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Il a peint les grands hommes de son temps, et les femmes aussi bien sûr. Philosophes, Grands du royaume, généraux, princesses, dauphins, tous ont laissé ce grand maître du pastel faire leur portrait. Louis XV lui-même en a fait son portraitiste officiel. Il faut dire que, malgré sa nature soupe-au-lait, sa franchise pas toujours bienvenue et ses maladresses, Maurice Quentin Delatour est un pastelliste et portraitiste de génie. Plus que la seule ressemblance, il cherche à capter l'essence de son modèle, à appréhender l'âme qui se cache derrière les visages. Pourtant, quand en 1749,
la marquise de Pompadour, maîtresse et conseillère du roi, lui commande un portrait en pied, Delatour est déstabilisé. Par l'influence de son modèle ? Par la taille du tableau ? Le fait est que le peintre fait traîner les choses, toujours insatisfait de son travail. Harcelé par le frère de la royale maîtresse, soucieux cependant de rester dans les bonnes grâces du monarque, Delatour enchaîne les faux prétextes, cumule les retards, honore d'autres commandes; il lui faudra plus de cinq ans pour livrer son œuvre.
Les moins jeunes se souviennent sans doute que le visage de Quentin Delatour ornait les billets de 50 francs avant que Saint-Exupéry ne lui vole ce privilège. Mais qui connaît l'homme et le peintre ? Si lacune il y a, la spécialiste Barbara LECOMPTE se propose de les combler avec ce charmant petit roman où elle virevolte d'un personnage à l'autre en donnant une voix à l'artiste. C'est donc Delatour lui-même qui, à la première personne, se raconte et raconte ses modèles les plus célèbres. Rousseau, D'Alembert, le maréchal de Saxe, Louis XV et bien d'autres, prennent vie sous l'oeil du peintre qui cherche, au-delà des apparences, une lueur dans les yeux, une ride au coin de la bouche, qui saura, plus que la simple ressemblance, montrer la vérité intrinsèque de son modèle. La Pompadour qui lui résiste est un défi pour cet artiste exigeant et perfectionniste. L'homme peine et en profite pour se livrer, avouer ses failles, ses crises de folie, sa passion pour la chanteuse Marie Fel, son désir de s'instruire, son amitié avec les encyclopédistes, sa défiance à l'égard de la cour, et bien sûr, son travail, le mélange des couleurs, l'éternelle recherche d'un fixateur, les tableaux gâchés d'avoir été trop retravaillés. A force de confidences et d'une certaine autodérision, l'homme devient proche et sympathique, presqu'un ami.
Un livre érudit mais qui fait passer les informations l'air de rien, sur le ton de la conversation. L'impression d'avoir partagé un moment rare dans l'intimité de Delatour, un homme fragile, passionné, un brin mégalomane mais terriblement attachant. Le plus indéniable du livre est que le pastelliste parle si bien de ses portraits qu'on ressent l'irrépressible besoin d'aller les voir (merci internet!) pour suivre guidé par lui les détails de l'oeuvre. Une belle réussite pour Barbara LECOMPTE qui a su mettre son savoir au service d'un roman léger et instructif.
Dans le pénitencier où ils purgent une énième peine, les Dalton reçoivent une lettre surprenante qui leur annonce qu'ils sont en charge d'un enfant, leur neveu Emmett Dalton Junior, ils de leur cousin Emmett, envolé depuis belle lurette et d'une actrice qui doit partir en tournée en France. Mais la belle a tout prévu : une forte somme pour subvenir aux besoins de son rejeton et une belle demeure à Rupin city pour accueillir la petite famille. Evidemment, il n'est pas question de laisser les bandits en liberté conditionnelle sans surveillance. C'est donc Lucky Luke qui, la mort dans
l'âme, les accompagne dans leur nouvelle vie. Bien sûr, tout ne se déroule pas sans heurts. Junior combine le caractère irascible de Joe avec la boulimie d'Averell et une tendance toute naturelle à vouloir dévaliser son prochain. Et, pire que tout, les habitants de Rupin city voient d'un très mauvais œil l'installation d'une famille de hors-la-loi dans leur havre de paix.
