Aux Animaux la guerre est un roman écrit sous forme de destins qui vont se croiser, plus ou moins,dans une petite ville des Vosges déclassée, oubliée, trop petite, trop loin des grandes routes.
Une usine fait tourner la ville, mais elle va sans doute fermer, elle n'est plus rentable.
Rita, inspectrice du travail, Martel, secrétaire-escroc du CE avec son acolyte incontrôlable Bruce, qui se gave d'anabolisants, de coke et de shit.
Pierre Duruy, fantôme de la sale guerre d'Algérie, grand-père de Lydie, ado qui alimente la libido de tous les garçons du lycée, et surtout celle
de Jordan Locatelli, qui du coup ne retape plus la R8 Gordini avec son darron.
Victoria, pute échappée recueillie par Rita, draguée au resto par Grégory, éternel musicien en devenir, frère de Rita, elle-même plus ou moins avec son ex Laurent...
C'est une myriade de personnages, tout un monde, que Nicolas Mathieu nous décrit, sur une période brève, sur fond de fermeture d'usine, de petits escrocs et grand bandits, de petits dealers de shit, de gamins qui s'emmerdent, font le tour du patelin 50 fois en moto, fument du shit le samedi soir, pour les plus chanceux vont en boite de nuit.
C'est le monde des plans sociaux, des CDD enchaînés, des mauvais bacs passés, des femmes mortes trop tôt laissant les gosses et les maris désemparés, tout ça sous la neige et dans le froid, avec l'accent des "Hauts".
C'est l'histoire d'un monde qui n'en finit pas de crever, l'histoire de ce qu'on appelle un peu improprement les "petits blancs", terme importé d'un pays longtemps ségrégé. Nos "petits blancs" à nous sont moins individualistes qu'aux Etats-Unis, et certains s'appellent Abdelkader ou Mohamed.
Aucun pathos, pas de grandiloquence, juste beaucoup de tendresse pour ses personnages de la part l'auteur, dont on peut penser qu'il les connait bien.
Ce livre est construit en courts chapitres, titrés du nom des personnages principaux. De légers décalages temporels, quelques retours en arrière, rompent la linéarité de l'histoire. Le lecteur passe d'un personnage à l'autre, ceux-ci se croisent, se frôlent ou s'ignorent.
Ce bouquin est à mon avis remarquable : une véritable histoire, racontée avec une grande sensibilité et beaucoup de finesse, des personnages ordinaires, un peu paumés, un peu ancrés dans le réel, une veine sociale convaincante.
Sur le plan de la narration, je rapproche cet auteur de Stephen King.
Je vous conseille très fortement de lire ce bouquin, qui a un seul défaut : il est trop court ; j'attends pour ma part avec impatience le prochain.
No hope !
Premier roman très noir de Nicolas Mathieu, "Aux animaux la guerre" est un polar vraiment atypique : pas de commissaire ou d'enquêteur dans ce livre, mais plutôt les points de vue alternatifs de quelques personnages centraux, et très différents. Il y a Martel, le syndicaliste, Bruce le junkie bodybuildé, Lydie qui essaye de s'en sortir... Tout le spectre social de la ruralité est représenté sous ses aspects les plus sombres, dans un contexte de fermeture d'une usine et des rapports tendus entre la direction et les classes ouvrières, véritable terreau pour un polar. La lecture est dynamique, du fait des changements fréquents de points de vue, mais aussi par l'écriture ciselée comme un scalpel de Nicolas Mathieu, qui dessert à merveille l'histoire qu'il nous propose. Récompensé par trois prix littéraires, ne manquez ce polar sous aucun prétexte, surtout si vous êtes amateur du genre !!