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Perdu dans le désert mexicain, le petit village d'Icamole subit une sécheresse sans précédent. Les habitants sont tributaires des allers-retours quotidiens que Melquisedec effectue vers Villa de Garcia, la ville voisine, pour y chercher l'eau dans de grands bidons. Seul Remigio conserve encore secrètement quelques centimètres d'eau au fond de son puits. Grâce au précieux liquide, il peut sortir le visage frais et propre quand tous sont poussiéreux, et aussi arroser son avocatier aux fruits si doux. Pourtant, un événement tragique va le faire renoncer à son privilège de manière précipitée
le jour où il trouve le cadavre d'une fillette dans son puits. Ne sachant que faire du corps, il va voir son père Lucio, le bibliothécaire du village. L'homme vit seul au milieu des livres, ceux qu'il aime et qui méritent de garnir ses étagères, et ceux qui, jugés indignes, vont en ''enfer'', condamnés à être rongés par les cafards. C'est dans les livres que Lucio trouve une explication à toutes les situations de la vie et pour lui la petite morte ne peut qu'être Babette, l'héroïne de La mort de Babette, un de ses livres français préférés...
Roman foisonnant dans la ligne directe du réalisme magique des lettres d'Amérique latine, El ultimo lector est une immersion dans la folie douce d'un village mexicain. Si le départ a des allures de polar avec la découverte d'un corps et donc d'un meurtre, la suite prend une toute autre direction. Qui a tué et pourquoi deviennent des questions secondaires devant les actes et les mots de Lucio et son fils qui ne prennent pas toujours les décisions les plus raisonnables mais se laissent portés par la littérature. Pour le bibliothécaire privé de salaire depuis que le gouvernement a décidé de fermer son officine, faute de lecteurs à Icamole, la vie se trouve au cœur des pages écrites par les auteurs, les vrais, de préférence français ou russes, qui seuls savent comment décrire les évènements passés, présents et futurs. Dans ce village où eu lieu une grande bataille dont l'histoire a été revue et corrigée au fils du temps, la fiction et la réalité s'entremêlent au point qu'il est difficile de les différencier. Le lecteur peut s'y perdre lui aussi, d'autant que David TOSCANA aime à le perdre en gommant la ponctuation propre aux dialogues et en passant allègrement de son récit à la citation d'un extrait de l'oeuvre que lit Lucio. Mais on aime être déboussolé et promené dans ce monde romanesque où tout est littérature. S'échapper du réel est bien le désir du lecteur et cela prend ici tout son sens. La vie est littérature, l'Histoire est littérature, le monde est littérature, l'imaginaire prend le dessus sur la littérature et c'est tout simplement magique. Lucio, le dernier lecteur, et sa conception personnelle de ce qui fait un bon livre saura transmettre son amour des livres à son fils qui jusque là s'en désintéressait totalement. Gageons qu'il saura aussi guider ses lecteurs dans le labyrinthe fantasque de son créateur. Une mise en abîme originale aux qualités indéniables, un roman à découvrir.
Ruban, c'est le nom que Sumire, vieille dame élégante et un peu fantasque a donné à l'oisillon qu'elle a couvé dans la chaleur de son chignon, sous l'oeil attentif de sa petite-fille Hibari. Entouré de soins constants, Ruban grandit et devient une magnifique perruche calopsitte qui fait la joie de la grand-mère et de la jeune écolière. Pendant quelques mois, l'oiseau partage leur quotidien, apprend quelques tours, berce leurs journées de chants mélodieux. Le jour où il profite d'une fenêtre ouverte pour s'envoler vers la liberté, Sumire est effondrée, Hibari en larmes. Mais Ruban
va continuer à apporter bonheur et apaisement aux personnes qui ont besoin de lui. Témoin des chagrins, des deuils et du mal de vivre de ceux qui vont croiser sa route, Ruban fait le lien entre l'âme et le cœur de tous ces malheureux qui, à son contact, retrouvent une certaine douceur de vivre.
Tout commence comme un merveilleux conte pour enfants, doux et tendre où l'amour que se portent une grand-mère et sa petite fille se renforce encore par leur projet commun de couver, nourrir et élever un oisillon abandonné par ses parents. Le lien très fort et très beau qui les unit est un enchantement pour le lecteur qui peine à les quitter quand l'oiseau s'envole. Alors le conte devient recueil de nouvelles. Les histoires se succèdent, émouvantes, nostalgiques, d'autres personnages apparaissent dont on partage l'intimité le temps que Ruban s'arrête à leurs côtés. C'est toujours triste mais la perruche donne la touche d'espoir et de lumière qui fait avancer les êtres en peine. Ce compagnon, présent sans être invasif, sait consoler et guérir les blessures de l'âme. Dans ces existences douloureuses, il est le grain de fantaisie qui aide à avancer.
