Il y a des thèmes dont on parle peu, à tort. La propagande est de ceux-là. Qu’est-ce que la propagande ? Pour Bernays, la propagande regroupe un ensemble de techniques visant à manipuler l’opinion publique pour « servir des intérêts particuliers ». Les intérêts particuliers dont il parle sont ceux d’un « gouvernement invisible » , une élite minoritaire qui influence les comportements du peuple pour satisfaire ses intérêts personnels et qui dirige véritablement le pays. Cette thématique a été plusieurs fois abordée dans ce blog, et en voici ici l’un des textes fondateurs.
Qui sont les « faiseurs d’opinion » ?
[...] Le « conseiller en relations publiques » (dont le terme semble avoir été inventé par Bernays), coordinateur de la propagande, se fait l’avocat d’une cause, qu’elle soit d’ordre privé ou public. […] Le propagandiste œuvre dans tous les domaines.
[…]
[...] Curieusement, ce sont les éditions La Découverte, avec la collection (pardon, le « label ») Zones, qui se sont emparées de ce texte à la fois subversif et fondamental. Ces mêmes éditions ont gardé le fonds Maspero dont elles sont issues, mais dans un coin, dans une collection (oups, un label) séparée du catalogue La Découverte qui, lui, est bien moins subversif que celui de son prédécesseur. [...] Il existe un vide sidérant dans l’édition française des sciences humaines et politiques : comment ce texte, datant de 1928, n’a-t-il pas été publié avant 2007 ? Cette situation tient-elle de l’omerta, du présupposé désintérêt des lecteurs ou d’une corporation d’éditeurs frileux ? Les trois à la fois ? Même si l’édition indépendante s’attache à combler ce vide, notamment par le biais des traductions, des textes majeurs sont passés à la trappe en France.
[...] Une question néanmoins subsiste : pourquoi Edward Bernays a-t-il publié ce livre ? Pourquoi diffuser cette “réalité”, au risque de faire soulever une rébellion ? Est-ce croire qu’il n’arrivera pas dans les mains “de la masse” qu’il qualifie volontiers d’un champ lexical péjoratif (« masse » ; « ménagères » ; « troupeau » ) ? Est-ce croire que, quand bien même il arrive dans nos mains, nous n’en ferions rien ?
Propagande, lobbying, think tank... Au fond, les organisations, quelle qu’en soit leur forme, luttent pour des intérêts qui leurs sont propres. La question est : à quelles instances accordons-nous une légitimité ? La réponse n’est pas unique, elle se décline différemment pour chacun d’entre nous. Comme le soulignent Stauber et Rampton, il n’y a pas de bon ou mauvais lobbying. Qu’en est-il alors ? Peut-être pourrions-nous commencer par discerner l’œuvre des groupes de pression (quels arguments sont avancés ? par qui ? dans quels buts ?) ; et ensuite choisir quelles opérations de propagande on rejette, selon ses convictions propres (par le boycott ou la non-action/consommation), et celles auxquelles on adhère (en s’en faisant le porte-parole).
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Fascinant !
Ce texte, écrit dans la première moitié du siècle dernier (1928), n’a pas pris une seule ride ; mieux, il est d’une actualité sidérante. Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, expose à travers des exemples clairs, les idées efficaces et simples pour influencer l’opinion dans tous les domaines, que ce soit pour lui imposer un nouvel objet de consommation ou un nouveau dirigeant politique. Loin de dénigrer ces pratiques, le principal fondateur de l’industrie des relations publiques s’en félicite et propose même des méthodes pour les perfectionner ! Ce faisant, il nous montre tous les rouages qui existent derrière la manipulation des masses... Sur un ton cynique et provocateur, "Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie" offre une lecture véritablement fascinante, et ce d’autant plus que l’ouvrage est assez accessible et ne nécessite pas de connaissances au préalable. Merci aux éditions La découverte d’avoir remis en lumière ce document et cet auteur – dont les travaux restent assez méconnus en France.