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Un roman noir ne doit jamais négliger l’histoire, que ce soit celle du fleuve ininterrompu des évènements ou encore celle d’une anecdote particulière sur laquelle l’écrivain construira son récit. “Zoo Station” de David Downing appartient plutôt à la première catégorie. L’écrivain britannique place en effet le coeur de sa narration au moment où le cours de l’histoire de l’Europe et du monde s’apprête à basculer. John Russel son personnage principal est journaliste et dans le passé il fut communiste. Il avait même participé au groupe de discussion sur le
journalisme au Veme Congrès du PC russe en 1924.
A l’orée de l’année 1939 alors que Russel se trouve à Dantzig, il est approché par un certain Evgueni Gregorovitch Chtchepkine qu’il avait connu dans ses années de militantisme actif. Ce dernier lui fait une surprenante proposition, écrire une série d’articles faisant l’apologie de l’allemagne nazie pour la Pravda pour contribuer à faciliter le pacte de non agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Chtchepkine lui propose une somme importante pour ce travail. Le journaliste finit par accepter la proposition du russe. C’est alors le début d’une succession d’évènements qui vont rapidement mettre John Russel face à un dilemme morale.
“Zoo Station” est un roman qui trouve sa noirceur dans les temps dont il fait le récit. Peut-on vraiment garder une forme de neutralité dans un monde qui est sur le point d’être submergé par la violence et la terreur. Russel va devenir à son corps défendant une pièce sur un échiquier dont la partie lui échappe. Entre russes, allemands et services secrets anglais pourra-t-il sauver son intégrité et sa vie ? David Downing parvient à peindre cette époque crépusculaire avec une finesse de trait et une connaissance de la période qui font de son roman un thriller historique très convaincant. On attend le second volet intitulé “Silesian Station” avec beaucoup d’impatience.
Arnaud LANKIRI (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Oliver Bottini est en Allemagne un auteur reconnu dans le domaine du roman noir. Les éditions de l’Aube ont déjà publié “Meurtre sous le signe du Zen” et “L’Eté des meurtriers” deux romans qui ont révélé une écriture, une manière toute particulière d’approcher la réalité que vivent les policiers germanophones. Une narration tendue, des dialogues courts et sans afêteries, des descriptions sobres, le style bottinien fonctionne dans une impressionnante économie de moyen. “Au nom des pères” prolonge la veine inspirée d’une complexité narrative assumée
et d’une écriture qui prend son temps.
Il n’est jamais bon d’être réveillé par un Requiem mais c’est pourtant ce qui va arrivé à Paul Niemman et les événements qui vont se succéder par la suite vont ressembler à un cauchemar. C’est l’automne. La saison incline à la mélancolie. Un homme survient aux mains énormes, foncées, pleines d’égratignures. Un homme qui parle une langue de l’Est et qui le menace. Il demande à Niemman de quitter sa maison dans les sept jours, la maison est à lui et il doit partir. Sept jours plus tard la maison est dévastée par un incendie. Le lecteur en est réduit au départ à des conjectures. Quels liens unissent ces deux hommes ? Quelles zones d’ombres partagent-ils ? La force du récit Bottinien tient à sa capacité à délivrer des fragments de vérité par petites touches puis à brouiller à nouveaux les cartes. Son écriture se déploie comme un voile narratif qui cache autant qu’il révèle. Bottini joue constamment sur l’ambivalence des psychologies, des vérités et des faits.
Le texte se déroule aussi mélancolique que le temps qu’il fait à cette période de l’année. On se glisse alors dans les méandres d’une enquête menée par Louise Boni, un flic qui s’est sortie péniblement de son addiction à l’alcool et qui n’a plus guère le goût de la procédure ni du respect de la hiérarchie. Ses investigations et son obstination vont la conduire jusqu’en Croatie où la grande Histoire l’attend.
