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Ce portrait sec et terrible de cette jeune fille du bout du monde qui travaille pour que nous, occidentaux, puissions acquérir tout un tas d'objets souvent inutiles, est impitoyable mais irrigué par une écriture sensible et tendre. C'est à la fois un reportage à l'intérieur d'une fabrique comme il en existe des milliers en Chine mais aussi les effets insoupçonnés que l'éveil aux sens peut engendrer. C'est d'une force terrible et d'une tendresse infinie, sans jamais verser dans le cliché ni dans le larmoyant. En lisant ce très beau récit, partagé entre la colère que l'on peut avoir pour cette jeunesse sacrifiée sur l'autel du libéralisme et la beauté de cette découverte des sentiments amoureux, j'ai ressenti une ambivalence semblable à celle qui nous taraude entre notre désir de consommer et celui de dire non à ce système pourri. Sophie Van der Linden, avec son écriture imagée, très cinématographique et sensible, nous emporte dans un tourbillon de sensations qui donnent à son roman la force d'un conte noir que l'on n'est pas prêt d'oublier.
Jouant volontiers avec la transgression, mais avec un esprit japonais toujours étonnant pour nous lecteurs européens, "L'enfer en bouteille" a été pour moi l'occasion de découvrir un illustrateur hors pair (bien plus inspiré qu'un Taniguchi par exemple) et de pénétrer un moment dans un univers étrange, un peu dérangeant et tellement nippon !
Je sais que l'auteure a droit à tous les honneurs dans la presse, qu'elle est une figure essentielle de la bande dessinée d'aujourd'hui puisque ces deux romans graphiques figurent dans les listes des meilleurs ouvrages de ce début de siècle aux Etats-Unis, je reste cependant un peu interrogatif quant à sa portée. Si ces romans, grâce aux nombreuses citations littéraires, psychanalytiques, ont l'allure de l'introspection haut de gamme, ils restent plus proches du pensum égocentrique que de l'envie de vulgariser. C'est pour cela que le succès critique est là. Pas sûr que ce soit grand
public...
Visiblement Emile Brami connaît bien ce qu'il décrit ayant lui même participé à la création d'une maison d'édition. La caricature est savoureuse, drôle et bien vue et bourrée sans doute de souvenirs personnels. Par curiosité, j'ai navigué sur le site de la maison d'édition de "L'éditeur" chez qui il fut directeur éditorial. Je n'y ai pas trouvé des titres aussi ringards que "Emile verra Rennes" ou "Quatre balles dans le Dubuffet".... Par contre, il semblerait que les magnifiques bureaux aux tentures rouges décrits dans le roman viennent bien de là et il y a bien eu quelqu'un
pour demander haut et fort le jour de la fête de lancement si c'était une maison d'édition ou un lupanar (Eric Naulleau, pour ne pas le citer).
Bien troussé, agréable à lire, "Editeur!" est une jolie friandise qui saura vous détendre entre deux romans plus plombants.
Christophe Carlier abandonne le polar romantique (oui, ça existe, lisez "l'assassin à la pomme verte") pour la comédie mordante. Par contre il n'a pas renoncé à son regard ironique sur le monde d'aujourd'hui, ses petits travers, ses nouvelles addictions. Il émaille son récit de petits détails piquants qui donnent à cette histoire, un peu conventionnelle, un regard décalé très agréable. Moins profond sans doute que son premier roman, celui-ci se place dans une veine gentiment humoristique dans lequel on peut bien entendu trouver une jolie critique du business froid et inhumain qui
règne dans les entreprises. J'ai bien voulu y voir, en filigrane, un petit plaidoyer pour la résistance au travail, aux leçons prémâchées des écoles de commerce et contre le jeunisme dans la société actuelle .
