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Quand Robert M.Pirsing publie en 1974 “Traité du Zen et de l’entretien des motocyclettes” chez William Morrow & Company il ne se doute pas qu’il vient d’accoucher d’une oeuvre qui fera le tour du monde. Pourtant rien ne laissait supposer que ce traité qui n’en a que le nom va devenir l’un des plus célèbres best seller de la littérature nord américaine. Force est de reconnaître que ce road-novel qui fait le récit d’un voyage depuis le Minnesota jusqu’à San Francis à moto tout en traitant de questions philosophiques plutôt ardues n’avait, au premier abord, aucune
chance de se vendre à plus de quelques milliers d’exemplaires. On peut d’ailleurs considérer qu’il appartient aux dernieres productions littéraires qui composèrent le panache de la comète Beat Generation. On est assez loin de Kerouac mais enfin on est tout de même sur la route et puis on retrouve certains jugements de valeur assez radicaux : “Enseigner, enseigner, jusqu'à l'abrutissement, jusqu'à perdre toute faculté de création, jusqu'à devenir un automate, répétant à l'infini les mêmes platitudes à des générations d'innocents, d'étudiants incapables de comprendre pourquoi leur professeur est si ennuyeux. Et rejaillit sur la société tout entière. Si les collèges fonctionnent de cette façon, c'est parce que c'est la façon la plus habile de faire des économies, tout en donnant l'illusion d'un enseignement de qualité. » Voilà qui est envoyé mais qui est loin de résumer cette œuvre inclassable que certains spécialistes de la littérature présentent comme complètement ratée. Et d’une certaine façon c’est vrai. La définitions du roman d’exception ne correspond en rien à cette œuvre foutraque et pourtant passionnane qui reçut avant d’être publié 121 refus d’éditeurs
Le route que suis le narrateur à moto avec son fils et quelques amis est la métaphore d’une quête philosophique et existentielle qui est présentée par Pirsing comme un chautauka. Le chautauka qui était, dans l’Amérique du Nord d’autrefois, une causerie improvisée sous une tente. Il s’agit en vérité d’un chautauka tout à fait personnel où les problèmes entre le père et le fils, les difficultés mécaniques et climatiques sur le parcours et l’évocation d’un personnage, lui aussi professeur qui sombra dans la folie après avoir poursuivi une bonne partie de sa vie le concept de qualité, viennent s’entrechoquer, vont se mêler et finalement constituer une trame narrative formidablement dérangeante, troublante et profonde.
Où l’on croise Socrate, Aristote, Hume, Kant, Hegel et Lao-Tseu qui eux ne roulent pas en BMW mais foncent dans toutes les directions de la pensée. Où l’on découvre une apologie des authentiques mécaniciens et une approche du zen basé sur la capacité à apprécier l’instant présent. Où l’on découvre enfin comment un homme – qui s’avère être l’auteur lui même - touche les rivages de la folie à force de poursuivre une vérité impossible.
Mais ce roman est aussi celui des impasses de la société américaine pourtant entièrement dominée par la raison. Pirsing en 1974 a déjà l’intuition de ce que l’abus de raison peut produire comme dégâts dans le tissu social et économique d’une nation. On est pourtant encore loin des algorithmes mathématiques qui peuvent acheter où vendre des millions d’actions en une micro seconde, détruire des milliers d’emplois sans en créer un seul ou encore spéculer sur la dette d’un pays au bord de la banqueroute. C’est sans doute là que se trouve la question centrale du roman : « Pour résoudre le conflit entre les valeurs humaines et les nécessités de la technique, il ne sert à rien de vouloir fuir la technologie. C'est impossible. La seule issue, c'est de briser les barrières de la pensée dualiste, qui empêchent de comprendre la véritable nature de la technique. La technique n'est pas une exploitation de la nature, mais une fusion de la nature et de l'esprit : en une création nouvelle qui les transcende l'une et l'autre. »
Bon d’accord ce n’est pas un roman pour les gamins mais il vaut vraiment le détour par son approche aussi baroque qu’une pièce de Shakespeare. Œuvre atypique à faire tourner votre boussole littéraire dans tous les sens, ce « Traité du zen et de l’entretien des motocyclette » constitue un champ de force magnétique qui vaut bien les quelques heures de lecture que vous lui consacrerez.
