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Pour les besoins d'un article, Reba Adams, journaliste à El Paso, se rend dans la boulangerie allemande que tiennent Elsie Meriwheter et sa fille Jane. Au milieu des brötchen, des schaumküsse et autres lebkuchen, des confidences vont être échangées. Car, même si Reba est réticente, elle comprend vite qu'il va falloir se livrer elle aussi si elle compte obtenir un peu plus que des banalités sur les traditions de Noël en Allemagne. Malgré elle, la jeune femme ne peut s'empêcher de revenir encore et encore dans cette boutique chaleureuse où elle est accueillie en amie par les odeurs
de pain frais et de cannelle et la bonne humeur des propriétaires. Mais comment pourrait-elle raconter une enfance auprès d'un père vétéran du Vietnam traumatisé et d'une mère qui voulait envers et contre tout sauver les apparences ? Comment s'ouvrir aux autres, prendre le risque de les aimer alors qu'elle a vu les ravages de l'amour chez sa mère ? Comment parler de sa relation avec Riki, un homme qui l'aime, qui veut l'épouser et qu'elle fait souffrir par peur de souffrir elle-même ? Au contact d'Elsie, si simple et si douce, Reba se métamorphose tout en découvrant la vie de la vieille dame. En 1944, Elsie Schmidt avait 16 ans et travaillait aux côtés de ses parents dans la boulangerie familiale à Garmisch, petite ville des Alpes bavaroises. Sa sœur Hazel avait rejoint un lebensborn pour y mettre au monde les enfants de la patrie. Le régime nazi imposait ses lois, la guerre ses restrictions et Elsie assistait à son premier bal au bras d'un officier SS...
Les Schmidt étaient allemands, ils aimaient leur pays et faisaient confiance au Führer. Bien sûr la guerre mettaient l'Allemagne à feu et à sang, bien sûr les juifs de Garmisch étaient emmenés, leurs bien réquisitionnés mais il y avait tant d'espoir, de joie et d'optimisme pour un avenir meilleur qu'on fermait volontiers les yeux. Pourtant Elsie ne peut s'empêcher de se poser des questions. Les hommes de la Gestapo lui semblent violents et sans scrupules, les lettres de sa sœur prennent une tournure de plus en plus pessimiste et Tobias, l'enfant juif qui a chanté comme un ange au Noël nazi mérite-t-il le triste sort qu'on lui réserve ? Plus que la fierté d'appartenir à la race supérieure, c'est la peur qu'elle ressent au fond de son cœur, mais aussi une envie d'autre chose, loin des souffrances et des lois iniques.
Le respect des lois, Riki en a fait son credo. Et son métier aussi. Il surveille la frontière entre les Etats-Unis, son pays, et le Mexique d'où déferlent des vagues de clandestins prêts à tout pour un morceau du rêve américain. Ses parents aussi ont émigré, mais légalement, après des années de patience pour obtenir un visa et, plus tard encore,une nouvelle nationalité. Alors les lois doivent être les mêmes pour tout le monde et ceux qui l'enfreignent sont renvoyés vers la misère et la violence. Pourtant, petit à petit, ce discours bien intégré se délite. Il y a plus en plus de femmes et d'enfants à tenter la traversée de la frontière. Méritent-ils le traitement que leur infligent les lois sur l'immigration ? Sont-ils des voyous parce qu'ils aspirent à une vie meilleure ?
Le tour de force de Sarah McCoy est de nous présenter des personnages qui ne sont jamais dans la caricature. L'officier SS n'est pas un monstre sanguinaire et antisémite qui tue sans se poser de questions, les allemands ne sont pas le peuple belliqueux qu'on nous décrit trop souvent. Et même les ''gentils'' n'agissent pas toujours par pure bonté d'âme, poussés plutôt par la force des choses et hésitant sans cesse entre le désir de protéger un inconnu ou sa dénonciation pour protéger sa propre famille. Le système nazi endoctrinait le peuple dès le plus jeune âge et laissait peu d'options à celui qui y était réfractaire. Il fallait beaucoup de courage pour s'opposer à un régime qui tuait ses ennemis à tour de bras.
