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Denis Diderot (1713-1784)
"La réponse de M. le marquis de Croismare, s'il m'en fait une, me fournira les premières lignes de ce récit. Avant que de lui écrire, j'ai voulu le connaître. C'est un homme du monde, il s'est illustré au service ; il est âgé, il a été marié ; il a une fille et deux fils qu'il aime et dont il est chéri. Il a de la naissance, des lumières, de l'esprit, de la gaieté, du goût pour les beaux-arts, et surtout de l'originalité.
On m'a fait l'éloge de sa sensibilité, de son honneur et de sa probité ; et j'ai jugé par le vif intérêt qu'il a pris à mon affaire, et par tout ce qu'on m'en a dit, que je ne m'étais point compromise en m'adressant à lui : mais il n'est pas à présumer qu'il se détermine à changer mon sort sans savoir qui je suis, et c'est ce motif qui me résout à vaincre mon amour-propre et ma répugnance, en entreprenant ces mémoires, où je peins une partie de mes malheurs, sans talent et sans art, avec la naïveté d'un enfant de mon âge et la franchise de mon caractère.
Comme mon protecteur pourrait exiger, ou que peut-être la fantaisie me prendrait de les achever dans un temps où des faits éloignés auraient cessé d'être présents à ma mémoire, j'ai pensé que l'abrégé qui les termine, et la profonde impression qui m'en restera tant que je vivrai, suffiraient pour me les rappeler avec exactitude."
XVIIIe siècle : une jeune fille est contrainte par ses parents à prendre le voile au couvent de Longchamp.
Soeur Suzanne n'a de cesse que de rompre ses voeux et devient le souffre-douleur de la communauté qui l'humilie moralement et physiquement...
Un classique très profond
Quoique très romancé, ce roman de Diderot pose ses jalons sur l’histoire vraie d’une religieuse : Mlle Marguerite Delamarre. Cette dernière intenta un procès pour se soustraire à son enfermement, contre sa volonté, dans un couvent. L’héroïne du roman de Diderot est Suzanne Simonin. Les thèmes de "La Religieuse" sont : l’être humain ne prend son sens et ne réalise son bonheur que dans les relations avec ses semblables et l’emprisonnement en cloître est contre nature : il développe la mélancolie, l’obsession du suicide, l’intrigue, la calomnie, la haine, les frénésies sexuelles ou, au contraire, l’étourdissement de l’individu qui ne présente plus aucun poids humain. Une écriture très délicate et un style gracieux font de ce roman l’un des plus beaux classiques.