Avec un sens prodigieux de la narration, Isabela Figueiredo nous emporte dans l'histoire contrariée de Maria Luisa, faite de ces humiliations et ces hontes d'être considérée grosse, ces insultes des couloirs scolaires, ces hommes qui se détournent, cette mère qui appuie làoùca fait mal ; pourtant elle est belle Maria Luisa, elle rayonne, d'envie, de plaisirs, d'idéal, elle aime l'amour et le sexe, elle aime la vie dans tout ce qu'elle offre de défis.
La grosse est un roman charnel, plein et entier de corps qui s'emboîtent, ou se rejettent, qui se dévoilent et se laissent toucher
ou bien se cachent.
La grosse dresse le portrait magnifique, touchant, d'une femme dans le creuset d'une société prise dans les feux des changements radicaux, la décolonisation du Mozambique, les chaos politiques du Portugal, et dans les eaux toujours complexes de l'acceptation de soi.
Un hommage aux sensations, un vibrant éloge des élans qui nous poussent toujours à grandir, magnétique autant que déchirant parfois.
Trois femmes. Trois époques. Un destin. Un texte qui capte l'ère du temps, l'ère des IA avec l'intelligence hybride du poète-philosophe-chasseur-cueilleur, c'est-à-dire que le futur serait les origines, que les origines auraient déjà bouffé le futur. Car tout s'imbrique dans une prose poétique, une universalité intemporelle, une danse des temps. Réussir dans un seul et même roman à nous poser le décor très XVIIIème dans les poches d'un futur proche, ou inversement, est une gageure en soi. De la basique mécanique au synthétique intelligent, de la chair à une autre chair. Et tout ça dans un fluide intime, réflexif, ouvert à mille méditations.
Comment qualifier l'écriture de Nina Allan ? Peut-être comme une fiction parfaite aux allures de traité documentaire parfois, une oscillation des genres, roman de l'anxiété de quelle-est-notre-place-dans-ce-foutu-monde?, où le temps devient cette notion floue dans laquelle nous nous ébattons. Comme une quête de sens perdus, aux repères émoussés. Nous sommes ces héros d'une littérature sans limite. Nina Allan possède ce goût du trouble qui guide ses personnages dans une symphonie hyper-construite, jamais discordante, parce que dans le chaos comme dans les cimetières poussent des
fleurs divines.
Captivant, hybride, mécanique diabolique où les questions se succèdent, se stratifient, et les révélations se font régulières, des Oh! et des Ah!, Conquest se joue des codes et nous pousse dans tous nos retranchements.
Avec comme un air de saudade, Hors-Sol dresse le portrait d'un homme de son temps, de notre temps, ce temps fait de questionnements existentiels, de quête perpétuelle, d'exils mélancoliques. Cette époque qui nous pousse et nous retient, qui nous vogue de l'utopie à l'ineptie, comment trouver sa place quand tout semble disponible et dans le même temps si creux.
Du Portugal natal à la France, de la France à Montréal, de Montréal à l'un des épicentre touristiques actuels l'Islande, Alvare ingénieur en biologie végétale, précieux, indécis et distant, vit une vie sans attache,
jette son ancre dans des laboratoires hydroponiques, où la mesure est la règle, où tout se passe comme cela doit se passer. L'amour parfois entretient ses parenthèses douces, des échappatoires à l'ordinaire.
Une sensibilité du mot, une vision éclairée de nos déboires, nos futilités. Une langue de silences et de regards. Hors-Sol comme une métaphore des hommes et des femmes suspendus au-dessus des choses sans jamais vraiment les toucher.
Un roman au transport entêtant, une fable moderne entre désirs et désarroi. Entre douceur de l'être et du végétal et tragédie morale post-moderne.
C'est drôle, ça voltige. C'est dur parfois, ça trébuche. Un très joli tracé de vie de femme. Les pieds dans la boue, les yeux dans les rêves, les mains dans le crin. Une trajectoire faite de heurts et de chaos. De charme et de désirs. De jockeys et d'entraîneurs.
D'hippodrome en hippodrome, de lignes d'arrivée en stalles de départ , Cavaler seule, c'est croqué à la manière d'instantanés, un album de nouvelles, qui dessine intensément la vie, sur gazon ou sur terre.
Une lecture comme le cataclope singulier d'une vie menée au tambour battant des sabots sur le sol.
Kathryn
Scanlan touche, émeut. Elle possède ce petit truc, cet art précieux de l'écriture à chute, qui fait que le plaisir se renouvelle page après page, morceau de bravoure après morceau brisé.
Un enchantement ce bouquin, un enchantement.
Tes pas dans l'escalier
Un roman symbole de notre époque : anxieux. paranoïaque, psychotique ; une forme d'apothéose du capitalisme de l'élégance et de l'esthétisme, tant la langue est raffiné, la maîtrise du virtuose, c'est écrit comme une glissade inéluctable, la fin du monde derrière les fenêtres et la fin de l'homme à l'intérieur de soi.