Si le dernier opus des aventures de Lucky Luke se veut un hommage aux cultissimes tontons flingueurs de Lautner et Audiard il n'en a malheureusement ni la verve ni le génie. Bien sûr, on peut y croiser les têtes de Francis Blanche, Lino Ventura, Jean Lefèbvre et Bernard Blier, aussi deux ou trois scènes et expressions cultes du film mais c'est bien tout. Dans Les tontons Dalton, il ne se passe rien ! Quelques péripéties attendues et dépourvues d'humour, un survol rapide des évènements qui ne va pas au-delà de quelques gags qui n'arrachent pas le moindre sourire, une impression de travail bâclé, vite fait, mal fait qui aurait mérité un peu plus d'investissement. Non il ne suffit pas de puiser dans une grande œuvre du répertoire cinématographique français pour que le miracle opère et que se transfèrent les secrets de la réussite. Mais comme le dit si bien Fernand Naudin (Lino Ventura) : ''Les cons, ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît''.
De là à traiter le duo GERRA / PESSIS de ''cons'', il y a un pas que l'on n'oserait franchir mais il faut bien avouer que c'est ballot d'avoir à disposition des personnages forts comme Lucky Luke et les Dalton, de vouloir rendre hommage à un réalisateur et un dialoguiste qu'ils admirent et d'arriver à un résultat si peu inspiré et d'une telle platitude.
Rien à dire par contre à propos d'ASHDE dont les dessins, impeccables, rappellent les meilleurs heures de MORRIS. Ses personnages sont facilement identifiables, et on découvre avec plaisir, au détour d'une planche, le faciès mafieux de Robert DeNiro ou le chapeau du savoyard Marc Veyrat. Un bon point pour lui mais il est desservi scénario indigent.
Lucky Luke a beau tirer plus vite que son ombre, il a, cette fois, raté son coup.
Portées par leur idéal de justice, Mollie et Anna Jacob ont été, dans les années 70, de tous les combats, de toutes les manifs. Différentes mais unies, les deux sœurs rêvaient d'un monde meilleur et d'une révolution qui jamais n'arrivèrent. Avec Boris et Marek, compagnons de lutte, à la fois amis et amants, il fut donc décidé de poursuivre cet idéal au Mexique. Mollie, les garçons et Mélini, la mère des filles, étaient du premier voyage, Anna, abandonnée à Paris pour régler les détails administratifs.
Des années plus tard, Mollie est devenue le Docteur Jacob, elle vit avec
Boris qui milite toujours, cette fois dans une association pour le droit au logement. Anna, quant à elle, est une femme brisée. Elle a racontée ses années d'engagement et la période mexicaine dans un livre qui a eu un succès fulgurant mais que ses amis et à sa famille ont vécu comme une trahison. Depuis sa plume s'est tarie, ses illusions se sont envolées, elle se noie entre l'impression d'avoir tout perdu et celle de n'avoir jamais rien possédé. Pour tenter de reprendre pied, elle replonge dans son passé en lisant les carnets qu'elle remplissait dans sa jeunesse : le rouge pour la politique, le bleu pour les autres, le noir pour sa mère.
Un roman à deux, trois, quatre voix même. Anna, idéaliste et rêveuse qui n'est plus qu'une blessure béante, celle d'avoir été trahie par son amant, par sa mère, celle d'avoir été rejeté plus tard et qui cherche dans ses carnets de refaire le parcours qui fut le sien. Celle de Mollie, la pragmatique, qui recueille sa sœur malgré sa rancoeur, qui se dit toujours militante mais peine à concilier ses idées gauchistes et la vie de nantie que lui procure son métier. Celle de Mélini, mère excentrique, égoïste qui ne sait pas aimer ses filles, mais aime à attirer l'attention, à être le centre du monde. Et de temps en temps, celle de Geneviève BRISAC qui intervient, pour préciser un détail, pour recadrer ses personnages, pour prendre le lecteur à parti. Cette construction originale qui mêle les parcours, les textes anciens consignés dans les carnets d'Anna, les poèmes dont elle se souvient, déboussole de prime abord, on se perd dans les lieux, les personnes, les dates. Mais très vite, on se laisse porter, on apprend à connaître les deux sœurs et ceux qui les entourent, on s'imprègne de l'atmosphère particulière aux cellules d'extrême gauche, un idéal romantique, un enthousiasme plein de fraîcheur qui se prennent de plein fouet les exigences du fonctionnement rigide et hiérarchisé d'une organisation politique.