L'auteure fait-elle un raccourci qu'on pourrait trouver cavalier entre le modèle érigé par Hitler et le système mis en place par les Etats-Unis pour contrôler son immigration ? Sans doute puisqu'il n'y aucune comparaison possible entre les camps d'extermination nazis et le refoulement aux frontières des clandestins. Alors peut-être a-t-elle voulu exprimer son sentiment d'injustice devant les souffrances d'aujourd'hui...L'essentiel n'est pas là, Reba et Riki étant finalement des personnages secondaires qui s'effacent devant Elsie et sa famille qui ont traversé l'Histoire et son lot de malheurs. Pourtant, il en ressort la flamme de la bonté humaine et l'empreinte d'une jeune fille volontaire et courageuse qui deviendra une femme sûre de ses choix et de ses priorités.
Une belle saga qui traverse les années de guerre et de violence en faisant la part belle à l'humanité et fait venir les larmes aux yeux tout en évitant la mièvrerie. Le sucre est bien présent, mais il reste dans les pâtisseries allemandes que préparent Elsie, son père avant elle et sa fille avec elle. Beaucoup d'émotion, le souffle de l'Histoire, des personnages attachants, et un voyage de 1944 à 2008, de la luxuriance bavaroise à l'aridité texane, pour un roman fabuleux, à lire absolument. Un immense coup de cœur.
Karina Sokolova...C'est ainsi qu'une policière ukrainienne a baptisé le bébé qu'elle a trouvé un jour, presque mort dans une rue enneigée de Kiev. Karina a survécu à ce début de vie difficile, elle a grandi pendant trois ans dans un orphelinat jusqu'à ce qu'Anne Clancier, munie de tous les agréments, documents officiels et autorisations en tout genre, vienne la chercher pour faire d'elle Karina Clancier, sa fille unique et chérie. Au fil du temps, elles se sont apprivoisées, adoptées. La petite fille silencieuse est devenue une bavarde impénitente, un lutin joyeux, puis une adolescente
parfois exaspérée par cette mère qu'elle aime tant. Et la célibataire indépendante et intrépide est devenue une maman, parfois dépassée, souvent inquiète, mais toujours heureuse. Bon an, mal an, elles sont surmonté les épreuves, les obstacles, les crises, les préjugés pour ne retenir que les fous rires, les découvertes, les voyages, l'amour. La maman biologique de Karina et ses trois premières années à l'orphelinat resteront toujours un blanc dans l'histoire de sa vie, un vide que rien ne saurait combler mais pour la suite, pour ce départ à zéro dont elle est si friande, il y aura un livre, ce livre écrit avec le cœur. Et si Karina déteste lire, si elle lève les yeux au ciel quand sa mère l'incite à le faire, sans doute en sera-t-il tout autrement pour celui-ci...
Une magnifique déclaration d'amour d'une mère à sa fille. Et peu importe qu'elles ne soient pas liées par le sang, c'est le même sentiment qui prend toute la place dans un cœur de maman, ce sont les mêmes inquiétudes, les mêmes joies, le même bonheur. Si Anne Clancier s'adresse à Karina pour lui raconter l'histoire de leur rencontre et de leur vie commune, son message n'en est pas moins universel et chaque mère, qu'elle soit adoptive ou naturelle, y reconnaîtra ses espoirs, ses erreurs, ses souffrances, ses petites déceptions et ses grands moments de pleine satisfaction.
Un livre qui vibre de l'éclat de son héroïne, extraordinaire petite survivante et de la chaleur de l'amour mère-fille. Emouvant et drôle, juste et sincère, ce témoignage transmet de la joie et de l'espoir, de l'optimisme et de la générosité.