“Au nom des pères” est un roman âpre où l’écho d’événements passé devient assourdissant à mesure que l’enquête avance. La traduction de Didier Debord a su rendre le style bottinien et l’efficacité de son écriture pour le plus grand plaisir du lecteur. Un vrai roman noir allemand !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Le polar à quatre mains est toujours une prise de risque narrative qui peut tourner rapidement au calvaire littéraire pour le lecteur. Ce n’est pas le cas avec “Cerium” de Gérard Filoche et Patrick Raynal un roman qui nous plonge au coeur de la réalité sociale de notre pays quand un ouvrier chinois a le bras tranché dans son atelier du 3eme arrondissement de Paris. Comme le dit l’inspecteur du travail Jean Carré “ Le problème avec un bras coupé, c’est que ça produit un sacré volume de sang… Surtout quand il est sectionné brutalement, net.” Carré est un habitué
des sales affaires où le cambouis se mélange au sang mais il ne s’y habitue pas vraiment, d’autant que c’est le second bras qui tombe en deux mois et à deux rues de distance, difficile de croire qu’il s’agit simplement d’accidents du travail.
L’enquête va rapidement s’orienter vers la piste criminelle et l’inspecteur du travail va devoir composer avec Dan Moïse un officier de police car rapidement le jeu va se brouiller, des lettres anonymes circulent accusant des dizaines d’entreprises chinois de se livrer à des trafics divers orientant finalement les enquêteurs vers les mafias asiatiques. Mais l’inspecteur du travail, contrairement à son collègue de la police, trouve la ficèle un peu grosse et va rapidement explorer une hypothèse moins exotique. Mais il est bien seule face à un adversaire déterminé et sans vergogne.
“Cérium” est un roman profondément noir qui explore certaines dérives économiques au coeur de la capitale. Les deux auteurs nous présentent un dossier très documenté où se mêlent bien des pratiques douteuses qui peuvent aller jusqu’à l’assassinat. Le pari d’en faire un roman noir d’une grande efficacité narrative où les pistes et les impasses se succèdent pour déboucher sur une réalité troublante, nauséabonde et d’une immoralité désespérante. Le fait que l’enquête soit menée par un inspecteur du travail renverse les standards du roman noir en nous proposant une grille de lecture originale et franchement rafraichissante. Un roman à quatre mains qui mérite qu’on lui consacre quelques heures de lecture.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
“Karst” est un polar à l’eau là où beaucoup d’auteurs nous habituent aux fonds de bouteilles de scotch… Mais ne vous méprenez pas, nous sommes tous des buveurs d’eau parce qu’elle constitue l’essence même de ce que nous sommes. David- Humbert est géologue à Rouen et il travaille depuis quinze ans à la protection des nappes phréatiques de Haute-Normandie. Il fallait au moins ça pour élaborer un roman où les robinet Rouennais se mettent un jour à crachoter de l’eau en Technicolor. “Karst” est une histoire d’eau, d’empoisonneurs et évidemment de flics
qui nous entrainent dans une course contre la montre trépidante.
Le lieutenant Paul Kubler est sans doute un peu trop curieux, un peu trop fouineur, ce qui va lui valoir d’être viré du 36 du quai des Orfèvres et se retrouver réaffecté dans sa ville natale, Rouen. Le travail ne manque pas à la sécurité publique de la cité normande mais les affaires sont d’une banalité qui n’ont rien de bien stimulant alors quand l’eau potable de Rouen se met à prendre de drôle de couleurs Kubler se retrouve rapidement au coeur d’une affaire qui va exiger de lui discretion et célérité. Reste que les connaissances du policier sont plutôt limitées en hydrologie et il ne va pas tarder à trouver en Mélody Dormier, la princesse du karst, une alliée précieuse, celle qui va lui permettre de découvrir les sous-sols de craie dans lequel l’eau circule. L’enquête va se révéler complexe d’autant que des meurtres épouvantables ne vont pas tarder à être associés à l’affaire.
David Humbert réussit un joli pari, celui d’associer cette histoire d’eau à un roman policier. L’enquête nous permet progressivement de découvrir un éco système qui n’est généralement connu que des géologues et des hydrologues. Humbert sait distiller tout ce qu’il faut savoir sur la formation des eaux jamais alourdir sa narration. Son récit garde une fraicheur et un rythme qui ne se démentent jamais et l’écrivain sait entretenir un suspense qui ne laissera jamais son lecteur en paix. Un polar fort et passionnant et une vraie plongée en eaux troubles.