D'ailleurs, la lutte révolutionnaire n'est qu'un prétexte pour évoquer des histoires de vie où jalousie, désamour, rivalité, tous ces sentiments petits-bourgeois, peinent à laisser la place aux grands idéaux désintéressés. L'humain est donc au cœur de ce roman qui touche aussi au besoin d'écrire pour exorciser le passé, pour en guérir...peut-être. Une belle réussite.
''PARIS. On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1 m 55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussures sport marron. Adresser toutes indications à M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris.''
C'est cette petite annonce, parue dans la rubrique ''D'hier à aujourd'hui'' du Paris-Soir du 31 décembre 1941, qui interpelle Patrick MODIANO. Sans doute parce que le boulevard Ornano lui rappelle les jours de son enfance où il le traversait avec sa mère pour se rendre aux Puces de Saint-Ouen. Commence alors pour l'auteur
un long travail d'enquêtes dans les traces de la jeune fugueuse. Dora Bruder, juive, pensionnaire d'une institution catholique aujourd'hui disparue, rebelle et indépendante, décide de fuguer un soir de décembre 1941. Qu'a-t-elle fait avant d'être retrouvée par la police ? Avant que ne la rattrapent les lois anti-juives ? Avant d'être emprisonnée et déportée ? MODIANO, soixante ans après les faits, sait qu'il ne trouvera rien de l'adolescente broyée par l'Histoire. Mais, il s'obstine à réunir de maigres informations, à marcher dans ses pas, à visiter les lieux qui ont gardé une trace de Dora Bruder. Et à travers elle, ce sont les fantômes de tous les juifs parisiens, français ou réfugiés, qu'il convoque pour raconter cette période trouble et dangereuse, que lui n'a pas connue mais qui trouve un écho dans son histoire personnelle.
De l'enquête minutieuse de Patrick MODIANO ne ressortent que des bribes, d'infimes morceaux d'une vie qui s'est diluée dans l'espace et le temps, dans des archives brûlées car honteuses, dans des lieux rasés après la guerre, dans une chambre à gaz d'Auschwitz. Dora Bruder, une juive parmi tant d'autres, une adolescente qui rêvait de liberté mais à qui le Paris de l'Occupation n'a offert que l'étoile jaune, les rafles, la déportation. Fugueur lui aussi, MODIANO a pu déambuler dans une ville libre, sûre. Des villes différentes, celle de 41-42, celle de de 1965 mais aussi celle au moment où il écrit son livre. Pourtant des traces subsistent. La mémoire s'est ancrée dans des lieux qui sont communs à la jeune fugueuse juive et à l'auteur en devenir. Ce sont ces endroits insignifiants à première vue, mais chargés d'histoires et d'Histoire, que MODIANO explore, ces rues, où Dora Bruder marchait, qu'il parcourt, aux aguets, pour saisir une ombre, une trace, un souvenir.
Dora Bruder restera l'insaisissable jeune fille qu'elle était déjà de son vivant mais la reconstitution de MODIANO, teintée de douceur et de mélancolie, ravive la mémoire de la souffrance des juifs de France. Pour leur donner, sinon une voix, du moins un reste de présence, ce petit roman, cette goutte d'eau, est un devoir de mémoire pour lutter contre l'amnésie collective. Triste et pudique.