Roman tendre et doux, Le ruban sait aborder des sujets graves avec beaucoup de poésie et d'optimisme et porte le message que tout est possible pour peu qu'on croit en soi et en ses capacités. A lire pour être touché par la grâce de ces histoires qui vont droit au cœur.
La Havane, années 20. Concurrencés par les bateaux frigorifiques américains et les pêcheurs côtiers venus du Japon, les pêcheurs cubains ne gagnent plus de quoi faire vivre leurs familles. Le poisson est vendu à perte, le marché est saturé. Ancien chimiste reconverti en armateur, le narrateur aime promener sa nonchalance sur la Buena Ventura, l'un des trois bateaux dont il a hérité. Fatigué par une vie de noceur invétéré, il a pris la mer sur les conseils de son médecin qui lui prédit une mort certaine s'il continue les excès. S'il réussit encore à donner le change, il est
lui aussi désargenté et les dernières campagnes de pêche n'ont en rien arrangé sa situation. C'est alors que Requin, le patron de la Buena Ventura, lui propose de ce lancer dans la très lucrative contrebande d'alcool. Assoiffés par la Prohibition, les américains sont prêts à payer cher le rhum cubain à celui qui est assez courageux pour tenter l'aventure et suffisamment chanceux pour ne pas se faire prendre. Freiné par sa lâcheté naturelle, l'armateur est aussi trop cupide pour refuser cette opportunité de faire fortune rapidement.
D'une écriture finement ciselée, Enrique SERPA raconte l'aventure de deux hommes que tout oppose mais qui sont réunis par la vie aventureuse des contrebandiers où la peur d'être pris se mêle à l'adrénaline engendré par le danger omniprésent. Si pour Requin, repris de justice qui a déjà tué, meneur d'homme revenu de tout, sans attaches familiales mais guidé par un certain sens des valeurs, la contrebande n'est pas ne expérience nouvelle, le narrateur qui, lui, la découvre dans tous ces aspects, même les plus dangereux, est plus circonspect. Bien sûr, il se rêve fort, courageux, conquérant, mais sans cesse, sa faiblesse et sa pusillanimité le rappellent à l'ordre. Pourtant, ces deux natures opposées doivent s'unir pour mener à bien ce projet d'envergure. Cela ne se fera pas sans heurts mais Requin, toujours droit dans ses bottes, sait faire taire les velléités de son patron. Cependant, avant de se lancer, le chemin est long. Il faut réunir les fonds, trouver un fournisseur, se jouer des autorités pour enfin prendre la mer, la peur au ventre mais les yeux déjà brillants à l'idée des pesos qui viendront garnir les bourses...
Au-delà du récit d'aventures, c'est aussi une chronique de la société cubaine des années 20 que SERPA offre à ses lecteurs. Les pauvres vont en guenilles, les travailleurs ne peuvent plus nourrir et vêtir leurs enfants, les ouvriers et les pêcheurs menacent de faire grève. Les patrons, soutenus par le gouvernement, ne cèdent rien et l'on sent poindre ce qui sera le Cuba des prochaines années. Le communisme sème les graines de la sédition et certains rêvent d'une société où les pauvres seraient moins pauvres et les riches moins riches...
Un livre qui manque parfois de rythme. L'intrigue est très longue à se mettre en place et le narrateur, éternel indécis, manque singulièrement de charme. A lire tout de même, pour le contexte, et pour la très belle écriture de SERPA.
