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J’avais acheté ce livre parce qu’on me l’avait beaucoup conseillé à l’époque de sa parution mais j’aurais dû d’emblée me méfier : la couverture est assez laide en soi et rappelle les pires nanars pour adolescents que l’on peut trouver par centaine en librairie ; le pitch du roman (Elle est morte. Pour treize raisons. Tu es l’une d’elle) est lui aussi assez dégueulasse, évoquant les pires téléfilms tragiques de TF1. Mais il ne faut pas juger un livre sur les apparences, n’est-ce pas, donc entrons sans plus attendre dans le vif du sujet et faisons confiance aux goûts
toujours impeccables de nos amis...
Ce roman me met un peu mal à l’aise de par le message qu’il véhicule – un peu comme j’avais pu être gêné par le visionnage de The Crow à l’époque, un film qui défendait clairement une morale un peu douteuse trouvant sa source dans la fameuse loi du Tallion : "oeil pour oeil, dent pour dent". Ici c’est un peu la même chose : Hannah Baker se suicide et poursuit après sa mort (par le biais d’un système assez machiavélique et capilotracté) les treize personnes qui sont selon elle responsables de son acte dramatique. On ne comprend pas très bien les motivations de la jeune fille : veut-elle faire culpabiliser ces personnes ? Veut-elle leur gâcher définitivement la vie après avoir mis fin à la sienne ? Le bat blesse encore davantage quand le lecteur lit les "raisons" de son suicide qui ne paraissent pas si rédhibitoire que cela et que l’on a tous plus ou moins connu sans avoir fait pour autant le geste ultime : Hannah se fait humilier dans la cour du collège ; Hannah perd une amitié qui lui est chère, etc. Tout le problème vient de là en fait : l’auteur écrit pour que l’on éprouve de l’empathie en tant que lecteur pour le personnage d’Hannah ; or, on a clairement envie de la gifler et de lui secouer les puces au contraire pour son manque de courage et d’énergie. Sa vengeance apparaît dès lors bien frivole et dérisoire...
Le twist final, lorsqu’on apprend pourquoi Clay Jensen, le narrateur du roman, est destinataire de ces fameuses cassettes alors qu’il n’a a priori rien à voir avec le suicide d’Hannah, est également assez stérile (Tout ça pour ça !). Sans en dire davantage, il donne au livre un goût plutôt mièvre et sucré assez décevant.
Au final, ma note est de 2 car l’écriture du roman est assez intéressante et sa construction – l’écoute des cassettes se mêle aux réflexions personnelles du narrateur – est intelligente. Tout n’est donc définitivement pas à jeter dans ma lecture !
Akira Mizubayashi est un japonais venu à la langue française à 19 ans, alors qu'il était encore un jeune étudiant gêné par les bavardages vides de sens qu'il entendait dans sa langue natale, pris par un sentiment d'étouffement dans son propre pays.
Son livre est une vibrante déclaration d'amour à notre langue, qu'il habite maintenant depuis près de quarante ans. L’auteur nous raconte son rapport au français, qu'il considère comme un véritable instrument de musique. Sa propre histoire nous révèle aussi tous les paradoxes du concept d'identité nationale : Akira Mizubayashi n'est
plus tout à fait japonais mais il demeurera à jamais étranger au français ; c'est dans ce double statut d’étranger, c'est dans cette son "étrangéité" qu'il puise tout son être et sa personnalité.
Ce faisant, l'auteur rend hommage aux personnes qui l'ont accompagné avec bienveillance dans cette langue venue d'ailleurs. La figure du père d'abord, centrale – il nomme même le français sa langue paternelle ; puis deux artistes célèbres qui lui ont véritablement permis sa renaissance française : Jean-Jacques Rousseau et Wolfang Amadeus Mozart ; puis encore, des professeurs d'université et des théoriciens connus ; et enfin, son épouse Michelle rencontrée à Montpellier lors de ses premières années d'études et sa fille Julia-Madoka – sans même oublier sa chienne Mélodie !
Ce récit autobiographique est tout bonnement passionnant et facile d'accès, mêlant anecdotes touchantes ou amusantes et réflexions stimulantes. La langue de Akira Mizubayashi résonne dans l'esprit du lecteur comme une langue musicale faite de rythme et de silence qui ne s'affranchit jamais de son "étrangéité" – étrangéité révélatrice par des formules employées ou par le ton général du livre, un peu précieux voire suranné. Loin de le desservir, cette prose particulière, lisse, douce et symphonique contribue grandement au charme de l'ouvrage.
J’ai un avis assez mitigé sur L’ombre du vent. Certes, l’histoire est prenante, efficace avec de bonnes péripéties et de vrais surprises. Certes, les amoureux de la littérature pourront être séduits par le message global du roman (qui est une sorte d’hommage au livre) et par les univers rencontrés : ceux de la librairie, des écrivains et de la bibliothèque (le cimetière des livres oubliés, par exemple, est une idée lumineuse). Certes, la déambulation qui nous est offerte dans une Barcelone de l’après guerre civile est plaisante : les descriptions de la capitale espagnole sont réussies et la tension qui y règne après la prise du pouvoir par Franco est également bien retranscrite – les protagonistes sont tous antifranquiste. Malheureusement, l’auteur manque singulièrement de style pour nous emporter complètement avec son récit : les phrases sont banales et fades, le ton général manque de saveur… Du coup, l’ennui guette, les longueurs se font pesantes, et les quelques 600 pages ont parfois du mal à passer.