Quand ses parents, Chris et Tilde, décident de vendre leur pépinière pour s'installer en Suède dans une vieille ferme à retaper, Daniel n'a aucun doute sur le succès de leur entreprise. Ses parents forment un couple soudé, ils connaissent la nature, sauront subvenir à leurs besoins grâce à leurs propres cultures et puis Tilde parle parfaitement le suédois puisqu'elle a grandi dans ce pays, même si elle l'a quitté à 16 ans à peine, sans plus jamais revoir sa famille. Fort de la certitude que ses parents vivaient une retraite paisible et heureuse, Daniel a sans cesse reporté sa visite
chez eux, se trouvant des excuses pour éviter de leur présenter Mark, l'homme qui partage sa vie et dont ils ignorent l'existence. Sa surprise est donc totale quand, quelques mois après leur départ, son père l'appelle pour lui annoncer que sa mère, victime d'une crise psychotique, vient d'être internée en hôpital psychiatrique. Peu de temps après, c'est Tilde qui l'appelle : Chris a menti, il complote contre elle, elle n'est pas folle, elle sait des choses, il veut la faire taire, elle s'envole pour Londres afin de tout lui raconter.
''Tu préfères ta maman ou ton papa ?'', voilà une question stupide que l'on pose parfois aux enfants et à laquelle ils ont le plus grand mal à répondre...Et d'ailleurs c'est aussi vrai à l'âge adulte. Daniel aime ses parents, les deux, même s'il s'est toujours senti plus proche de sa mère. C'est elle qui s'est occupée de son éducation, c'est elle qui lui lisait les légendes suédoises, le soir dans son lit. Et sa mère n'a jamais été folle ! Alors doit-il la croire quand elle accuse son père des pires vices, quand elle se dit au cœur d'une terrible machination ? Le voilà obligé de faire un choix déchirant. Au fil des révélations de sa mère, des vérités se font jour et il se rend compte, qu'au fond, il connaît bien peu ses parents qui ont toujours tenté de le préserver.
Au rythme d'un suspens qui monte crescendo, on s'interroge sur la nature du crime commis par le père et ses amis suédois, sur la santé mentale de la mère, la frontière étant si mince entre raison et déraison. Complot véritable ou crise de paranoïa ? Il faudra lire jusqu'au bout cette histoire d'autant plus terrible que Tom ROB SMITH, pour l'écrire, s'est inspirée de sa propre mère.
Entre traditions nordiques, relations familiales et folie humaine, un bon thriller psychologique qui sait tenir en haleine et pose la question de la fragilité du psychisme humain.
Un petit village estonien au mois de novembre. La météo n'est pas folichonne, ce ne sont que pluies glaciales, gelées et averses de neige. En bons estoniens qu'ils sont, les habitants ne se laissent pas abattre par les mauvaises conditions climatiques, d'autant que ventre affamé n'a pas froid aux oreilles. Il faut se sustenter et pour cela ils se livrent à leur sport favori : le vol, le cambriolage, l'extorsion, chez le voisin, chez l'ami proche, mais surtout au manoir où le garde-manger du baron allemand, l'infâme !, est continuellement pillé par les affamés. Les plus débrouillards
chargent leur kratt de rapporter nourriture et bois de chauffage, les autres vont se servir eux-mêmes grâce à quelques ruses dont ils ont le secret. Dans cette ambiance de rapine généralisée, certains refusent obstinément tout ce qui vient du château, abhorrant ceux qui y vivent, ceux qui y travaillent et plus généralement tout ce qui vient d'Allemagne. D'autres se servent avec parcimonie, se contentant de subvenir à leurs besoins au quotidien. D'autres encore préfèrent amasser, jamais repus, toujours dans la peur de manquer. Les plus rusés ne se font pas prendre, les plus idiots prennent tout et n'importe quoi. Bien sûr, voler n'est pas très chrétien mais peut-on être honnête dans un pays où les démons se promènent aux yeux de tous, où le diable, ce Vieux-Païen, exige une âme en échange de chaque service, où les maladies prennent forme humaine pour se faufiler dans les chairs et tuer ?! Pourtant, là où ne poussent que haine, acrimonie, jalousie, mauvaise foi et cupidité, parfois fleurit l'amour, pur, désintéressé, mais sans espoir véritable.
Bien sûr, Les groseilles de novembre n'est pas aussi profond et émouvant que L'homme qui savait la langue des serpents mais on aurait tort de le dédaigner pour autant. Ces petites chroniques villageoises, piquantes et burlesques, nous entraînent dans le folklore estonien, un peu à la manière des Racontars de Jorn Riel au Groenland. Inspiré par les contes traditionnels et porté par son imagination débordante, Andrus Kivirähk nous emmène dans un village reculé où la magie est au service d'habitants peu sympathiques, avares et envieux, seulement guidés par l'appât du gain. Cette clique rêve de pièces d'or, de garde-manger pleins à craquer et tout cela sans se fatiguer. Rusés, ils pactisent avec le diable mais toujours à leur avantage, sachant berner ce vieux fourbe trop naïf.