A la mort de son mari, Célia a quitté leur appartement commun pour emménager dans un brownstone, un de ces anciens immeubles de Brooklyn, qu'elle a acheté et restauré avec soin. Une fois installée de façon spartiate dans un des appartements, elle a choisi minutieusement les locataires des trois autres. Son seul souci : préserver son intimité et celle des habitants de son immeuble. Célia garde ses distances, évite les contacts et n'a conscience de la présence des autres qu'à travers de menus bruits : l'ascenseur, les pas, parfois des voix. Elle vit désormais l'existence qu'elle
s'est choisie, préservée, calme, entourée de Monsieur Coughlan, un capitaine de ferry à la retraite, Angie et Mitchell, un couple en déliquescence, et Georges, le professeur qui loge juste au-dessus d'elle. C'est lui qui, indirectement, va semer le trouble dans la petite communauté bien ordonnée. Georges a décidé de prendre une année sabbatique en France mais il ne veut pas lâcher son appartement et propose à Célia de le sous-louer à son amie Hope, une belle quinquagénaire qui vient d'être quittée par son mari, Hope qui tente d'oublier ses vingt-cinq années de mariage, qui s'étourdit et qui prend pour un amant, le beau Les, fougueux, violent...bruyant. Pour Célia, Hope est une intruse qui fait chavirer un équilibre durement acquis, qui envahit sa précieuse intimité, elle voudrait lui dire de partir mais ne peut s'empêcher d'être attirée par cette femme si différente d'elle.
''L'enfer, c'est les autres'' disait Sartre...Mais si l'on évite de trop s'en approcher, si l'on ne s'implique pas dans une relation, si l'on se retient d'éprouver un quelconque sentiment, alors peut-être que l'on peut de faire de la vie avec ces autres, non pas un paradis, mais quelque chose qui ressemble à la sérénité. C'est en tout cas le credo de Célia, propriétaire qui se veut efficace, présente pour régler les problèmes domestiques de ses locataires, mais effacée, voire froide quand il s'agit de rapports humains. Mais peut-on être heureux sans créer du lien ? Célia, de toute façon, n'aspire pas au bonheur mais à la tranquillité. Elle a aimé, elle a été aimée, elle a accompagnée son mari jusqu'au bout, elle a renoncé à la vie quand il est mort. Les sentiments, les sensations, le désir, la sensualité, tout cela a disparu avec son mari. Encore jeune et belle, elle se cache derrière une apparence austère. Tout le contraire de Hope sa nouvelle locataire, exubérante et terriblement vivante. Si elles sont à l'opposée l'une de l'autre, elles ont en commun d'avoir perdu leur mari et l'amour. Les souvenirs sont douloureux mais l'oubli semble impossible.
Si elles sont touchantes, ces deux femmes malheureuses qui tentent de faire croire le contraire, on a parfois du mal à comprendre leurs réactions. Tout au long du roman, Célia reste une énigme aux réactions souvent contradictoires. On a beaucoup de mal à s'y attacher et à la comprendre. Et plus que tout, on se demande où l'auteure veut en venir...Malgré une belle écriture, de belles pages sur le deuil, l'amour, la résilience, le roman n'emporte pas son lecteur qui reste sur le seuil du browstone de Célia.
Une jolie balade dans les rues de Brooklyn, deux portraits de femmes qui, s'ils ne sont pas transcendants, n'en révèlent pas moins quelques secrets de l'intimité féminine, mais des personnages secondaires fantomatiques et finalement une grande perplexité. Une lecture plutôt agréable mais qui ne soulève guère l'enthousiasme.
