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Jonathan Franzen est passé maître dans l’art d’écrire de grandes fresques intimes et familiales. Neuf ans après "Les corrections", roman fleuve consacré à la famille américaine Lambert, il récidive avec "Freedom" avec une ambition littéraire démultipliée, puisqu’on s’intéresse ici au portrait d’une famille sur trois générations. Ce qui frappe en premier lieu, dans ce roman dense et foisonnant, c’est la précision avec laquelle chaque individu est décrit : que ce soit pour les personnages au premier plan (Patty, Walter et Richard) ou plus en retrait dans la fiction (la génération des grands-parents), le lecteur ressent le plaisir qu’a pu éprouver l’auteur à brosser des personnalités riches et complexes, toutes crédibles et différentes, pour nous faire comprendre comment toute cette tribu s’enfonce dans les non-dits, les trahisons et les mensonges pour s’enfoncer dans le malheur – alors qu’elle a au départ les clefs pour être heureuse. En arrière-plan, Jonathan Franzen se plait à croquer le portrait fouillé de l’Amérique de l’après 11 septembre, marqué par l’invasion en Irak, un clivage plus marqué en politique, la montée des préoccupations environnementales, etc. Ce faisant, il ausculte aussi l’évolution de la société américaine sur trois décennies, ce qui donne à son livre une dimension presque sociologique. Définitivement, il y a plusieurs romans en un seul dans "Freedom" : c’est peut-être ce qui en fait une oeuvre extrêmement puissante. Incontestablement, il s’agit de l’un des romans étrangers les plus marquants de la rentrée littéraire 2011.
"Que de l’oubli" est ma première déception de cette rentrée littéraire 2013. Pauline Guéna nous propose un roman choral dans lequel se mêlent les destinées de sept personnes qui sont plus ou moins liées les unes aux autres.
Comme d’habitude avec ce genre de livre, le lecteur est plutôt amusé au fur et à mesure de sa lecture à recomposer le puzzle des différentes vies et à voir les différentes connexions entre les individus. Hélas, l’ouvrage fait moins de 300 pages et l’auteur n’arrive pas à bien camper les sept personnages tout en faisant progresser correctement son
récit sur un moment aussi court. Du coup, on a du mal à se passionner pour les protagonistes qui sont esquissés à grands coups de stéréotypes et pour l’histoire qui est développée de manière superficielle. Le cadre futuriste du roman (Paris a été submergée par une grande inondation et la topographie de la capitale s’en trouve modifiée) est une bonne idée mais qui n’est pas développée suffisamment pour être intéressante.
Dommage, cela aurait pu donner un bon roman si l’auteur s’était donnée les moyens de ses ambitions.
Timothée de Fombelle est l’un des nombreux écrivains qui, mine de rien et sans le vouloir vraiment, envoient un doigt d’honneur poli aux idiots qui portent un regard condescendant sur la littérature jeunesse sous prétexte qu’elle est adressée aux enfants.
L’auteur maîtrise l’art de raconter les histoires à la perfection.
Dans le premier tome par exemple, La vie suspendue, Timothée de Fombelle ne se focalise jamais sur le présent mais procède par de multiples allers et retours ; il fouille le passé ou explore le futur lorsque l’action s’emballe et se tend irrémédiablement,
puis revient ensuite de manière assez fluide et tranquille aux péripéties en train de se dérouler... Ce procédé habile, qui joue vraiment sur des différences de tempo, rend le récit très vivace et ménage des bons moments de suspense pour le jeune lecteur.
Le deuxième tome, Les yeux d’Elisha, est un peu plus linéaire dans sa narration ; en revanche, Timothée de Fombelle saute d’un personnage à un autre pour faire évoluer son histoire, ce qui la rend la aussi beaucoup plus dynamique. Ainsi par exemple, l’auteur abandonne Tobie quand celui-ci se retrouve dans une impasse, pour poursuivre son récit à travers les yeux de la famille Asseldor, et ainsi de suite. Là encore, tout cela est mené avec une maestria qui nous régale les yeux et l’entendement !