Agréable à lire, toujours bien écrit, Christophe Carlier confirme ici son talent de romancier. Il a un regard intéressant sur nos vies quotidiennes qu'il transporte dans une histoire rigolote mais pas très originale. Après son formidable premier roman, on pouvait en attendre plus mais, tel qu'il est, et malgré son titre un peu rebutant, "L'euphorie des places de marché" m'a fait passer un agréable moment, sourire aux lèvres. Qui dit mieux en ce moment de sinistrose générale ?
La lecture fut simple, pas désagréable et sympathique comme l'auteur, car, et cela revient souvent dans les articles de presse, Mr Foenkinos est une personne sympathique ! (Je le confirme volontiers pour l'avoir croisé dans un jury littéraire). Il aime ses personnages comme ses lecteurs qui le lui rendent bien en faisant un triomphe à chacune de ses nouvelles parutions. C'est surement pour leur faire plaisir que son nouvel opus ne paraît pas chez Gallimard comme d'habitude mais chez "J'ai lu", dans une version grand format à prix moyen (13.50 euros contre 20 chez l'éditeur à la couverture
crème). Par temps de crise , c'est gentil de ne pas oublier le porte monnaie de plus en plus plat de son lectorat populaire ! Mais très bien pensé, car en plus de vraisemblablement se vendre comme des petits pains auprès de ses lecteurs qui pourront être dans l'actualité littéraire sans attendre la sortie en format de poche. Voici également le cadeau idéal et pas trop cher que l'on va pouvoir offrir aux Dugommier chez qui on est invité la semaine prochaine et qui seront flattés de pouvoir découvrir l'oeuvre de cet auteur dont "je disais l'autre jour à Eric qu'il fallait qu'on achète un de ces livres"...
Les Dugommier apprécieront sûrement "La tête de l'emploi" qui est un roman facile et plaisant, idéal pour patienter chez le dentiste ou en attendre que se termine le cours de judo de Jules. C'est ce que j'appelle de la lecture grand public, bien faite, pas déshonorante. Il en faut. David Foenkinos le fait très bien et c'est tant mieux. Avis aux amateurs...
près un démarrage réussi, le roman ensuite, m'a accroché mais cette accumulation de misère m'a un brin gêné, trouvant que l'auteur en faisait un peu trop dans le misérabilisme. Et puis, cette volonté de vouloir retraduire ce parler de la France très profonde manquait de naturel. J'ai pensé que l'auteur, pour moi parisien, ayant étudié dans les bonnes écoles de la capitale et fréquentant la crème de l'intelligentsia, avait quand même un peu de mal à se glisser dans la peau d'un chômeur aviné. Le roman était pas mal fichu, mais il manquait pour moi de sincérité....
Et puis,
une fois refermé, je m'en suis allé voir sur le net qui était Edouard Louis.... Stupéfaction ! Dans une interview donné à la librairie Mollat de Bordeaux, il raconte que tout est vrai dans son roman, qu'Eddy Bellegueule c'est lui, et que ce sont ses vrais souvenirs... Donc ma lecture a été faussée par ma mauvaise interprétation d'informations et par mon manque de curiosité. Evidemment ma lecture sans rien connaître en amont, révèle peut être que ce premier roman a quelques défauts mais l'itinéraire d'Eddy, ce qu'il a vécu, enduré, force le respect et donne un tout autre relief et surtout une lecture je pense, bien différente...
Finalement, "En finir avec Eddy Bellegueule" est un récit prenant et émouvant sur un pauvre canard perdu dans un monde intolérant et fermé et dont l'envolée dans les hautes sphères de l'intelligence est l'exemple flagrant que quelques chanceux peuvent échapper au déterminisme de classe. Cependant, à cause d'une lecture biaisée, je pense que je suis passé à côté, je m'en excuse mais je suis certain d'une chose : c'est un livre hautement fréquentable et avec le recul, vraiment émouvant.