A l'approche des fêtes de Noël, le village canadien de Three Pines se pare de ses plus beaux atours. Le froid et la neige sont propices aux réunions entre amis au coin du feu, accompagnées d'un grog au rhum, dans l'odeur des sapins fraîchement coupés. Bien à l'abri dans leur chaleureux cocon, les habitants profitent de la douceur de vivre de leur village de carte postale. Pourtant, cette période de partage et joie va être bouleversée par un meurtre. Lors du traditionnel match de curling de Noël, CC de Poitiers, la nouvelle propriétaire de la sinistre maison Hadley, meurt dans des
conditions étranges, électrocutée sur le lac gelé. Si la petite communauté met tout en oeuvre pour essayer de la réanimer, personne ne se désole de la mort de cette femme égocentrique, arrogante et méprisante. Prêtresse d'une nouvelle philosophie de vie, CC ne s'intéressait aux autres que dans la mesure où elle pouvait en tirer profit ou les faire souffrir, et cela valait aussi pour son mari Richard, discret et soumis, et sa fille Crie, gamine obèse, mal dans sa peau, qu'elle se plaisait à humilier. Nul donc ne pleure CC de Poitiers amis son meurtre ne peut rester impuni pour autant. Le commissaire Armand Gamache, chef de l'escouade des homicides de la Sûreté de Québec, arrive sur place avec son équipe pour tenter de tirer au clair ce crime qui ne semble toucher personne.
Deuxième enquête du placide commissaire Gamache qui retrouve avec plaisir les habitants de Three Pines. La joie des retrouvailles ne lui fait pourtant pas oublier qu'il n'est pas là pour le seul plaisir de prendre un verre au bistro d'Olivier, de discuter avec Clara l'artiste ou de se promener avec Em Longpré et son chien. Les liens d'amitié qu'il a tissés avec la communauté villageoise lors de sa précédente enquête ne peuvent être un frein à son enquête et chacun est un suspect potentiel puisque tous détestaient plus ou moins la victime...
Une enquête longue et tortueuse. Armand Gamache n'est pas un adepte des interrogatoires musclés ou des courses poursuites, de toute façon le verglas ne s'y prête pas. Non, lui mise tout sur l'observation, l'écoute et la réflexion. Gamache aime prendre son temps et s'imprégner des lieux pour aboutir dans ses enquêtes. Et puis, ce qui est important dans les romans de Louise PENNY, ce n'est pas tant l'intrigue policière que l'ambiance particulière à ce coin perdu des cantons de l'Est. Elle s'attache à décrire ce cadre idyllique et ses habitants unis et solidaires. L'amitié et l'entraide ne sont pas des vains mots pour ces gens qui affrontent des hivers rigoureux mais gardent au fond du cœur la lumière et la chaleur qui font défaut à l'extérieur. Une belle galerie de personnages, un petit village qui donne envie de s'expatrier dans la campagne québécoise, une intrigue qui réserve son lot de surprises et un commissaire doux et attachant dont on soupçonne qu'il va devoir affronter pire que des criminels dans le prochain opus...Louise PENNY tient là une série qui, malgré une certaine lenteur dans l'action, sait tenir en haleine et fidéliser ses lecteurs. La suite, vite !
Un continent, quatre pays, quatre cuisines : Corée, Chine, Japon, Vietnam.
Si la cuisine des pays asiatiques a beaucoup en commun, tant dans les produits de base utilisés que dans une tendance à aller vers la légèreté et la diététique, elle est aussi très différente dans la façon d'associer les saveurs et de présenter les plats.
Cuisine de terroir ou menus plus élaborés, ce petit livre des éditions SAEP dresse un bref panorama des recettes les plus typiques de quatre pays asiatiques. Il constituera une bonne base pour se lancer sans se spécialiser.
Les livres de recettes de
cette collection sont de qualité inégale mais celui-ci tire son épingle du jeu avec des recettes représentatives et souvent connues et des explications claires, même si les photos manquent de modernité.
Des nems vietnamiens au barbecue coréen, de la soupe miso japonaise au canard laqué chinois, ce livre fera naître des envies, à défaut de vocations culinaires.
Dans le Paris de l'après-guerre, la famille Grimbert coule des jours paisibles entre leur boutique de la rue du Bourg-l'Abbé et le stade et la piscine où les parents, sportifs émérites, entretiennent leur physique d'athlète. Leur fils, lui, de faible constitution et de santé fragile, se tient éloigné des joies du sport, préférant collectionner les bonnes notes à l'école, dans l'espoir de laver la déception qu'il croit lire dans les yeux de son père. Du passé de Maxime et Tania, il ne sait rien, mais il aime à imaginer leur première rencontre, leurs premiers émois et leurs années
de guerre, derrière la ligne de démarcation, loin de Paris dont ils ont fui les restrictions. Pour se consoler de sa solitude, il s'est inventé un frère aîné, grand, beau, fort et sûr de lui, un frère avec lequel il se chamaille, se bagarre, un frère qui serait la fierté de ses parents. Il a quinze ans quand Louise, voisine et amie de la famille, lui confie le lourd secret que ses parents lui cachent depuis toujours, un secret qu'il pressentait mais dont il n'imaginait pas l'impact sur ses parents et sur lui-même.