Dans cet univers peuplé de vaches de mer, de loups-garous et de maintes créatures diaboliques, il faut laisser sa raison de côté et retrouver son âme d'enfant. D'ailleurs, ne sont-ils pas de grands enfants ces estoniens qui se bricolent un kratt de bric et de broc, qui creusent la terre à la recherche d'un trésor, qui soignent la malaria à grands coups de vodka ? S'il y en a à qui l'âge a apporté un peu de sagesse, la plupart préfère se laisser aller à la paresse et à la facilité. On ne voudrait pas les fréquenter sur le long terme mais il est bien plaisant de passer le mois de novembre en leur compagnie, trente jours de pur délire et de fantaisie. Après le peuple des forêts, Andrus Kivirähk s'intéresse à la paysannerie, roublarde et débrouillarde, toujours en rébellion contre le seigneur local, tardivement convertie au christianisme, ayant adopté Jésus-Christ sans délaisser les anciennes croyances.
Kivirähk n'innove pas, mais ne déçoit pas non plus, et réussit encore une fois à nous emporter dans une belle aventure littéraire. A découvrir !
Paris, septembre 1913. Gabrielle Demachy accompagne Agota, la tante qui l'a élevée à la mort de ses parents, au Ministère de la Guerre. Angoissée par cette convocation, Agota imagine le pire : une expulsion vers la Hongrie son pays d'origine. Mais sur place, on leur annonce sans ambages la mort d'Endre, le fils d'Agota, ingénieur chimiste parti en mission en Birmanie il y a 6 ans de cela sans plus jamais donné de nouvelles à sa famille. Le jeune homme est mort en 1908 mais l'information a mis longtemps à atteindre la France. D'Endre ne reste plus qu'une vieille malle contenant des nippes
difficilement identifiables. Si Agota se résigne, Gabrielle accepte mal la mort de son cousin qui était aussi l'homme qu'elle aimait de tout son cœur de jeune fille. Elle voudrait connaître les circonstances de ce décès inattendu et pour cela, aiguillée par un obscur gratte-papier du ministère, elle se présente pour un poste d'institutrice chez le Docteur Pierre Galay, l'homme qui aurait expédié la malle depuis la Birmanie. C'est Madame Mathilde, matriarche de la famille Bertin-Galay, à la tête d'une prospère biscuiterie, qui la reçoit et l'engage. Elle devra s'occuper de l'éducation de la petite Millie, fille de Pierre et orpheline de mère. L'enfant est de santé fragile et sa grand-mère a décidé qu'elle irait mieux, loin de Paris, dans leur maison de campagne du Mesnil. C'est donc par ce biais que Gabrielle entre dans la famille Galay, premier pas dans sa quête de vérité sur la mort de son premier amour. Elle ne sait pas qu'elle vient de mettre le doigt dans un engrenage qui mettra sa vie en danger.
Coup de cœur absolu pour cette somptueuse fresque qui mélange les genres avec bonheur et bénéficie de la sublime écriture de son auteure.
Dans la main du diable est d'abord un roman initiatique porté par le charisme de son héroïne, Gabrielle, jeune femme du début du siècle qui s'émancipe et suit la voie de ces femmes libres qui ne veulent plus subir le joug d'un mari omnipotent. Le chemin est long, les lois sont iniques mais des perspectives s'ouvrent pour celles qui ne veulent plus se faire dicter leur conduite par les hommes.
C'est aussi un roman d'amour, le premier, celui d'une jeune fille pour un homme insaisissable, le cousin idéalisé, paré de toutes les qualités. Comme tous les premiers amours, elle le croit le dernier et même la mort ne peut effacer les sentiments forts et absolus qu'elle porte en elle. Mais est-ce le vrai amour ? Gabrielle apprendra qu'il existe une autre forme d'amour, une vraie communion de deux êtres, sensuelle, physique, passionnée, bien loin de l'attachement sentimental et romantique d'une presque enfant pour une chimère.