Sous ce titre très vendeur, se cache un livre assez déroutant qui navigue entre expérience littéraire, fragments du discours amoureux, autobiographie romancée et journal intime. On pourrait penser que l'auteur raconte sans fard sa vie sexuelle à la façon crue d'une Christine Angot ou comme un Pennac qui n'aurait retenu de son corps que son sexe et son cerveau. Mais pas du tout ou pas complètement. C'est en fait tout autre chose qui nous est proposé ici, comme d'ailleurs nous laisse entrevoir le bandeau rouge qui accompagne le livre et qui reprend la dernière phrase du livre : " J'ai
voulu tout dire pour qu'il ne reste que les secrets".
C"est sur cet aphorisme qu'est bâti ce roman, parce que malgré la forme un peu particulière qu'il prend, c'est bien d'un roman qu'il s'agit. Et de là découlent la surprise, l'intérêt, le rire, l'agacement mais jamais l'indifférence....
.... "Histoire de ma sexualité" parle bien de la rencontre d'un personnage qui est peut être Arthur Dreyfus avec cet obscur objet du désir qu'est le sexe. Je dis peut être car ce livre, en plus d'être une évocation très réussie des mystères du sexe lorsque l'on est enfant, est aussi un jeu, tout aussi cérébral, autour du roman et de la fiction, dont la mise en forme évite de justesse le clivage. Après "Belle famille", roman très réussi, j'avoue avoir été surpris mais, hélas, pas totalement convaincu par celui-ci. Peut être pas assez direct vu le sujet et le titre.... Cela reste toutefois un roman loin de laisser indifférent le lecteur et c'est déjà beaucoup.
Maylis de Kérangal est une styliste du roman. Sur sa trame simple, elle insuffle son regard de grand écrivain, fouille les âmes, les cerveaux, les comportements. Elle donne corps à n'importe quelle situation, éclairant le moindre ressenti intime avec des mots que seul un grand observateur sensible peut écrire. On se retrouve tour à tour accro au surf, mère en souffrance, médecin de réanimation, malade cardiaque, infirmier spécialisé, avec doutes, tourments, désirs. C'est d'une précision redoutable, d'une intelligence époustouflante. Elle arrive à nous faire éprouver des sentiments, des sensations que bien souvent il nous est impossible de mettre en mots. De l'attente énervante d'un SMS à la posture de maîtrise absolue d'un chirurgien face à une transplantation cardiaque, rien n'échappe à son oeil et à sa plume d'écrivain d'aujourd'hui. Car, bien au-delà des personnages, c'est toute une société qui vit, qui bouge, qui souffre, qui aime, qui travaille, qui s'entraide qu'elle nous dépeint, mais aussi son décor, son habitat, sa place dans une histoire collective. C'est toute la dureté de la vie et le formidable élan que la passion de quelques uns apporte à l'humanité qui se trouvent ici réunis pour former un des romans les plus forts de l'année. Sans une once de mièvrerie, mais sans pour autant ériger des statues, l'auteure de "Naissance d'un pont" et " Tangente vers l'Est " nous offre ici un récit captivant et sensible.
On ne risque pas de s'envoler
Ce roman en trois actes très théâtraux, est assurément bien écrit ( et donc bien traduit) mais est loin de m'avoir emporté. Très bavard, voire verbeux par moment, l'intrigue n'avance guère, noyée par de nombreuses digressions du personnage principal masculin, inquiet de la guerre imminente, tourmenté par la vieillesse qui approche, obsédé par ses souvenirs. Parfois les notations sont intéressantes et finalement parfaitement applicables au monde d'aujourd'hui mais souvent inlassablement ressassées jusqu'à l'ennui. Du coup on ne s'attache pas à cet homme que j'ai trouvé bien trop ratiocineur ni au personnage féminin qui n'est qu'un faire-valoir trop froid et lointain.
Il semblerait que ce roman ait de l'intérêt pour les aficionados de l'auteur, ceux qui connaissent sa vie sur le bout des doigts et peuvent ainsi replacer cette histoire dans son contexte. N'ayant pas ces clefs, le roman m'a passablement ennuyé. Toutefois, la lecture de son best seller " Les braises" , œuvre incontournable paraît-il, est fortement recommandée par les critiques avisés.