En peu de mots, avec une pudeur extrême, Philippe GRIMBERT réussit à évoquer toute l'horreur de la shoah. Sans jamais écrire ni le mot juif, ni le mot camp, il dénonce une période de l'Histoire qui a vu s'effondrer le monde des juifs de France, confiants en leur pays, en leur gouvernants, en leur police. Pour échapper aux rafles et à la déportation, il fallait désobéir, refuser l'inscription à la préfecture, refuser l'étoile jaune, se réfugier dans la France Libre. Pour ceux qui ont survécu aux camps et ceux qui ont eu la chance de ne pas y aller, la joie d'être vivants a cédé devant le sentiment de culpabilité. Certains ont voulu tout oublier, effacer les humiliations, les violences, s'offrir une vie nouvelle, en scellant le passé. Pour ne plus souffrir, ils ont tu la souffrance, pour épargner leurs enfants, ils changé de noms, se sont réinventé un passé, une histoire. Mais le secret, latent et pesant, gangrène les familles. On cache toujours pour protéger mais la dissimulation, insidieuse, fait plus de mal qu'une vérité bien expliquée. Chez les Grinberg, devenus Grimbert, l'enfant sait sans savoir, ressent sans être sûr. L'histoire familiale qu'on lui a cachée est tapie dans ce corps qui refuse de s'épanouir, pèse sur ses frêles épaules, creuse son sternum, tétanise ses membres. Si la révélation fera naître d'autres questionnements, d'autres craintes, d'autres culpabilités, au moins, elle délivrera son corps de ce poids mort qui l'annihilait. Lui aussi se taira, pour, à son tour, protéger ses parents mais il trouvera un jour les mots pour lever la culpabilité et la peur.
Ce ''roman'' autobiographique est un concentré d'émotions fortes, un témoignage pudique et tendre qui évite habilement le pathos jusqu'au final, très émouvant, où l'on ne peut contrôler les larmes. A lire, évidemment.
Tomislav Boksic a tué. C'était la guerre, il était croate, il défendait la terre de ses ancêtres. de retour à la vie civile, exilé à New-York, il a continué à tuer. Tueur à gages pour le compte de la mafia croate, il a descendu 65 cibles sans trop d'états d'âme. Surnommé Toxic par ses amis, il était plutôt fier de son palmarès, se vantant même de faire mouche à chaque tir. La tuile est arrivée avec sa 66è victime, un agent du FBI dont il a abandonné le corps dans une décharge, mettant en rogne la célèbre organisation policière. Grillé auprès de ses employeurs, traqué
par toutes les polices du pays, Toxic a préféré fuir au plus vite. A l'aéroport, la providence met sur son chemin le père Friendly, un prêtre baptiste qui s'apprête à partir pour l'Islande. le tueur en fait sa 67è victime, lui vole ses papiers et son billet d'avion. Sur place, il est accueilli à bras ouverts par un couple qui anime une chaîne de télévision évangéliste. Après ses années new-yorkaise, l'Islande lui semble bien calme, pays sans armée, sans flingues, sans délinquance. le printemps réfrigérant, les patronymes imprononçables, la capitale minuscule et ses hôtes très croyants, tant de choses auxquelles Toxic doit s'adapter, mais largement compensées par les beautés blondes qui peuplent le pays. La vie pourrait être un long fleuve tranquille, bercée par le ronronnement des 4X4 et des saintes prières, mais l'usurpation finit par être découverte; à New-York, sa petite amie est assassinée, Toxic perd pied...
On savait après La femme à 1000° qu'Hallgrimur HELGASON était doué pour inventer des personnages hauts en couleurs. Tomislav Boksic ne va ternir son image d'auteur déjanté qui sait comme personne embarquer ses héros dans des histoires rocambolesques. Les tribulations d'un tueur croate dans les rues désertes de Reykjavic sont des plus réjouissantes ! Il faut dire que l'homme ne manque pas d'humour, surtout quand il adapte à sa sauce les prénoms de ses nouveaux amis. Gundmundur devient God-mon-dur, Sigridur est Chic-ridicule, Gunnfinna est Gun-fait-main.