Archibald PLOOM (CULTURE_CHRONIQUE.COM)
La mise en abyme est une technique littéraire que les écrivains apprécient particulièrement surtout quand il s’agit de mettre en scène un écrivain. Stéphen King l’avait déjà proposé à plusieurs reprises avec une étonnante efficacité. Christopher Sorrentino “Fugitifs” réinvente l’exercice avec bonheur en mettant en scène son alter ego Sandy Mulligan, un écrivain new-yorkais qui s’exile dans une petite ville du Nord-Michigan, Cherry City, pour terminer l’ouvrage sur lequel il travaillait depuis des mois. Chaque jour il se rend dans la petite bibliothèque de Cherry
City pour écrire. Le pavillon qu’il loue est trop grand pour lui car il est venu sans sa famille. Déménager était une manière, pour lui, de renouveler son rapport à son environnement. A New-York, Sandy se laissait facilement embarqué sur internet dans des discussions avec de parfaits inconnus. Il pouvait y passer des heures avec, au terme de ses pérégrinations, sur la toile un vague sentiment de honte. A Cherry City les choses étaient bien différentes, Sandy se contentait de déambuler dans les rues désertes de la ville.
Bientôt Mulligan va faire la rencontre de John Salteau, un conteur, spécialistes des histoires et légendes indiennes qu’il sait faire revivre avec un formidable talent. Il fait aussi connaissance de Kat Danhoff, une jeune journaliste. Pour ces trois là raconter des histoires est une seconde nature, le coeur même de leur existence. Mais chacun d’eux cache derrière ses récits une part de secret qui n’a pas grand chose à voir avec l’image qu’il renvoie aux autres. C’est un crime qui va avoir lieu à Cherry City qui va faire exploser le miroir des apparences derrière lequel Sandy, John et Kat se cachent. Leur vie va rapidement basculer dans une spirale infernale où la réalité dépasse de très loin les fictions qu’ils inventent.
Christopher Sorrentino installe progressivement une atmosphère qui passe de la quiétude à un climat de plus en étouffant. On est happé par l’univers que l’écrivain nous propose et la complexité des personnages qu’il construit par petites touches. “Fugitifs” est un roman ambitieux et virtuose qui examine avec acuité les possibles qu’offre la dimension fictionnelle. Un roman qui ne lâche rien à partir de l’instant où Sorrentino enclenche la mécanique romanesque. C’est très fort et formidablement réussi.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Maria Semple a travaillé à la télévision, certains trouveront que c’est un défaut mais en réalité c’est un avantage quand on traite directement ou indirectement de cette question. Dans son roman “Aujourd’hui tout va changer” Semple nous plonge dans la vie d’Eléanor qui était autrefois scénariste d’une émission de télévision à New York – “Looper Wash” - qui rencontrait alors un grand succès. Mais cette vie appartient désormais au passé, Eléanor est désormais mère au foyer et elle habite avec sa famille à Seattle. Passé de la vie trépidente d’une vie
de scénariste new yorkaise à celle de mère de famille dans l’état de Washington n’a cependant rien d’évident et il faut bien reconnaitre que la jeune femme n’est ni l’épouse ni la mère de famille qu’elle aurait rêvé d’être.
L’émission “Looper Wash” avait pris cinq ans de sa vie et pendant ce temps son mari Joe était devenu une légende dans le domaine de la chirurgie de la main en reconstruisant celle d’un joueur de baseball dont le pouce se tordait en arrière. Personne ne pensait qu’il pourrait jamais rejouer, mais l’année qui suivit l’opération réalisée par Joe le joueur gagnait le Superbowl. Le jeune chirurgien reçut alors des offres de tout le pays et comme le couple ne souhaitait pas élever ses enfants ils optèrent pour Seattle. On appelle ça une décision de vie et chacun sait à quel point ce type de decisions peut orienter définitivement votre existence. Sauf que les choses se passent rarement comme on voudrait.