A Augsbourg, la vie n'est pas facile pour Albert et Raimund Kaufmann, les deux fils puînés d'un propriétaire terrien, brasseur de bière. C'est Otto, l'aîné, qui doit hériter de la ferme, même s'il n'a pas les qualités nécessaires à la gestion de l'exploitation. Mais les lois sont ainsi faites et si Heinrich, le père, avait des doutes, nul ne saura jamais s'il aurait osé modifier son testament puisqu'il meurt subitement, faisant d'Otto le chef de famille. Tout aussi tyrannique que son père, il asservi Albert et de son épouse et exige de Raimund qu'il entre dans les ordres. A peine
âgé de 16 ans, le benjamin de la famille s'enfuit en Amérique, sur les conseils de son professeur, Herr Richter, père de Magdalena, la femme d'Albert. Le jeune couple ne va d'ailleurs pas tarder à le suivre avec ses deux jeunes fils, pour échapper au pouvoir d'Otto et de la suspicion dont est victime Magdalena -comme sa mère l'était avant elle- en raison de ses origines roumaines. C'est à Minneapolis, sur les Flats que les accueille Raimund. Au bord du Mississippi, se sont installés tous les nouveaux arrivants, venus des quatre coins de l'Europe de l'Est, dans des maisons de bric et de broc. Qualifiés de bohémiens par les autochtones, les habitants, unis par une solidarité à toute épreuve, y vivent en bonne entente, certains avec l'espoir d'une vraie maison en ville ou d'une ferme dans les terres encore inexploitées du Wisconsin.
Une magnifique fresque qui coule de 1881 à 1968, de Bavière jusque dans le Minnesota, en passant par le Wisconsin et même les champs de bataille de la Grande guerre. A travers, l'histoire des frères Kaufmann et de leur épouse et amie Magdalena Richter, Mary RELINDES ELLIS nous raconte le rêve américain de ceux qui quittaient leur pays, leur famille, leurs amis pour tenter autre chose aux Etats-Unis. Chassés de chez eux par la misère ou par l'intolérance religieuse ou politique, ils ont construit le nouveau monde, s'intégrant tout en gardant une part de leurs traditions. Des choix devaient être faits, il fallait parler l'anglais mais transmettre aussi leur langue d'origine à leurs enfants, élever de petits américains sans oublier leur patrie. Souvent mésestimés, ils n'en ont pas moins combattu pour leur nouveau pays lors de la première guerre mondiale, même si pour certains, comme les allemands, il n'était pas facile d'aller affronter des compatriotes. La transmission est au cœur du roman, que ce soit au sein des familles émigrées, ou vers le lecteur qui découvre le quartier des bohemian flats, aujourd'hui rasé malgré sa valeur historique, représentant d'un mode de vie et d'une époque.
Une belle écriture pour laisser une trace, perpétuer la mémoire de ceux qui ont fait l'Amérique. Un coup de cœur.
Les macarons, c'est mignon, c'est bon, c'est à la mode. Les macarons, c'est chouette et tout le monde sait les faire. Tout le monde sauf moi ! Après un échec retentissant et des macarons qui, avec un bon lancer, m'auraient permis de tuer un ou deux de mes ennemis sans trop me fatiguer, j'ai du me résoudre à avouer que j'avais besoin d'aide. Un petit tour en librairie, les conseils enthousiastes de la nouvelle libraire, et me voilà lâchée dans la nature avec sous le bras LE livre des macarons de maître Christophe Felder. Attablée devant un Earl grey et quelques gourmandises bonnes pour
le moral à défaut de l'être pour la ligne, je feuillette l'ouvrage et premier constat : l'objet fait saliver. Après quelques pages, j'ai déjà surpassé le chien de Pavlov et tous ses descendants dans l'histoire édifiante des glandes salivaires mais je me reprends suffisamment pour comprendre que the ratage n'était pas de mon fait mais bel et bien de la recette ridicule que j'avais pompée sur le net. Comme la plus stupide des débutantes, je m'étais égarée en préparant une meringue française alors que Cristofo préconise la meringue i-ta-lienne ! Evidamento !(traduction approximative, j'ai fait allemand première langue). Certes c'est un peu plus compliqué mais le résultat est garanti. Cool ! Bon, il me faut me hâter, l'heure tourne et je dois encore faire l'acquisition d'un thermomètre à sucre, outil essentiel à la réalisation de la dite meringue.