Jamais encore je n'avais lu un polar avec une telle sensation d’étourdissement et de choc... comme si j’étais groggy, un peu sonné, en refermant le livre. David Peace signe le premier tome de sa tétralogie du Yorkshire. La couleur est annoncée dès les premières pages : point de baratin ici mais une écriture incisive, hyper réaliste, fragmentaire, qui nous met KO et nous laisse avec la nausée et le creux dans la poitrine... Le style "brut de décoffrage" peut surprendre, voire rebuter, mais une fois qu’on se laisse prendre au jeu, il est impossible de lâcher ce roman noir qui nous explose à la figure au détour de chaque phrase. Le roman est écrit à la première personne, celle d’Edward Dunford qui tente de résoudre les crimes de trois fillettes ; on suit ainsi la voix désespérée du jeune journaliste débutant qui va droit dans le mur sans s’en apercevoir, qui va se cramer les ailes à vouloir trop s’approcher de la vérité, entraîné malgré lui par son enquête. Ames sensibles, s’abstenir ! Pour les autres, foncez : c’est du grand, du très grand polar.
Différents personnages dont la conscience n’est pas tranquille sont invités pour des motifs différents sur l’île de la Tortue, un endroit complètement désert. Réunis dans un grand manoir au sein de l’île, ils commencent alors à expirer mystérieusement les uns après les autres... Cela ne vous rappelle rien ? Davide Cali et Vincent Pianina reprennent à leur sauce le célèbre livre d’Agatha Christie pour en donner une version hilarante et adaptée pour les enfants. Ce faisant, ils en profitent aussi pour détourner les codes du genre à l’honneur dans le roman policier.
Il
y a la scène d’ouverture déjà : diablement efficace, elle campe les différents protagonistes et leur personnalité en quelques pages et annonce d’emblée le ton humoristique de la BD.
Plus généralement, la nature des personnages – ce sont des insectes – donne le prétexte au scénariste Davide Cali pour inventer toute sorte de dialogues farfelus et drôles : il faut voir par exemple le phasme se vanter d’être le meilleur imitateur du bâton de bois "uniquement dans un milieu adapté" ou la mante religieuse considérer comme un "truc normal" et non un crime le fait d’arracher la tête de son mari pour la dévorer !
Au final, les grands enfants se réjouiront de cette enquête policière trépidante qui ne lésine pas sur les rebondissements et quiproquos en tous genres ; les adultes, en plus, pourront apprécier les différents clins d’oeil aux dix petits nègres. Tout le monde se marrera à chaque page de par la qualité des dialogues et de la mise en scène. Bref, que demande le peuple ?
Ça y est : j’ai enfin lu le phénomène littéraire dont tout le monde a parlé cet automne et qui a reçu deux prix : celui de l’Académie française et celui du Goncourt des lycéens. Et bien, je dois dire que sans être transcendante, ma lecture fut plutôt agréable et plaisante. Certes, on est loin du chef d’oeuvre qui réconcilierait exigence littéraire et goût populaire comme le proclament certains ; toutefois, le livre est plutôt bien ficelé. Il s’agit d’un thriller avec ce qu’il faut de rebondissements pour tenir le lecteur en haleine – à ce titre, la fin du roman,
pendant laquelle nos soupçons sur le meurtrier changent de minute en minute, est un modèle du genre. On enchaîne vraiment les pages s’en sans rendre compte, ce qui montre que la construction de l’intrigue est efficace. Ce n’est pas très bien écrit, certains passages sont très caricaturaux (on pense notamment aux dialogues entre Marcus Goldman et sa mère, assez risibles), les incohérences sont légion, mais on excuse facilement ces défauts en général pour ce type d’ouvrage dont l’unique prétention est de nous faire passer un bon moment.
Attention toutefois de prendre le roman pour ce qu’il n’est pas sous peine de grande déception – cela explique je pense les mauvaises notes attribuées sur ce site à ce roman. À en croire la quatrième de couverture, La vérité sur l’affaire Harry Quebert serait "une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et les médias". Rien n’est moins faux ! Sauf si l’on considère que des phrases telles que "le monde entier est en train de devenir un McDonald’s monsieur Goldman" ou bien "les utilisateurs de Facebook ne sont que des hommes-sandwichs qui travaillent gratuitement [pour faire de la publicité]" qui parsèment le roman brillent par leur analyse profonde et leur pertinence...
Il y a quelques années, Stephen King, dont j’apprécie certains romans, disait très justement qu’il était l'equivalent du Big Mac en littérature américaine. J’ai trouvé le Giant de la littérature francophone ! C’est Joël Dicker !