Avec “Aujourd’hui tout va changer” Maria Semple nous propose un roman bourré d’humour et absolument sans pitié sur la société américaine. Le lecteur ne sait trop s’il faut rire ou pleurer mais il ne doute pas que le roman qu’il est en train de lire est une oeuvre aussi iconoclaste que pénétrante. Les tribulations d’Eléanor en disent certainement bien plus long que la seule anecdote relative à une vie. Epoustouflant !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Voilà un beau livre qui mérite bien son nom. Il nous offre de redécouvrir les vies et les oeuvres de deux monstres de la littérature et qui contribuèrent à enrichirent les idées de leur époque. 2017 est une année marquée par un double anniversaire : celui du bicentenaire de la mort de Germaine de Staël et les 250 ans de la naissance de Benjamin Constant. Ces deux figures pionnières du romantisme et du libéralisme furent des figures majeures de la modernité et de la diversité culturelle. Constant écrivait : ”J’ai défendu quarante ans le même principe, liberté en tout,
en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique.” Cette sentence résume formidablement la pensée d’un homme qui consacra passionnément sa vie à la liberté. De son côté Germaine de Staël affirme : “ Une nation n’a de caractère que lorsqu’elle est libre.” La liberté comme une obsession permanente et partagée et c’est ce qui rend cet ouvrage passionnant de bout en bout dans l’analyse qu’il nous propose du parcours de ces deux personnalités hors norme.
L’ouvrage permet de prolonger l’excellente exposition qui se déroula à la fondation Bodmer sur les parcours de Germaine de Staël et Benjamin Constant. Une vingtaine de contributeurs traitent des thématiques qui traversèrent l’existence de ces deux enfants des lumières et qui devint rapidement un couple en Révolution. On se passionne pour leurs engagements politiques qui les entrainèrent parfois jusqu’à l’exil. La dimension littéraire n’est évidemment pas négligée, les deux oeuvres sont passées au crible et force est de reconnaître que certains éclairages mettent en évidence, pour ces deux maitres de l’écriture de soi, des pans ignorées de leur travail littéraire, sur la vieillesse en particulier. On apprend beaucoup et on prend aussi du plaisir à découvrir une magnifique iconographie. On y trouve tableaux, manuscrits, statues, caricatures mais aussi des objets familiers qui ont appartenu aux deux personnalités. Cette promenade à travers le temps nous permet d’approcher au plus près ces deux existences qui éclairèrent leur époque. Oui, un très beau livre.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
La nature a ses anomalies qui portent le nom de monstres, le monstrueux, de son côté, renvoie à l’anormalité de l’homme. Georges Bataille utilisait à ce sujet l’expression de “part maudite”. Laurent Lemire nous propose une variation sur ce thème dans son ouvrage intitulé “Monstres et monstruosités” à travers un voyage dans l’histoire, dans les mythologies, dans les sciences humaines, dans la criminologie, dans le droit et ce que l’on peut constater c’est la prégnance de ce motif. On voudrait ne pas voir ce que monstre nous montre mais ce que pointe l’auteur
c’est justement que le monstre, c’est justement celui qui montre. Dans l’art contemporain on parle souvent de monstration pour qualifier le spectacle d’une exposition ou la démarche d’un créateur. Mais étymologiquement, le monstre est moins celui qui montre - du verbe latin monere – que celui qui avertit, qui met en garde. Il nous alerte sur des dangers qui ne sont pas si loin de nous .
Lemire nous invite à oberver le monde des monstres qui s’agite devant nous, sur nos écrans, dans nos esprits. Le périple que nous offre l’ouvrage nous ramène à des temps reculés, aux premiers temps de l’humanité quand le normal ne se distinguait pas vraiment de l’anormal. Aristote écrivait sur le sujet que la monstruosité était seulement un objet en opposition à ce qui se passait le plus ordinairement dans la nature. Mais en vérité depuis la nuit des temps l’homme s’est effrayé de ce qu’il pouvait devenir. Comme le suggère l’auteur “le monstre nous renvoie à l’instabilité de l’existence, à cette possibilité du basculement vers autre chose, vers la chose. Dans cette angoisse ondoyante, il y a bien sûr le corps parfait vanté dans les publicités et, en conséquence, la hantise du corps dégradé.”