De retour chez moi, je suis bien contente et je savoure d'avance la joie de réussir enfin des macarons. Mais ce sera pour demain, tout ce bonheur m'a tuée, une tisane et au lit.
Dimanche matin, bien reposée, je me lance ! Oui mais y a 3000 recettes dans ce bouquin, alors laquelle faire ? Je tenterais bien les macarons foie gras mariné sel fumé de la page 228. Mais bon, la France d'en-bas mange du foie gras une fois par an à Noël. Et encore, les années paires ! (D'ailleurs, on est est en 2014, vivement décembre !) Puis, de toute façon, j'ai pas de sel fumé. Je passe sans même les effleurer du regard ceux au céleri et à la truffe (trop bête, pas de céleri dans mon bac à légumes, mais c'est à la page 198, pour les riches qui me lisent). Je vais plutôt me rabattre sur les ''jambon-beurre'' de la page 180.
Grâce aux explications détaillées et aux photos ''pas à pas'' de la recette, tout se passe comme si j'avais fait ça toute ma vie. Et vas-y que je fais chauffer le sucre à 118°. Et me voilà montant des blancs en neige, pesant mon tant pour tant, malaxant, mixant, mélangeant, patatipatatant pour finir en enfournant. A ce moment précis, j'ai comme un sixième sens, je peux lire l'avenir et je le vois radieux et parsemé de magnifiques petites coques lisses, brillantes et parfaitement ''collerettées''. J'esquisse même quelques pas, préliminaires à la danse de la joie que j'effectuerai dans 12 à 15 minutes (selon le four que vous possédez). Dans un éclair de lucidité, j'évite quand même de lancer la crème jambon-beurre qui viendra garnir ces petites merveilles...On a beau être euphorique, on en reste pas moins une femme réfléchie pleine de sagesse.
Finalement, les minutes passent, et je sors la plaque du four...
''Et alors ? Et alors !'' crie la foule en délire.
-Ben...ma cuisine semble avoir été victime d'une attaque terroriste pendant l'un de mes nombreux moments d'inattention (probablement celui où j'entonnais un chant à la gloire de la reine des macarons en devenir que je suis, il est parfois si facile de se laisser aller et de la cuillère en bois au micro il n'y a qu'un saut de puce).
-Christophe Felder est un gros BIP ! Et aussi un sale BIP ! J'aurais du me méfier en voyant sa photo dans le bouquin. Cette pause nonchalante, tête penchée, main sur la hanche, l'expression faciale à la limite de la moquerie...Et puis c'est quoi cette recette où on ne fait même pas croûter les macarons ?! Tout amateur un peu éclairé connaît l'importance du croûtage et là, rien ! L'expert garderait-il des secrets de fabrication par devers lui ? Gros doute...
-Bref, adieu mes rêves de macarons qui auraient fait si chics sur ma table basse...Ce sera chips et curly à l'apéro, comme d'hab.
Alors qu'il rend visite à son frère hospitalisé en psychiatrie, le commandant Eric Lanester assiste à une défenestration suivie d'un suicide. Selon les premières constatations, un infirmier aurait assassiné un patient dépressif avant de se jeter par la fenêtre. Lanester et son équipe décident de mener l'enquête, interpellés par la personnalité du soignant, décrit comme irréprochable. Ils font donc la connaissance du personnel du CH-Diaoul, de son histoire qui remonte à l'époque des premiers aliénistes, de son archiviste, la charmante Elisabeth Bassonville, intarissable quand
il s'agit d'évoquer Théophobe Le Diaoul, patient emblématique de l'établissement, poète fou issu d'une famille bretonne miséreuse et sujette à la démence. Lanester, flic et psychologue, se plonge dans cet univers clos où l'on est psychiatre ou pharmacien de père en fils depuis des générations.