Le roman dans son ensemble possède également plusieurs niveaux de lecture qui le rend intéressant pour différents publics. Ainsi, on peut le voir tout à fait comme une histoire d’amour très belle entre le jeune Tobie Lolness et Elisha Lee ; on peut aussi lire un formidable roman d’aventures et une grande épopée ainsi qu’un vibrant plaidoyer pour le courage et l’honnêteté ; enfin, les plus adultes seront peut-être sensibles aux thèmes qui alimentent le récit comme le souci de l’écologie ou la dichotomie centre-ville / banlieue de notre société contemporaine (à travers les effroyables cités construites par Jo Mitch Arbor) – et ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres !
Bref, vous l’aurez compris, il ne faut pas passer à côté de ce très beau roman pour la jeunesse, touchant et poétique, plein de trouvailles en tout genre. Et puis, c’est l’occasion aussi de découvrir l’origine cachée de certaines expressions comme "Entendre une mouche voler" ou "Ne pas être dans son assiette" ou "Vieille branche" !
Je n’ai pas lu ce livre depuis quelques années et pourtant il continue de me marquer aujourd’hui, par la simplicité de sa structure et par la puissance des thèmes qu’il évoque. Quelle est l’histoire ? Charlie Gordon, attardé mental, acquière l’intelligence par le biais d’une expérience scientifique testée au préalable sur une souris nommée Algernon... et puis ? Et puis, c’est tout : je vous laisse lire la suite ! Je trouve que la quatrième de couverture, trop bavarde, gâche le plaisir de la lecture en nous dévoilant presque la totalité de l’intrigue. Le roman est construit à partir des comptes-rendus de Charlie qu’il écrit à la demande des scientifiques avant et après son opération. Du coup, le style d’écriture évolue au fur et à mesure que le jeune homme gagne en sagacité – les premières pages, truffées de fautes d’orthographe, sont assez pénibles à lire ! On suit avec passion cette métamorphose du héros dont le cerveau se développe à vue d’oeil, ses évolutions sur le plan psychologique, émotionnel et intellectuel. Il me semble que même ceux qui n’apprécient guère le genre de la science-fiction pourront y trouver leur compte.
Pour moi, il s’agit du meilleur one-shot fait sur Spirou et Fantasio. Certes, Emile Bravo s’éloigne du cahier des charges de la série principale (une histoire fantaisiste, des gadgets à gogo, etc.) au risque de dérouter les fans de la première heure... mais il nous livre aussi les origines passionnantes de notre groom favori plongé en plein cœur de l’Histoire au début de la seconde guerre mondiale à Bruxelles. C’est justement pour moi cette incursion dans le réel qui rend cette aventure très bouleversante, même si du coup c’est vrai qu’elle n’a plus grand-chose à voir avec les épisodes classiques. Le lecteur s’amuse à piocher les références à droite à gauche (entre autres celle sur Tintin, plus qu’évidente, ou celle sur le premier tome officiel de la série). Les traits de Bravo servent parfaitement une ambiance à la fois douce et mélancolique qui plane tout au long de l’album : le ton est léger, l’histoire est globalement drôle, mais tout cela s’entremêle avec un contexte historique sombre et sérieux... Décidément, c’est une vraie réussite et un bien bel hommage à Spirou que ce one-shot là !
Il est très difficile d’écrire une critique sur un roman tel que celui-ci, illisible, dense, vertigineux, tortueux, audacieux et complexe, mais tellement génial ! Les instructions sont en fait le texte sacré écrit par un gamin de 10 ans, Gurion Ben-Juddah Maccabee, persuadé d’être le nouveau messie. Le livre se concentre sur quatre jours consécutifs dans la vie du pré-adolescent.
La narration est riche, hypnotique. L’action est très resserrée et linéaire, voilà pourquoi le livre est si long (plus de 1000 pages) : l’auteur Adam Levin fouille les moindres détails, n’omet
aucune anecdote et aucun fait durant ces quatre jours. Il n’y a presque pas d’ellipses dans le récit.
Le lecteur est d’emblée fasciné par le personnage de Gurion. Hyperactif, très violent et surdoué, le garçon analyse et prend du recul par rapport à tout : ses actions, les faits et gestes de ses amis, ses propres pensées – et prend des décisions en fonction de ce qu’il lui paraît le plus juste. L’influence et le charisme qu’il dégage auprès de ses camarades déteignent un peu sur le lecteur qui se retrouve malgré lui emporté par la force de conviction et de persuasion (car il s’agit de séduction aussi) de Gurion.