Mais Anne-Marie GARAT ne s'est pas arrêtée là. Elle réussit aussi une saga familiale en racontant les destins d'une famille de biscuitiers parisiens, enrichis durant la guerre de 1870 et qui continue à prospérer en ce début du XXè siècle. L'union des Bertin, fondateurs de l'entreprise, petits bourgeois commerçants et des de Galay, aristocrates rentiers, fait des merveilles, surtout grâce à Madame Mathilde, digne héritière de son père, qui mène ses affaires et son monde d'une main de fer. Débarrassée d'un mari qui préfère jouer les globe-trotteur, elle dirige seule l'usine parisienne et régente la vie de ses quatre enfants à la manière d'un despote. Son seul souci est sa succession qui s'avère difficile. Pierre est chercheur à l'Institut Pasteur, Daniel s'est entiché de cinéma et Blanche et Sophie ne sont que deux oies blanches sous la coupe de leurs époux.
Le destin des Bertin-Galay, de Paris au Mesnil, entre respect des convenances, petites mesquineries en famille et nombreuse domesticité, est un condensé de la France du patronat à la veille de la première guerre mondiale.
Tout cela mène naturellement l'auteure vers la fresque sociétale et historique. C'est toute la France du début du siècle qui revit sous sa plume : émancipation des femmes, premières grèves ouvrières, mécanisation du travail, montée de l'anarchisme et du syndicalisme, début du cinématographe, crise nationaliste, impuissance des pacifistes, fragilité de la Troisième République, etc.
Et pour finir, Dans la main du diable est aussi un fabuleux roman d'aventures qui se promène du côté des colonies, un roman policier à suspens avec une enquête criminelle menée par un commissaire Louvain, fin connaisseur de la nature humaine et peu enclin à obéir à une hiérarchie jugée trop frileuse, un roman d'espionnage qui met en scène les services secrets, les cabinets occultes, des hommes prêts à tout pour rétablir la grandeur de la France et intriguent pour mettre la main sur l'arme chimique.
On l'aura compris, Dans la main du diable est un livre extra-ordinaire, un roman-fleuve terriblement addictif qui ne se lâche plus une fois commencé et emporte dans un tourbillon d'aventures et de sentiments. C'est le souffle de Zola et d'Hugo qui a inspiré Anne-Marie GARAT, une auteure à la plume enchanteresse qui sait passer d'un univers à l'autre, d'un niveau de langage à l'autre, d'un personnage à l'autre avec une maîtrise digne des plus grands. A lire évidemment !
Les premières aventures de Sailor Moon et ses amies se concluent positivement avec l'anéantissement de leur ennemie, la reine Béryl. Mais si Usagi pensait pouvoir profiter sereinement de ses retrouvailles amoureuses avec Mamoru, elle déchante très vite. Une petite fille tombée du ciel va troubler leur tranquillité retrouvée. Ce petit clone d'Usagi dont on ne sait si elle est amie ou ennemie inquiète tout le monde, d'autant plus que son arrivée coïncide avec d'autres phénomènes étranges. De nouvelles ennemies semblent vouloir battre les Sailors dans leurs domaines de prédilection
mais, ce qui pourrait être une simple rivalité, se termine par l'enlèvement de deux Sailors. Font-elles partie de la secte Black Moon ? Sont-elles des extra-terrrestres ? Le mystère reste entier mais Sailor Moon et ses amies semblent être en danger encore une fois...
Débarrassée de la reine Béryl, les Sailors n'ont pas de répit avant de devoir affronter une nouvelle menace. Les péripéties se succèdent à un rythme effréné et c'est vraiment le point fort de cette série qui ne fait pas traîner les situations en longueur. C'est vif, frais et suffisamment second degré pour ne pas sombrer dans un sérieux ridicule. Grâce au nouvel arc, de nouveaux personnages apparaissent qui tiendront un rôle plus important dans les prochains tomes. De nouveaux ennemis, des enlèvements...les Sailors n'ont pas fini de se débattre pour préserver la terre et la lune de tous les menaces qui les menacent...Un tome intéressant et très rythmé.
