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Avec beaucoup de tendresse et un sens étouffant de l’humour en temps de crise, Jarred McGinnis écrit un très beau roman sur la réconciliation. Avec soi, avec l’autre, avec son passé. Des décousus qui essaient de se recoudre. Remettre de l'ordre dans ses idées pour un long chemin vers la rédemption.
C’est plein de douleur, des existences concassées, des vies de bric et de broc. Mais c’est aussi, et surtout, plein d’espoir. Aux jours du pire, pourquoi ne pas envisager des jours un peu meilleurs !
Une écriture qui s'ébroue comme un vieux chien. Pour faire sortir les ressentiments.
Les rancœurs et les colères. Les tristesses et les dépendances. Comme des puces qui mordent les sangs et empêchent de vivre.
On accuse un peu le coup mais on en sort étourdi d’émotion, le cœur vaillant et ragaillardi.
D’une ingénuité glaçante, une vibrante immersion dans le cœur mourant de Leningrad par temps de siège, où la faim tenaille et le froid mord, où les lendemains heureux paraissent des lieux inexistants, un récit de l’effroi, le témoignage terrible et poignant d’une vie sous les bombes, d’une vie affamée.
Où l’esprit naïf et alerte, peu à peu, laisse place à un engourdissement fatidique, une mélancolie lourde.
C’est ce qu’il y a de plus fort dans ce texte : cette voix qu’on sait réelle, cette voix d’un jeune homme qui voit sa vie cassée à jamais, la culpabilité
qu’il ressent lorsqu’il mange quelques miettes de plus que sa sœur, la place que prend la faim dans son esprit, oblitérant tout le reste. Cette force de la vérité dans l’horreur.
Bouleversant, le chant mortifère de ce qu’est la guerre pour ceux qui la subissent. Pétrifiant de voir ces humanités brisées, ces vies volées par la barbarie.
Impossible de ne pas se sentir profondément marqué par ce journal qui s’arrête si brutalement.
SF crépusculaire, labyrinthique et trouble comme une solution quantique,
dans ce royaume des lendemains modernes, l’homme est réduit à sa force de travail, bête à bouffer de l’ordi toute la journée, pour le compte d’une entreprise
flux de capitaux, côte en bourse, croissance économique, tout va bien
on ne sait jamais trop ce qui se passe parce qu’il semble ne pas se passer grand-chose
organisation en guilde, défense de territoire, mode survie : ne pas se faire licencier sinon c’est la rue et la rue c’est l’enfer !, enfin, c’est ce qu’ils disent.
Du grand texte
critique, vitriol sombre, où le mot qui vient à l’esprit : vacuité.
Les agents, chronique sombre d’un futur où l’homme mis sous couvercle, abêti, se retrouve pris dans ses instincts les plus bas.
Grégoire Courtois, à mon sens, est l’un des plus dignes représentants de la SF francophone actuelle, un grand auteur !
C'est marrant ce genre de bouquin,
tu lis le titre, tu vois la photo de couverture et tu sais exactement ce qui va se passer, quelle va être l'histoire
et pourtant
pourtant la mécanique fonctionne de manière si bien huilée, si joliment écrite, si subtile, avec cette profondeur qui ne dit pas son nom, avec ses protagonistes qui sonnent justes, que ça se dévore, ça nourrit.
Parce que le propos, cette histoire de rétractation d'une jeune femme qui, dans sa détresse accuse un homme de l'avoir violée, est toujours tendu par cette éternelle quête de la vérité, un questionnement sans
cesse de notre société, de ses façons de nous construire, cette société qui fait de nous tous des personnes de notre époque. Avec ce que cela peut contenir de travers, d'usurpation, d'erreurs et d'innocence.
Oui, c'est marrant ces livres dont on connaît la fin dès le début, et pourtant le plaisir est là, tout le temps.
C'est vivre pleinement son époque, sa culture, ses changements et ses intemporels.
Roman de l'intime, de la contradiction, chronique judiciaire, La petite menteuse possède les charmes de l'ordinaire, de la violence faite aux femmes, et mène à s'interroger de la manière dont on voit les choses, de notre interaction avec les mœurs, les combats et les idéaux.
Ce qui n'est jamais vain.
Qu'ils soient sympathiques ou détestables, pathétiques ou vénaux, qu'elles vendent leur corps pour de l'argent, qu'ils veuillent gentrifier pour faire fructifier leur capital, qu'ils aient des antécédents nauséabonds, qu'ils soient doux qu'elles soient dures, qu'ils trainent les bas-fonds de Soho, qu'ils se révoltent, se débattent ou baissent les bras tous les personnages de Fiona Mozley sont attachants, merveilleusement attachants.
Fiona Mozley met en scène un quartier : Soho ; un monde : Soho ; un univers : Soho. Un peuple : Soho.
Grand Théâtre des mutations, miroir des luttes
sociales, décor d'une exclusion des marges et des petits au profit des grands profits.
Il y a de la vie partout. Il y a des coeurs qui battent tout le temps. Ça grouille d'existences chahutées, de vies qui tremblent un peu, d'espoirs déçus et de dérapages incontrôlés. Soho, ici, c'est une déclaration d'amour aux femmes et aux hommes qui peuplent notre monde. Un miroir. Un reflet. Quelque chose gravé dans le temps, qu'il soit passé, présent ou futur.
On est bien dans ce livre.
On voudrait que ça ne s'arrête jamais.
Polar ontologique sublimé par la pluie en continu, par les ombres des hommes qui rôdent sur les trottoirs, dans les cimetières, dans les bars qui ne ferment jamais.