ARCHIBALD PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
Le style de Vincent que nous avions déjà découvert avec son précédent roman Djebel ne laisse pas au lecteur le temps de fumer une cigarette - même mentholée comme la commissaire Sadia -, tout va très vite sauf la désespérance qui traîne au fond des caniveaux de Vannes, de Valenciennes ou de Marseille…
Un roman efficace et bien noir qui confirme le talent d’un Gilles Vincent en pleine possession de son art.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
Jolie performance de l’écrivain Sophie Schulze pour ce remarquable roman à la fois court et brillant. Performance qui décevra forcément les amateurs de football mais qu’apprécieront ceux qui recherchent les expériences littéraires fortement introspectives. Roman court parce que le temps n’est plus aux lectures longues, même les meilleurs lecteurs doivent reconnaître qu’aujourd’hui il ne lisent plus autant qu’avant… Roman brillant parce Sophie Schulze parvient à faire le récit d’une brève histoire d’amour entre un français et une jeune russe en prenant le parti-pris
de se focaliser uniquement sur leurs pensées. C’est sans doute là que se situe la performance littéraire; en privilégiant le discours intérieur des deux personnages on découvre finalement les préjugés et les platitudes qui habitent l’un et l’autre et les empêchent finalement de se découvrir et de se connaître. Le désir, les jeux de séduction, les questionnements intérieurs, la sensualité sont autant de moments qui se succèdent dans le récit. Le glissement progressif des deux protagonistes vers la sexualité est l’un des moments forts de « Moscou-PSG », petite prouesse de littérature qui consiste à décrire l’acte sexuel à travers de courtes notations qui disent l’impatience où la frustrations des deux amants dont on a le sentiment qu’ils ne sont jamais ensemble même quand ils font l’amour. Le lecteur ressent un décalage permanent entre la pensée de l’un et de l’autre.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
C'est un très beau cadeau ce roman, il ne laisse aucune place à l'indifférence, il est empli de poésie et de douceur. C'est tout simplement un livre qui fait du bien, qui se respire profondément.
CULTURE-CHRONIQUE
« Crazy rich à Singapour » est un roman truculent dans lequel deux mondes s'affrontent. Des mondes aux classes sociales si différentes que leurs frontières deviennent infranchissables, où tous les coups bas les plus grotesques sont permis mais où les sourires ne manquent pas. Kévin Kwan nous dépeint, sans détour et avec malice, les extravagances d'une nouvelle société riche asiatique.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
Si vous recherchez un roman que vous lirez d’une traite quitte à y laisser une nuit où deux et au terme duquel vous aurez le sentiment d’avoir tenu entre vos mains la chair du mal, alors vous devez absolument lire “A la lueur du sang” de Patrice Guirao. Ce maître du thriller nous entraîne dans un récit haletant sur un mode narratif très cinématographique. D’ailleurs il ne serait pas étonnant que ce roman comme la trilogie d’Al Dorsey ne soit rapidement adapté à l’écran.
Des viscères répandus au standart du département de police de Sépulvéda Boulevard. Quatre
cadavres de femmes éventrées, retrouvés sur des parvis d’églises dans “la ville des anges”, l’action démarre sur le mode des trompettes de l’Apocalypse et les meurtres atroces se succèdent avec une régularité terrifiante. Les enquêteurs face à cette froide violence piétinent. Aucun indice sinon des modes opératoires à glacer le sang.
Le roman semble tout entier traversé par des nappes d’infra basses qui font résonner nos peurs viscérales. Peu de pauses dans ce récit, sinon parfois un cri tout droit sorti d’un morceau de Death Métal. Pas de fausses notes mais des riffs écarlates qui nous tiennent éveillés jusqu’à l’aube à la lueur du sang.
Où l’on découvre la brigade des ”Veilleurs” dirigée par le père Julius Peretti, groupe composé de personnalités hors normes qui vont affronter le visage du mal et leurs propres parts d’ombres. Personne n’est jamais tout à fait innocent dans les romans de Patrice Guirao et “A la lueur du sang” ne fait pas exception à cette règle romanesque.
Un petit conseil quand même évitez d’offrir ce roman à des personnes trop impressionnables…
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
Où l’on retrouve avec plaisir l’équipe du commandant Boris Le Guenn chef de la Bac du 36 quai des Orfèvres que Didier Fossey a déjà installé dans les deux romans précédents. « Burn-Out » est donc le troisième d’une série inspirée qui ne manquera pas de s’augmenter et d’attirer de nouveaux lecteurs.
Fossey est devenu au fil des romans un maître du polar réaliste. Les dialogues sont affûtés, les situations dessinent les contours d’un univers brutal où il n’y a guère de place pour retrouver son souffle, les êtres sont à la limite de la rupture et parfois
au-delà.