Si dans un premier temps, le ton est enlevé, les situations cocasses, HELGASON opère un virage quand le passé meurtrier de son héros est découvert. Vient alors le temps de la repentance, ses pieux amis, loin de l'abandonner, décidant de le remettre dans le droit chemin de l'amour de Dieu et des hommes. le mafieux fier de ses exploits et un peu m'as-tu-vu dévoile ses failles et commence à s'interroger sur ses actes. L'humour reste présent mais le roman s'essouffle un peu et sombre dans le ''n'importe quoi'', heureusement HELGASON se reprend de justesse pour nous concocter un final aux petits oignons.
Roman de pure détente avant tout délirant, on pourra tout de même y trouver un peu de profondeur avec des réflexions sur la guerre, le bien et le mal, le pardon, la seconde chance, Dieu, etc. A lire aussi pour l'auto-dérision dont fait preuve l'auteur sur une société islandaise, lisse et aseptisée.
Passionnée de mécanique et ancienne coureuse de stock-cars reconvertie dans les assurances, Alexandra Barnaby, dite Barney, mène une vie paisible à Baltimore, jusqu'au jour son frère l'appelle pour lui dire qu'il doit disparaître quelques jours mais qu'elle ne doit pas s'inquiéter. Bien sûr, Barney s'inquiète, au point même de s'envoler vers Miami afin de sortir Bill du pétrin dans lequel il s'est probablement fourré. Sur place, point de frère mais Sam Hooker, un célèbre coureur de la Nascar, qui veut lui aussi retrouver Bill qui s'est enfui sur le bateau dont il est le propriétaire
attitré. Méfiants mais poursuivant le même but, Barney et Sam s'associent dans une quête qui va s'avérer plus dangereuse que prévue.
On ne change pas une recette qui marche et celle de Janet EVANOVICH est un savant mélange de chick-litt et de polar qui a déjà fait ses preuves avec la série Stéphanie Plum. Les ingrédients sont toujours les mêmes : une héroïne jolie mais sympa, suffisamment nunuche pour que le héros, beau et viril, se sente important à ses côtés mais pas complètement tarte non plus, sinon il ne pourrait pas tombé amoureux à la fin. Bien sûr, il faut prendre tout cela au second degré, Janet EVANOVICH ne se prend pas jamais au sérieux et c'est ce qui fait habituellement le charme de ses bluettes teintée d'humour.
Le souci, c'est qu'elle ne prend pas non plus ses lecteurs au sérieux. Après sa drôlissime première série, on est bien déçu devant cette pâle resucée aux dialogues indigents, à l'humour inexistant et aux personnages grotesques. L'intrigue policière ne sauve pas ce navet du naufrage avec une histoire alambiquée de bombe et d'or que se disputent une réfugiée, un homme d'affaires véreux et un politicien, tous cubains et faisant d'improbables allers-retours entre Miami et l'île dirigée par Castro.
Agaçant et insipide, ce roman est à fuir !
Artiste plasticienne révélée sur le tard, Annie Oh s'apprête à se marier avec Viveca, la galeriste qui a lancé sa carrière. Dans le somptueux appartement new-yorkais de sa future épouse, Annie s'interroge sur son avenir mais aussi son passé. La noce doit se dérouler à Three Rivers, la petite ville où elle a grandi et où elle a vécu pendant 27 ans avec son premier mari, Orion, un psychologue qui lui a donné trois enfants. L'endroit est chargé de douloureux souvenirs, ceux d'une enfance brisée dont elle n'a jamais parlé à personne, ni à Orion, ni à Viveca. C'est dans ses œuvres
d'art qu'elle a transmis toute sa colère et son chagrin, gardant pour elle ses secrets bien enfouis. En proie au doute, Annie aimerait que les siens l'accompagnent en ce jour où elle commence une nouvelle vie mais tous hésitent. Orion, toujours épris de son ex-femme, se sent trahi par la révélation de son homosexualité. Alors qu'il traverse une situation professionnelle pénible, peut-il prendre sur lui et assister à ce remariage qu'il a tant de mal à accepter ou doit-il dire oui à Viveca qui lui propose d'occuper sa villa de Cape Cod tout l'été ? Andrew et Ariane, les jumeaux, sont d'un avis très différent. Le premier, infirmier militaire basé au Texas, a récemment découvert la foi et refuse ce mariage contre nature tandis qu'Ariane qui a toujours été la plus pondérée, la plus gentille, va délaisser pendant quelques jours la soupe populaire qu'elle dirige à San Francisco pour assister à la noce. Les choses sont plus simples pour Marissa, la petite dernière, extravertie et new-yorkaise d'adoption, elle adore Viveca qui la couvre de cadeaux et semble accepter l'union homosexuelle de sa mère de bon cœur.
