Perdu dans le désert mexicain, le petit village d'Icamole subit une sécheresse sans précédent. Les habitants sont tributaires des allers-retours quotidiens que Melquisedec effectue vers Villa de Garcia, la ville voisine, pour y chercher l'eau dans de grands bidons. Seul Remigio conserve encore secrètement quelques centimètres d'eau au fond de son puits. Grâce au précieux liquide, il peut sortir le visage frais et propre quand tous sont poussiéreux, et aussi arroser son avocatier aux fruits si doux. Pourtant, un événement tragique va le faire renoncer à son privilège de manière précipitée
le jour où il trouve le cadavre d'une fillette dans son puits. Ne sachant que faire du corps, il va voir son père Lucio, le bibliothécaire du village. L'homme vit seul au milieu des livres, ceux qu'il aime et qui méritent de garnir ses étagères, et ceux qui, jugés indignes, vont en ''enfer'', condamnés à être rongés par les cafards. C'est dans les livres que Lucio trouve une explication à toutes les situations de la vie et pour lui la petite morte ne peut qu'être Babette, l'héroïne de La mort de Babette, un de ses livres français préférés...
Roman foisonnant dans la ligne directe du réalisme magique des lettres d'Amérique latine, El ultimo lector est une immersion dans la folie douce d'un village mexicain. Si le départ a des allures de polar avec la découverte d'un corps et donc d'un meurtre, la suite prend une toute autre direction. Qui a tué et pourquoi deviennent des questions secondaires devant les actes et les mots de Lucio et son fils qui ne prennent pas toujours les décisions les plus raisonnables mais se laissent portés par la littérature. Pour le bibliothécaire privé de salaire depuis que le gouvernement a décidé de fermer son officine, faute de lecteurs à Icamole, la vie se trouve au cœur des pages écrites par les auteurs, les vrais, de préférence français ou russes, qui seuls savent comment décrire les évènements passés, présents et futurs. Dans ce village où eu lieu une grande bataille dont l'histoire a été revue et corrigée au fils du temps, la fiction et la réalité s'entremêlent au point qu'il est difficile de les différencier. Le lecteur peut s'y perdre lui aussi, d'autant que David TOSCANA aime à le perdre en gommant la ponctuation propre aux dialogues et en passant allègrement de son récit à la citation d'un extrait de l'oeuvre que lit Lucio. Mais on aime être déboussolé et promené dans ce monde romanesque où tout est littérature. S'échapper du réel est bien le désir du lecteur et cela prend ici tout son sens. La vie est littérature, l'Histoire est littérature, le monde est littérature, l'imaginaire prend le dessus sur la littérature et c'est tout simplement magique. Lucio, le dernier lecteur, et sa conception personnelle de ce qui fait un bon livre saura transmettre son amour des livres à son fils qui jusque là s'en désintéressait totalement. Gageons qu'il saura aussi guider ses lecteurs dans le labyrinthe fantasque de son créateur. Une mise en abîme originale aux qualités indéniables, un roman à découvrir.
El ultimo lector
Sur fond de drôle d'intrigue policière (l'innocent qui se rend suspect d'un meurtre qu'il n'a pas commis), David Toscana nous peint le portrait d'un petit village du Mexique.
Une sécheresse frappe, enflamme les corps, assèche les consciences, tiraille les âmes.
Mais en rien ne corrompt l'impérissable plaisir de lecture de Lucio, bibliothécaire de son état.
Un roman plein d'imagination et de verve, inventif et créatif comme les jeux d'un enfant qui se perd dans ses rêves et ses fantaisies. Dur parfois, réjouissant souvent, un roman doux-amer à déguster la tête la première.
Tout se mêle, des livres à la réalité, des héros fictifs aux personnages concrets, des situations réelles à celles imaginaires.
Un hommage jubilatoire à la littérature qui – sait-on jamais ? – pourrait bien posséder la réponse à nos plus grands questionnements.
On embarque avec délice dans cet univers singulier de ce bel auteur mexicain !