Lire Les enfants de la dernière pluie, c'est d'abord faire connaissance avec une équipe d'enquêteurs hors-normes. Au bureau, Soraya, la geekette, craque les mots de passe et s'introduit dans n'importe quel site tandis que sur le terrain, Marc, Bertrand et Carla, mènent l'enquête, chapeauté par le commandant Eric Lanester. Ebranlé psychologiquement par une enfance difficile, il donne tout à son travail, entre une séance avec sa psy ou une crise de larmes. Sensible, il n'en est pas moins un fin limier qui va au bout de ses intuitions, aidé par une profonde empathie et un doctorat de psychologie. Son truc à lui, c'est le profilage, la plongée dans la tête du tueur pour saisir ses motivations et ses futurs passages à l'acte. L'univers des soins psychiatriques ne lui est pas totalement inconnu, puisque son frère souffre de graves troubles depuis de nombreuses années. Par contre, le lecteur découvre un autre monde où les patients, décalés, déconnectés, médicamentés, sont préservés des contingences de l'extérieur par des soignants impliqués, solides et courageux. Mais si l'hôpital vit hors du temps, il n'en est pas de même pour les enquêteurs qui n'ont qu'une semaine pour résoudre l'affaire. Le rythme est donc soutenu mais pas effréné. Françoise GUERIN sait ménager des pauses pour amener lentement son lecteur vers toutes les formes de folie qu'elle explore.
Une intéressante incursion dans le microcosme d'un HP où les fous ne sont pas toujours ceux qu'on croit....Une lecture intéressante, originale et intelligente qui doit beaucoup aux enquêteurs, attachants et qu'on a plaisir à suivre dans leurs investigations et dans leur vie privée. Dommage que le coupable soit évident dès la moitié du livre...
Alors que jusque là John Tallow faisait son boulot de flic sans réelle motivation, il change de philosophie le jour où Jim Rosato, son partenaire, est descendu par un forcené à poil dans un vieil immeuble new-yorkais. C'était Jim le bon flic, celui que tout le monde appréciait, qui s'y connaissait en bagnole, en conduite et qui passait toujours le premier lors des interventions. Alors John flingue le pourri qui a tué son coéquipier et, encore souillé du sang et de la cervelle de son ami, commence ses investigations dans l'immeuble. Ce faisant, il découvre un appartement blindé, véritable
cache d'armes où au moins deux cents flingues en tout genre sont artistiquement disposés du sol au plafond. Sommé par sa chef de régler cette affaire au plus vite, John se rend compte que les armes ont servi à commettre des crimes non résolus, qu'il est seul sur le coup et que sa hiérarchie va enterrer l'affaire et sa carrière avec. Heureusement, dans son malheur il a la chance de tomber sur deux TSC (techniciens de scène de crime) un peu barrés mais très doués qui vont mettre toutes leurs compétences au service de la quête de celui qu'il a baptisé ''Le chasseur'', cet homme insaisissable qui a fait de Manhattan son terrain de chasse et tue en toute impunité depuis des décennies.
Si Warren ELLIS est surtout connu pour son travail de scénariste chez Marvel, il ne démérite pas avec ce polar sombre et déjanté très réussi. Manhattan, comme si on y était, avec son lot de crimes et ses flics en patrouille. L'auteur nous donne d'ailleurs à voir une police bien loin de l'image idéale véhiculée par les séries du genre. Ici, pas de solidarité, pas d'amitié, pas de soutien. Les gradés ne pensent qu'à leur carrière et à une éventuelle promotion, personne ne veut se mettre son supérieur à dos, en bref, personne ne veut se mouiller. Carriérisme et corruption sont érigés en valeur et les flics de base de débrouillent avec la rivalité entre services, le manque de moyens, le manque d'effectifs et les coups tordus de la hiérarchie. Au travers de ses personnages de flics désabusés qui font de leur mieux tout en pressentant que leur affaire finira aux oubliettes, ELLIS dresse le portrait d'une société américaine où le crime est un fait banal dont l'individu lambda se tient pour préserver sa tranquillité et qui n'intéresse le flic que dans la limite où il peut en tirer bénéfice. Mais, là où il aurait pu se contenter d'écrire un énième scénario pour un épisode de NYPD blue, il a su se démarquer en raconter aussi l'histoire de la ville depuis l'époque où elle était le territoire des amérindiens. Anecdotes historiques, légendes amérindiennes et physionomie de l'ancienne Manna-hata des Lepones émaillent un récit vif et percutant que l'on dévore avec jubilation. John Tallow , anti-héros partagé entre sa volonté d'aller jusqu'au bout et son envie de tout lâcher est un personnage qu gagne en épaisseur au fil de l'histoire et qu'on aurait plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes, surtout s'il est encore une fois secondé par Bat et Scarly, les deux énergumènes du service technique qui apportent la dose d'humour nécessaire pour contrebalancer les horreurs décrites par le menu.