Magnifique fresque familiale qui brasse des thèmes aussi variés que l'amour, le couple, l'homosexualité, la pédophilie, la maltraitance, les blessures de l'enfance, le racisme, la foi, etc., Nous sommes l'eau est un roman moderne qui évoque, à travers la famille Oh, l'Amérique d'aujourd'hui avec ses failles, ses doutes, ses échecs. Cette famille où les non-dits ont exacerbé la violence intérieure, se dévoile peu à peu à travers la voix de chacun de ses membres. Les évènements relatés par chacun des protagonistes abordent la façon dont chacun vit au sein de la famille, perçoit les choses, les interprète pour finalement découvrir qu'on peut vivre chaque jour auprès des siens sans vraiment les connaître. Car chacun garde ses secrets pour ne pas se blesser ni blesser les autres mais si les mots ne sont jamais dits, parfois les actes parlent plus forts et plus hauts. Au fil des pages, on s'attache aux personnages, on voudrait qu'ils se sortent du marasme psychologique dans lequel les a plongés leurs blessures et leurs secrets. Mais Wally LAMB ne cède pas entièrement à la facilité du happy end, même si les liens se resserrent, certains auront payé au prix fort l'émergence de la vérité...
Un roman américain comme on les aime, profondément ancré dans son époque, avec sa part de douleur, de mystère et de bons sentiments. Un coup de cœur.
Mort à Murano
C'est le printemps à Venise et le commissaire Brunetti aimerait profiter de la douceur de l'air et du réveil de la nature. L'occasion va lui être donnée d'une ballade vers Murano quand Assunta De Cal, fille d'un verrier de l'île lui dit s'inquiéter de l'animosité de plus en plus vive entre son père et son mari. Elle craint pour la vie de ce dernier, son père l'ayant menacé de mort à plusieurs reprises. Tout à fait officieusement, Brunetti se rend sur place pour interroger quelques ouvriers sur De Cal et ses menaces. Le nom de Tassini, le veilleur de nuit ayant été mentionné, il rencontre cet homme brisé par le lourd handicap dont souffre sa fille et qui, selon lui, serait la conséquence de la pollution engendrée par les verreries de Murano. Si, très vite, le commissaire se rend compte que ce ne sont là que purs délires, sa curiosité est tout de même en éveil et quand Tassini est retrouvé mort devant un four de chez De Cal, il s'intéresse de plus à cette entreprise et à sa voisine dirigée par l'ambitieux Fasano, qui vient de se découvrir des velléités écologistes et rêve d'une carrière politique.
Pour sa quinzième aventure, le commissaire Guido Brunetti se paie le luxe d'une enquête sans cadavre, donc sans meurtrier. D'ailleurs, il s'interroge lui-même : n'est-il pas en train de faire preuve d'un abus de pouvoir en se mêlant ainsi des affaires des maîtres verriers de Murano ? Ses scrupules vont toutefois être balayés par la découverte du corps du veilleur de nuit, effondré devant un four chauffé à bloc. Meurtre ou accident ? Brunetti mène l'enquête sur fond de lutte écologiste, de pollution et de l'ancestral travail du verre qui le replonge dans son enfance où il accompagnait son père qui travaillât un temps à Murano. Comme toujours à Venise, les riches et les puissants disposent d'une quasi-immunité et leurs malversations, guidées par l'appât du gain, sont très vite oubliées. Pourtant, la lagune est menacée par les industries lourdes de Marghera et, dans une moindre mesure, les dépotoirs sauvages des verriers trop avares pour passer par la voie légale de récupération des déchets. Certaines voix s'élèvent, des manifestations ont lieu, mais souvent en vain. Moins sensible à l'écologie que sa femme Paola, que son second Vianello ou que la signora Elletra, Brunetti s'interroge mais se concentre surtout sur la mort d'un homme blessé par la vie, mort peut-être d'avoir découvert les fraudes de ses employeurs.
Après la déception de De sang et d'ébène, cet opus est une bouffée printanière dans l'oeuvre de Donna LEON, malgré les sujets graves qui y sont abordés. Les seconds rôles y sont un peu délaissés au profit d'un commissaire tantôt lunaire, tantôt pugnace, mais toujours très humain. La fin ouverte laisse à penser que peut-être, cette fois, le gros poison n'échappera pas au sort qu'il mérite...
Un bon cru et une belle visite à Murano avec les souffleurs de verre.