Cette plongée dans l’anormalité ne sera cependant pas seulement dans celle du corps car la monstruosité peut se loger dans des cerveaux malades. Ce que démontre ce passionnant ouvrage c’est que voyager parmi les monstres, la monstruosité et le monstrueux c’est finalement interroger notre rapport entre eux et nous, ce qui nous différencie, ce qui nous unit, ce qui nous effraie. Lire “Monstres et monstruosités” c’est finalement découvrir ce que le monstre nous apprend.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
L’écrivain belge Griet Op de Beeck nous propose avec “Bien des ciels au-dessus du septième” une remarquable méditation romanesque sur le sens de l’existence à travers le prisme de quatre représentants d’une famille belge et un cinquième, cinq personnages qui sont autant de narrateurs tissant le grand récit de l’existence. L’écrivain sait dépeindre avec beaucoup d’acuité et de tendresse la complexité des rapports humains mais aussi la manière dont chacun se détermine face à sa propre existence.
Griet Op de Beeck a choisi à travers ses cinq protagonistes
de s’intéresser à trois générations confrontées à leurs propres désirs et aux difficultés inhérentes à l’existence. D’abord il y a Jos qui boit beaucoup trop pour adoucir son rapport à la vie. Ses deux filles Eva et Elsie s’opposent par leurs personnalités. Elsie est mère de famille, en apparence bien dans sa peau mais qui aime Casper, un artiste qui l’aime profondément mais pour lequel elle ne parvient pas à remettre sa vie de famille en cause. Sa soeur Eva, n’a pas vraiment de considération pour elle même et se consacre énormémement aux autres pour échapper à son malaise. De son côté sa nièce de douze ans l’encourage à fréquenter les sites de rencontres pour se trouver un petit ami.
La peinture de ce quintuor ne nous épargne rien des bonheurs et des douleurs de l’existence et c’est sans doute ce qui fait la force de ce récit qui suscite une incroyable émotion chez le lecteur. La vie est souvent compliquée semble nous dire l’écrivain mais parfois un bonheur inattendu surgit et nous fait tout oublier., y compris les secrets trop lourds pour nos frêles épaules.
“Bien des ciels au-dessus du septième” examine bien des possibles narratifs comme autant de méditations sur l’existence. Roman à la fois sensible et puissant, il contient une force évocatrice qui ne vous laissera pas indemne au terme de sa lecture mais ne lisons nous pas des romans pour connaitre justement ce type d’expérience…?
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Les éditions Calmann Levy avancent à marche forcée depuis quelques mois proposant coup sur coup les dernières traductions de Michael Connely, l’un des grands maîtres californiens du thriller américain. Il faut dire qu’un Connely est toujours l’assurance d’une enquête où se conjuge montée d’adrénaline, imbroglio psychologique et dilemme moral. Cette fois avec “Jusqu’à l’impensable” Michael Connely nous propose une enquête à la manière du polar à énigme puisque l’écrivain fait reposer sa chape narrative sur un seul et maigre indice, une espèce de pyramide à l’envers. Les habitués de Connely savent que le californien est un équilibriste qui n’aime rien moins qu’une prise de risque narrative. Mais non content de se rendre la vie difficile Connely ajoute une seconde difficulté : proposer à son lecteur simultanément deux points de vue opposés sur l’enquête d’Harry Bosch, celui de la défense et de l’accusation lors d’un procès.
Mais au fait qui est Harry Bosch ? Là encore on retrouve l’un des points forts de la narration connelienne, cette capacité à nous proposer des personnages cassés par la vie mais toujours debout, des personnages qui tentent de donner un sens à leur existence de faisant quelque chose, flic par exemple. Harry Bosch – personnage récurrent de Connely - est désormais retraité du Los Angeles Police Departement et il tente de conjurer l’ennui de sa nouvelle vie en retapant une vieille Harley. Alors quand Mickey Haller, son demi-frère avocat, lui demande de travailler pour lui comme enquêteur sur l’affaire Quan Foster, il ne se pose pas longtemps la question de reprendre du service ou pas. Bosch se retrouve alors embarqué dans une affaire complexe impliquant un ex-membre de gang, Quan Foster, accusé d’avoir battu à mort la directrice adjointe des services municipaux de West Hollywood. Les preuves l’accusant sont accablantes et pourtant Bosch pour la première fois de sa carrière va travailler pour l’avocat de la défense lui qui avait toujours été du côté de l’accusation.
Michael Connely parvient à entrainer son lecteur sur une ligne de crête narrative entre le versant de la vérité et celui de la morale. Harry Bosch va devoir composer avec lui même pour parvenir à faire innocenter un authentique criminel. Rien de mieux que ce type de contradictions pour faire un grand thriller.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)