Un polar qui tient la route, efficace et addictif.
Sur son piton rocheux battu par les vagues de l'Atlantique, l'hôpital militaire Saint-Augustin semble un lieu mystérieux mais préservé de l'agitation des services hospitaliers. Trois jeunes internes y effectuent un stage, au calme, loin de leurs familles. Seuls civils parmi les militaires, ils se sont rapprochés et une solide amitié les unit. Aussi, quand JC d'Orgeix est porté disparu par une nuit de tempête où il était de garde, Tom Castille est bouleversé. Certes, JC s'était refermé sur lui-même ces dernières semaines mais de là à disparaître...Le mystère s'épaissit encore
quand le lieutenant Bost et ses hommes de la Gendarmerie de Bayonne investissent le domaine dès l'aube, avant même que l'hôpital n'ait eu le temps de donner l'alerte. Tom s'interroge : Qu'est-il arrivé à JC ce soir là ? Que s'est-il passé avec son dernier patient, décédé dans des conditions douteuses ? Le jeune interne décide de se lancer à la recherche de son ami, levant ainsi le voile sur les mystères qui entourent Saint-Augustin.
Le Pays basque sauvage, noyé sous des trompes d'eau, fouetté par l'océan, un hôpital isolé, un inquiétant étage dédié aux malades psychiatriques, des meurtres récents liés à des morts plus anciennes, une malédiction lancée par des moines en colère, tous les ingrédients sont là pour créer une ambiance glauque et oppressante. Dans cette atmosphère lourde de mystère, c'est un médecin qui enquête, plus ou moins aux côtés d'un lieutenant de gendarmerie. Les deux sont obstinés et décidés à découvrir la source des meurtres et leur collaboration est facilitée par l'ouverture d'esprit du militaire qui accepte d'être aidé sans râler ou menacer, et l'intelligence de l'interne qui
prend des risques calculés et ne fait pas de rétention d'informations. Pour son premier roman, David-James KENNEDY a réussi un page-turner au suspens haletant qui conduit le lecteur dans les méandres d'une intrigue alambiquée à souhait où se côtoient un médecin fou, des femmes amoureuses, des internes prompts à mourir et comme un pâle rayon de soleil au milieu de toute cette noirceur une femme étrange, belle à se damner, fragile mais toujours debout.
Pour en savoir plus, il faudra lire Ressacs, sans hésiter à se laisser ballotter par les flots incessants de l'Atlantique.
Quand la réveil de Dom Silvagni sonne en ce samedi matin, il sait que ce n'est pas un jour comme les autres qui commence puisque c'est son anniversaire. Mais il est loin de se doute de la surprise que lui réservent son père et son grand-père. Les deux hommes lui révèlent un terrible secret : à cause d'une dette contractée par un lointain ancêtre auprès de la 'Ndrangheta , chaque garçon premier né de la famille doit subir six épreuves concoctées par l'organisation mafieuse. S'il refuse ou s'il rate, la 'Ndrangheta prélèvera une livre de sa chair. A la fois incrédule et horrifié,
Dom s'insurge mais se rend vite compte qu'il ne peut échapper à...La Dette. Le choc est rude pour cet adolescent qui jusqu'ici menait une vie de privilégié dans le cocon de son quartier huppé de Gold Coast, avec pour seul souci ses résultats sportifs et sa rivalité avec Tristan, son détestable voisin. Et sa première mission n'est pas faite pour le rassurer. La Dette exige de lui qu'il capture Otto Zolt-Bander, dit ''Le Zolt'', sorte de Robin des bois moderne, détesté des autorités, adoré par des milliers d'adolescents et, surtout, parfaitement...insaisissable !!