Avec leur pâte sablée croustillante, leur crème au citron moelleuse et leur fine couche de sucre glace, les carrés au citron attirent immédiatement l'attention des gourmands sur la photo de couverture du goûter à New-York que nous propose Marc GROSSMAN. Et l'intérieur est à la hauteur ! Brownies, cookies, cheesecakes, pies rivalisent avec le carrot cake, le apple strudel, la tarte à la citrouille ou les rugelachs pour dresser un large panorama des gourmandises les plus emblématiques de la Grosse pomme. D'origine amish, juive ou venues de l'Amérique profonde mais remises au goût du
jour dans les plus célèbres bakeries new-yorkaises, les recettes proposées par GROSSMAN sont toujours accompagnées d'un petit commentaire qui leur donne une touche personnelle bienvenue. En un petit paragraphe ou en une phrase à peine, il livre un souvenir d'enfance ou l'histoire de sa première rencontre avec un gâteau et donne l'assurance qu'on a là affaire à LA recette ultime, imbattable, définitivement la meilleure.
C'est donc un enchantement de feuilleter ces instantanés de New-York qui mettent l'eau à la bouche et s'avèrent faciles à réaliser. Un incontournable pour les becs sucrés qui rêvent d'Amérique !
Douloureux réveil
Lorsque Rick se réveille du coma où l'a plongé une balle reçue en intervention, le policier se sent bien seul dans un hôpital qui semble avoir été déserté par tout le personnel soignant. Pourtant, il va très vite rencontrer du monde : des sortes de morts-vivants hideux, violents, en quête de chair humaine. Le premier effroi passé, Rick n'a qu'une idée, s'enfuir pour retrouver sa femme et son fils. Mais dehors, c'est le chaos. La ville est déserte, en ruines et sa famille a disparu. Un inconnu lui résume brièvement une situation dont il a du mal à saisir l'ampleur. Convaincu que les siens se sont réfugiés à Atlanta, il part pour la grande ville. Là-bas, c'est pire que tout. Les morts ont envahi la ville et il est sauvé in extremis par un survivant qui le conduit dans un camp de fortune où sont réunis ceux qui ont échappé à la catastrophe. Il a la joie d'y retrouver sa femme, son fils et même un de ses collègues. Tous attendent l'aide du gouvernement qu'ils pensent imminente.
Sans tergiversations, ce premier tome nous emmène au cœur du sujet : des zombies ont envahi les villes, ils se repaissent de chair humaine et les survivants sont peu nombreux. C'est avec Rick que nous découvrons, avec effroi, l'ampleur des faits. Et ce n'est pas beau à voir ! Mais comme lui, nous n'en saurons pas plus. Que s'est-il passé pour que soudain les morts refusent de mourir et préfèrent hanter les rues et dévorer tout ce qui passe ? Répondre à cette question n'est pas le propos. Pour le moment, il faut s'organiser pour survivre. Le petit groupe de rescapés a monté un camp aux abords d'Atlanta et tient vaille que vaille. Un courageux fait des descentes en ville à la recherche de provisions, les hommes surveillent et protègent, les femmes font la cuisine et lavent le linge. Tous ont vu et vécu des drames atroces. Mais la communauté est bousculée par l'arrivée de Rick qui refuse l'attentisme. Il veut armer tout le monde et, surtout, il veut quitter cet endroit qu'il juge peu sûr. Les premières dissensions apparaissent. Malgré la précarité de leur situation et le danger omniprésent, l'humain reste tel qu'en lui-même, solidaire devant l'adversité mais sans renoncer à quelques bassesses, mesquineries et jalousies. Jusque là, c'est le collègue de Rick qui avait pris soin de tous et particulièrement de sa famille. Son arrivée inattendue rompt l'équilibre et une guerre des chefs s'annonce...
L'aventure ne fait que commencer et elle promet son lot de tensions, de drames et d'horreurs. Un excellent début au suspens latent, au climat sombre et inquiétant, rehaussés par les dessins en noir et blanc, crus et hyper-réalistes.
Palpitant et addictif !