Chiens de la nuit, chiens de la pluie, roman atmosphérique où l'on semble se perdre partout, ou alors cherche-t-on un chemin qui n'existe pas ? - errance urbaine, nuit, les héros mouillés marchent, parlent, se taisent, tuent et aiment. Il s'en ressent comme d'une ambiance feutrée, où le drame et la violence paraissent avancer au ralenti, funambule moteur d'une bagnole garée le long d'une route.
Roman choral qui se
construit en filigrane, petit à petit, une méthode qui finit par imprégner la lecture, un rythme lancinant qui s’inscrit à l’intérieur de soi et vient de cinématographier l’âme, et berce en même temps.
Ce qui se détache de ce livre, ce qui fait qu'on ne dira pas 'un de plus' sur un thème devenu difficile à exploiter tant l'offre est grande, c'est sans doute ce regard d'une remarquable intelligence, cette sincérité ambivalente du recueil de témoignages.
Parce qu’au fond, un viol, de quelque manière qu'il ait été commis, reste un viol. Point. Mais pris dans les tourbillons de nos matins ordinaires et de nos mouvements routiniers, nous avons parfois du mal à le réfléchir dans son entièreté.
Ici, les points de vue sont pluriels, des regards qui ne voient pas tous dans la même
direction, des voix qui ne disent pas la même chose. Chaque protagoniste de cette histoire doit faire son chemin, chercher à savoir de quel côté se situe la justice. Ce qui ouvre des perspectives et de changer d'angle de vue.
Le livre de Bettina Wilpert témoigne de notre époque, travaille notre temps, creuse nos zones d'ombres, la face grise d'une société encore bien trop en prise avec la domination masculine.
La culpabilité est là. La colère est là. L'oubli impossible. La honte est là. Le dégoût. Les questions sont multiples. La mémoire est un trauma. Le drame s'inscrit dans le corps.
Avec l'acuité du journalisme d'enquête et la mécanique redoutable du fait divers, Bettina Wilpert signe un grand roman, une épaisse et intime réflexion sur le viol en tant que fait social total.
Étourdissante, posant autant de questions que soulevant nombres d'infamies résiduelles, une lecture qui se fait nécessité, urgence et sirène de rappel.
Du sexisme ordinaire faisons table rase.
L'intime complexité d'une relation d'eaux troubles entre deux femmes dans les Pays-Bas de la fin des années 30. Une passion dévorante, entre domination, soumission et amour intemporel. Vénéneuse et violente.
Béa et Erica, deux caractères radicalement différents, l'eau le feu, la vitalité et l'assise.
Les désirs flous se fait théâtre d'ombres pour deux âmes en proie à la fièvre, l'énergie de vivre et l'impossibilité de se rencontrer vraiment. Car ce qui existe entre ces deux femmes n'est jamais tout à fait de l'amour, jamais tout à fait du désir, mais une chaîne semble
les tenir, les accorder malgré tout.
Cette écriture au plus proche du sensible, des peaux et de l'intime est une manière de montrer combien, malgré les évènements, les bouleversements et les chaos du monde, nous restons vivant de raisons et de sentiments ; en nos ardeurs trouvons la force d'être.
Parfois brûlant, souvent âpre et transgressif. Et surtout, un roman donnant des coups de pieds dans les genoux de son époque, à cette société où la place des femmes ne se situe pas dans le concert des émotions et des vies à tout prix.
Strega, roman atmosphérique, hypnotique. Où tout y est perception, vibrations, des parfums aux couleurs, du digital à la sensation.
Une histoire d'hôtel étrange où personne ne vient, isolé dans une géographie montagneuse, des jeunes femmes que l'on embauche comme une sororité. Sorte de représentation sacrificielle du groupe, de la communauté, peut-être sont-elles là pour une raison particulière, mais laquelle ?
Avec son écriture au toucher sensible et sensitif - une écriture que l'on peut respirer, que l'on peut entendre -, Johanne Lykke Holm distille un univers vraiment
singulier, profond. Alain Resnais et Hitchcock sont dans un bateau... Ténébreux et chaud. Menaçant et ennuyeux.
Il y a comme une idée de déliquescence, à voir cet isolement d'un hôtel qui fut en son temps, prestigieux. A observer ces jeunes femmes entourées d'ombres, comme si elles menaient une vie entre le fantôme et la chair, entre la douceur et la peur.
Strega est un rythme entêtant, tendu, un charme qui dévore, une ambiance qui parfois étouffe, parfois empoétise. Angoissant, comme d'avoir croqué dans un champignon sans avoir lu la notice.
Sarah Jane
James Sallis, c'est une certaine manière d'écrire le noir, un croisé méditatif paysager, une ambiance feutrée, peuplée d'un passé dont on ne peut se défaire, une architecture parfaite de sentiments et réflexions intimes.
Par un souci pointu du détail où chaque chose trouve sa place, où chaque événement a lieu d'être, une vision éclairée de la psychologie, une justesse languide, la phrase de Sallis se prononce au crépuscule quand les cigales entonnent leur dernier chant.
Il possède l'art de créer des personnages immortels ; Sarah Jane Pullman est immortelle.
James Sallis est le rejeton ultime de Jim Thompson, un Smooth operator à la voix si singulière, unique, en ce sens qu'elle rebat les cartes du roman noir, poker silencieux, évitant avec noblesse les écueils du macabre facile et des larmes de désespoir, la violence y est distillée dans les recoins poussiéreux d'une vie de cahots et de fuite en avant.
En un mot : somptueux.