"Seul le Silence" révolutionne le genre du polar à lui tout seul. Ici, ce n’est pas tant l’identité du meurtrier qui nous tient en haleine tout au long du roman mais surtout les états psychologiques par lesquels passe le héros sur plus de trente ans, complètement rongé par la culpabilité et le remord, hanté par les fantômes de son enfance. Nous ne sommes pas donc dans le page-turner classique, plein de rebondissements et de suspense. Au contraire, le rythme du livre est lent : on prend son temps, on savoure chaque ambiance, ébloui que l’on est par la qualité littéraire de l’ensemble. L’écriture, parlons-en : elle est d’une densité incroyable. Les longues phrases vous envoûtent souvent par les détails implacables qu’elles charrient – on comprend pourquoi l’auteur dédie son ouvrage à Truman Capote ! – et les descriptions sont sublimes et poétiques... Le roman aborde aussi en filigrane une réflexion sur l’écriture et la lecture comme moyens indispensables pour exorciser ses démons. Bref, un excellent polar littéraire et psychologique plein de profondeur !
Sur la quatrième de couverture, l’éditeur Phébus mentionne l’univers des frères Cohen pour décrire le roman et attirer le potentiel lecteur. Ce rapprochement est loin d’être saugrenu : au fil des pages, on pense beaucoup au road movie O’Brother par exemple, pour le côté burlesque et fantaisiste de l’odyssée des trois personnages principaux ainsi que de leurs péripéties multiples et improbables. Sur l’autre rive du Jourdain, c’est également le premier tome (qui peut se lire indépendamment des autres malgré tout) d’une trilogie à venir sur les années 1920-1930 aux Etats-Unis. L’atmosphère de l’époque est particulièrement bien rendue avec des allusions nombreuses à la Prohibition par exemple ou la description assez fidèle des Etats du sud de l’Amérique d’alors, victimes de la Grande Dépression. Monte Schulz (le fils du créateur de Snoopy et les Peanuts) mène son récit tambour battant, avec un rythme trépidant et des héros pas très nuancés mais diablement attirants, savoureux et généreux.
Ce chouette beau livre est une bonne occasion pour quiconque voudrait découvrir le travail de l’artiste contemporain JR dans la mesure où il regroupe trois de ses expositions majeures (qui avaient fait pour chacune l’objet d’un titre particulier, aujourd’hui tous épuisés) et qu’il est relativement peu cher (30 euros) pour ce type d’ouvrage.
Même si chaque projet est par essence bien différent (la quatrième de couverture l’explique très bien), ils se rejoignent tout de même par la technique utilisée (de grandes photographies prises avec un objectif 28 mm) et par le souci
de replacer l’humain au cœur de la démarche artistique (ces photographies représentent toutes des portraits) alors même que les sujets choisis, pour la plupart polémiques, pouvaient être abordés sous d’autres angles : politique, historique...
Ces trois expositions à ciel ouvert sont également l’occasion pour l’artiste de vivre des aventures humaines toutes plus passionnantes les unes que les autres, d’aller à la rencontre des personnes pour des débats parfois vifs mais toujours riches. Ces moments d’échanges sont retranscrits pour Face 2 Face dans une partie "carnet de voyage" présentant le déroulement du projet ainsi que quelques petites réflexions et discussions que l’artiste et sa bande ont pu avoir avec les Israéliens et les Palestiniens. Dommage que cette sorte de "making-of" ne soit pas reproduit pour les deux autres projets !
Enfin, chaque projet voyage ensuite à travers les grandes capitales du monde. Toutes les photographies sont accessibles gratuitement le temps de l’exposition car elles sont affichées sur les murs des villes, résumant par là même l’intention de JR de vouloir amener l’art en dehors des lieux officiels, là où il pourra toucher le maximum d’individus, et en particulier ceux qui ne vont pas dans les musées par exemple.
Eléphants
Tout d’abord, on voit à l’arrière plan un éléphanteau seul dans une forêt immense, perdu au milieu d’arbres fins et longs. Et puis, on se rapproche de l’animal et on voit apparaitre de nouveaux arbres mais ces derniers sont colorés en rouge... Bizarre... Que représentent ces nouvelles formes ? On le découvre à la page suivante : ce sont des loups à l’air féroce qui pourchassent l’éléphanteau. On voit toute la panique dans les yeux de ce dernier qui semble voué à une mort certaine... Mais les parents veillent et reviennent bientôt avec toute la tribu pour sauver leur petit.
Pour réaliser ses albums jeunesse (et celui-ci n’échappe pas à la règle), Sara travaille à base de plusieurs types de papier qu’elle déchire et qu’elle colle pour former ses différents tableaux – qui constitueront les pages du livre. Cette technique particulière donne toute la force à ses oeuvres sans textes, permet de faire passer chez le jeune "lecteur" une avalanche de sentiments sans avoir recours aux mots. Ici, l’utilisation astucieuse des différents plans qui s’alternent à chaque page (gros plan, plan rapproché, plan général) appuie judicieusement les émotions par lesquelles on passe en regardant l’album : la tranquillité d’abord, puis le malaise, la peur et l’angoisse, et enfin le courage ainsi que la force d’être ensemble.
Un magnifique album à contempler dès l’âge de 2 ans.