Même si l'intrigue de Rush trouve sa source dans une vieille tradition calabraise, son ton est résolument moderne. La 'Ndrangheta, entité abstraite, pudiquement nommée ''La Dette'' par les Silvagni dispose de tous les moyens technologiques pour suivre, surveiller et menacer ses débiteurs. Et Dom, le jeune héros, n'est pas en reste avec facebook, Iphone et même une sœur geek pour le soutenir. Cet ancrage dans le vécu des adolescents d'aujourd'hui ne pourra que plaire au lectorat concerné, d'autant que Dom est un garçon sympathique auquel on peut s'identifier facilement, même s'il évolue dans un monde où les piscines sont de taille olympique, les villas somptueuses, les voitures surpuissantes et les comptes en banque bien garnis. Il n'empêche qu'on prend fait et cause pour le fils de milliardaire, qu'il soit obligé de pister un bandit, de tout donner sur une piste d'athlétisme ou de contourner les viles manœuvres de son voisin et rival, l'arrogant Tristan.
Rythmé et efficace, léger et dans l'air du temps, ce Rush est convaincant et propose un moment de pur divertissement qui saura toucher son public.
Indigeste
Le 31 décembre 1066, les musulmans de Grenade, soulevés par un agitateur qui a semé les graines de la discorde depuis des mois, déferlent dans la ville dans le but d'éradiquer la population juive coupable de tous les maux. Gâlâh, fille de Samuel ibn Kaprun, Nagid et Hadjib de l'émir Abdar al-Fikri, ne doit la vie sauve qu'à sa présence dans la maison d'Halim, son amant musulman. Sentant venir le drame, son père lui a confié le livre où il consigne depuis toujours les évènements qui touchent son peuple, ainsi qu'une khomsa, pierre magique qui donne la vie éternelle. Gâlâh a 14 ans et c'est l'âge qu'elle aura pour toujours. Immortelle, dépositaire de la mémoire du peuple juif, elle va ainsi fuir les massacres, de l'Andalousie où elle est née jusqu'à la Pologne, en passant par la Turquie, les Pays-bas ou New-York.
Il faut beaucoup de courage pour arriver au bout de ce pensum indigeste ! Visiblement Gérard de CORTANZE s'est documenté et il n'est pas décidé à laisser perdre le fruit de ses précieuses recherches. Elles sont donc étalées sur 400 pages sans considération pour le pauvre lecteur dupé par un titre et une 4ème de couverture alléchants. Bien sûr, on ne peut nier l'intérêt de montrer la persécution dont a été victime le peuple juif à travers les siècles. Partout ce n'est que massacres, tortures, pogroms, persécutions, exterminations. Difficile dans ces conditions pour la pauvre Gâlâh de trouver un refuge. Où qu'elle soit, les juifs tentent de s'intégrer mais au moindre souci dans la vie de la ville, ils servent de bouc émissaire. A l'origine de tous les mots, ils sont partout et toujours persécutés. Il était sûrement bon de le rappeler et de montrer que la haine et la violence dont ils sont les victimes remontent à la nuit des temps. Mais pourquoi l'avoir fait au détriment du romanesque ? Avec Gâlah, l'auteur tenait un beau personnage de femme qui méritait mieux qu'un seul rôle de témoin de tous les drames qu'elle traverse. Il n'a pas su lui donner corps, la rendre proche. C'est bien dommage, mais cette dénonciation de la barbarie, de l'intolérance, de la noirceur de l'âme humaine pêche par un manque de souffle et une accumulation d'informations. Intéressant mais trop savant.