Adam Levin se joue aussi des codes formels attachés habituellement au récit et privilégie un patchwork mêlant habilement notes de bas de page au milieu du texte, phrases et croquis évoquant l’art ASCII.
Bref, il s’agit d’une lecture pour lecteurs exigeants, certes ; mais quelle récompense pour celui qui accepte de jouer le jeu, de se laisser porter par le souffle et la verve littéraire qui traverse ce roman de part en part !
Après dix ans de silence, l'écrivain américain James Salter revient sur le devant de la scène littéraire avec un nouveau roman qui constitue l'un des événements de cette rentrée.
Amateurs de récits classiques avec une intrigue linéaire et des péripéties ordinaires, passez votre chemin.
Il n'y a pas ici d'histoire à proprement parler mais plutôt le déroulé d'une vie avec un individu que l'on suit sur près de cinquante années, traversant la vie au gré de ses rencontres amicales, de ses aventures amoureuses et de ses relations professionnelles.
L'auteur fait aussi la part
belle aux personnages secondaires et, ce faisant, il nous brosse le portrait de toute une génération.
Il s'agit d'évoquer ce grand bouillonnement qu'est la vie en nous parlant des hasards et des coîncidences qui la constituent.
Certes, ce livre au format à l’italienne coûte cher (85 euros pour cette édition) mais il est aussi superbe. Pascal Quignard interroge le mystère de l’origine indissociable de la question de sexualité. A travers vingt-sept chapitres plutôt courts, il explore les grands mythes ou contes pour essayer de d’appréhender cette "première nuit" où tout se joue et que personne n’arrive à saisir. Pour accompagner sa pensée, l’auteur nous propose plus de 200 œuvres d’arts (gravures, tableaux, etc., tirés de sa collection personnelle) reproduites ici magnifiquement sur des pages entièrement noires qui les mettent particulièrement en valeur. Cette beauté plastique extérieure, loin de donner au livre-objet un aspect poseur et étudié, participe pleinement au voyage fascinant auquel Pascal Quignard veut nous convier. A ce titre, il me semble que la version poche publié un peu plus tard remplit moins son rôle de nous approcher au plus près de la scène primitive, même si elle est de fait beaucoup moins coûteuse.
Ce texte, écrit dans la première moitié du siècle dernier (1928), n’a pas pris une seule ride ; mieux, il est d’une actualité sidérante. Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, expose à travers des exemples clairs, les idées efficaces et simples pour influencer l’opinion dans tous les domaines, que ce soit pour lui imposer un nouvel objet de consommation ou un nouveau dirigeant politique. Loin de dénigrer ces pratiques, le principal fondateur de l’industrie des relations publiques s’en félicite et propose même des méthodes pour les perfectionner ! Ce faisant, il nous montre tous les rouages qui existent derrière la manipulation des masses... Sur un ton cynique et provocateur, "Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie" offre une lecture véritablement fascinante, et ce d’autant plus que l’ouvrage est assez accessible et ne nécessite pas de connaissances au préalable. Merci aux éditions La découverte d’avoir remis en lumière ce document et cet auteur – dont les travaux restent assez méconnus en France.
Une déception !
J’avais été conquis par "Le Montespan" du même auteur ; je suis déçu par ce livre. Jean Teulé choisit de nous montrer la descente aux enfers d’un roi au travers d’une multitude d’instants de vie collés les uns derrière les autres sans véritable lien entre eux, sans réelle cohésion. De ce fait, les chapitres s’enchaînent, extrêmement courts et sans fil directeur, ce qui contribue à rendre le roman assez décousu. En outre, les anecdotes finissent par se ressembler et l’ennui arrive vite... Surtout, tout le problème vient du fait que ces anecdotes apparaissent assez superficielles au regard de l’histoire ; ainsi, le roi Charly 9 est traité de manière caricaturale alors qu’on sent pourtant tout le potentiel que pourrait tirer Jean Teulé du personnage de Charles IX, complexe et fort intéressant. Je n’ai pas non plus accroché au style que je trouve assez pauvre sur le plan littéraire (concernant les dialogues, notamment). En bref, j’ai ri quelquefois, je me suis impatienté souvent...