Fossey traite cette fois de la souffrance des policiers surmenenés à qui l’administration en demande toujours plus en leur offrant toujours moins. Il y a quelque chose de « Baltimore » de David Simon dans ce « Burn Out » …comme un audit de chair et de sang des flics de terrains.
Tout part de banales affaires de vols dans les cimetières de Paris avant qu’un policier du 20 eme arrondissement soit abattu lors d’une planque sans que le moindre indice ne puisse aiguiller les enquêteurs au départ. De son côté le commandant Le Guenn doit couvrir l’un de ses hommes qui ne vient plus travailler. C’est un flic qu’il connaît bien mais qui semble glisser sur la pente savonneuse qui guette tous les policiers à bout de nerfs.
Fossey sait doser les notations affectives, les dialogues rugueux et les descriptions réalistes tout en conservant le suspense indispensable au genre. L’écrivain fait toucher au lecteur le quotidien des policiers, les exigences d’une hiérarchie aveugle, la réalité désespérante des moyens dont dispose le flic ordinaire, la solitude de ces hommes face à des criminels sans vergogne. C’est décapant, désespérant et furieusement enthousiasmant du point de vue romanesque. Fossey sait de quoi il parle puisqu’il fut lui même flic. Devenu auteur son expérience le tient très loin du romantisme policier. Au contraire sa plume est trempée dans une encre qui sent le fond de commissariat. Le genre a trouvé là une fière gachette qui n’a pas fini de nous remuer les tripes. Bravo !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
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“Quatre jours avant la bombe censée rayer Bombay et nous tuer tous, je marchande une grenade avec le seul vendeur de fruits qui exerce encore son commerce au milieu des ruines de Crawford Market.”
Certains descendent les escaliers quatre à quatre et d’autres comme Manil Suri, dans ce flamboyant Bollywood Apocalypse, commencent leur roman de la même manière, créant une situation ultra dramatique et jouant sur les mots en dégoupillant aussitôt la grenade offensive en fruit inoffensif. La vie continue au bord du précipice, la vie continue car les hommes sont ainsi, ils vivent jusqu’à la fin.
A Bombay, ancien comptoir français, une série d’attentats pakistanais met la ville à feu et à sang. Les lynchages de musulmans se généralisent dans la ville où la communauté indienne fait justice elle-même. La vieille cité devient du coup une terre de désolation et d’Apocalypse.
C’est dans cette atmosphère survoltée et déprimante que Sarita part à la recherche de son mari Kunal, un physicien de renommée internationale, qui a disparu dans un Bombay déchiré par la haine, le ressentiment et le racisme intercommunautaire. Sur son chemin elle va rencontrer Jazz, un jeune musulman qu’elle sauve in extremis du lynchage et qui lui aussi souhaite retrouver Kunal.
Le roman bascule rapidement dans une odyssée ébouriffante, déchirante et souvent hilarante. Alors que pèse sur la ville la menace d’une frappe nucléaire pakistanaise Sarita et Jazz mènent une enquête aussi dangereuse que compliquée tandis que « Superdevi » une superproduction de Bollywood pousse hindous et musulmans à se déchirer dans les rues de Mumbai le nouveau nom donné à la ville par les nationalistes hindous, en l'honneur de leur déesse Mumbadevi.
Manil Suri a choisi une narration polyphonique qui permet de dévoiler selon les points de vue bien des aspects de la réalité indienne. Bollywood Apocalypse laisse flotter les parfums lourds de l’Inde profonde lessivée par les pluies de mousson qui nettoient les rues du sang des hommes massacrés pour leurs croyances.
Et puis il y a les doutes qui traversent les individus face aux croyances religieuses comme ce fut le cas pour Sarita. « L’encens, les temples, les prières étaient un aspect fondamental de mon existence. (…) J’ai remis les choses en question en remarquant des contradictions dont je ne pouvais pas m’accommoder. (…) Une trinité de dieux émergeant du sable, c’est une façon d’interpréter les merveilles de l’Univers mais il en existe d’autres, plus subtiles, qui les expliquent peut-être de façon plus profitable. »
Bollywood est un beau roman qui nous ouvre aux contradictions qui parcourent la nation indienne mais c’est aussi un chant de tolérance que chacun devrait partager à une époque où les raidissements communautaires dans le monde amènent chacun à s’interroger sur le sens profond des religions.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)