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Les majorettes... raconte un repas de famille en apparence ordinaire mais qui recèle de profonds malaises.
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C'est le premier roman de François Szabowski, paru chez les excellentes éditions Aux Forges de Vulcain, et il est pour le moins déconcertant. Dans la littérature ordinaire, les histoires ont un début et une fin et toutes les questions trouvent leurs réponses sans trop de zones d’ombre… mais pas ici.
Les majorettes… est composé d’une myriade de petits éléments qui, mis bout à bout, composent l’ambiance et les relations dans la famille. Derrière ce repas à
l’apparence commune, un malaise grandit, supporté par tous les personnages. Il suffit d’un instant d’inattention et hop ! vous n’aurez senti que l’étrangeté de la scène, et vous serez passé à côté de ce qui est essentiel au roman (qu’il convient de ne pas dévoiler).
Au fil du roman, le lecteur évolue successivement dans les pensées des personnages, et en tant que telles, les pensées divaguent, font des blocages, se déroulent presque en temps réel avec pêle-mêle hallucinations, obsessions et pragmatisme du quotidien. On ressent également la distanciation du narrateur avec ses personnages ainsi que la relation morbide au corps, à la fois captivante et dérangeante, parce que les détails du corps humain, les bourrelets, les rides, ou les plaquettes de chocolat, en disent long sur le caractère des personnages.
Pourtant, dans les méandres des pensées, la dilatation du temps est extrême et vraiment lassante. Les descriptions des gestes et des attitudes au millimètre près agacent à la longue. La structure est aussi inégale, incluant des minis-chapitres difficiles à situer dans le cadre général. Le texte s’essouffle, l’ensemble est lourd et ennuyeux. Tout comme les personnages en proie à leurs malaises (mais ne spoilons pas), le lecteur est pris dans une boucle temporelle immuable. Les majorettes... est tout de même un livre difficile à appréhender, qui exige une lecture à plusieurs niveaux, mais qui montre combien l’auteur est déjà maître de son premier roman.
L'article entier sur Bibliolingus :
http://www.bibliolingus.fr/les-majorettes-elles-savent-parler-d-amour-francois-szabowski-a108366262
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Viande aux antibiotiques, lait aux hormones, légumes aromatisés aux pesticides, déforestation, pollution des eaux, de l’air et des terres, agriculteurs malades… Derrière le mot « progrès » — avec la mécanisation, l’artificialisation, la standardisation des cultures et l’abus de produits chimiques — se cache en réalité une rupture consommée avec la nature et ce qu’elle nous a donné.
Même s’il n’existe pas d’agriculture qui respecte totalement les équilibres naturels, nous ne pourrons pas continuer à forcer les lois de la nature sans nous porter sévèrement
préjudice. Devrions-nous nous évertuer à remplir suffisamment nos assiettes d’aliments pauvres sur le plan nutritif et qui contribuent même à nous rendre malades ? Par ailleurs, nous ne pouvons pas accepter de pervertir la nature même des plantes jusqu’à les modifier génétiquement, c’est une question de principe. Mais comment nourrir 14 milliards d’individus en 2050 ?
Agriculture biologique : espoir ou chimère ? est le cinquième débat lancé par les éditions du Muscadier dans la collection Le choc des idées. Le principe est de donner les arguments qui fondent les débats sur des questions d’actualité ; les débats sont habilement rédigés par deux contradicteurs et introduits par un médiateur, ce qui permet par la suite de conforter ou de réviser sa propre opinion, ou bien de se la forger.
Concernant l’agriculture biologique, si la solution n’est pas évidente, nous pouvons quand même, en tant que consommateurs, faire entendre aux industries et aux producteurs que le bio correspond à un besoin réel de revenir à quelque chose de plus naturel et d’essentiel.
Le début de l'article sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/agriculture-biologique-espoir-ou-chimere-collectif-a108293522
Isolte et Viola sont jumelles, mais elles ne se ressemblent plus. La première est rédactrice de mode, la seconde gît dans un hôpital. Isolte a besoin de contrôler sa vie pour l’apprécier, la seconde, maigre à mourir, fuit la vie, fuit son corps et ne se nourrit plus.
Autrefois inséparables, aujourd’hui, en 1987, elles ne se parlent presque plus. Que s’est-il passé ? Leurs secrets semblent enfouis, mais il suffit d’un petit quelque chose pour que la brèche s’ouvre et que nous entrons dans leur histoire.
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Jumelles raconte l’enfance, quand nous gardions dans nos poches
sales des cailloux, des coquillages ou des fleurs fanées, comme des talismans. Ce roman raconte nos trahisons irrémédiables, nos rêves de gamins, nos légendes et nos peurs. Il raconte le moment où nous découvrons que nos parents sont aussi des hommes et des femmes avec des sentiments, des pulsions, des peurs, et qu’ils cherchent le bonheur, comme nous.
Mais il raconte aussi quand, à la fin de l’enfance, avec l’éveil des sens et du corps, le cocon familial éclate et que chacun construit son identité et entreprend sa vie d’adulte. Il raconte comment les caractères se forgent et les changements qui apparaissent, alors que nous étions des enfants tous semblables puisque nous ne regardions pas les différences sociales comme le font les grands. Il raconte aussi avec nos yeux d’adultes quand nous revenons sur les lieux de notre enfance qui n’existent plus ou qui ont perdu leur magie.
Mais c’est aussi l’histoire des adultes qui tentent de s’extirper d’un mode de vie imposé, des hyppies qui ont cherché, depuis les années 1970, une manière de vivre en harmonie avec eux-mêmes, avec les autres et avec la nature.
Jumelles est un roman efficace, bien mené, qui navigue d’une sœur à l’autre, entre le passé et le présent. Avec de tous petits pas, les éléments du puzzle se rassemblent. Si la narration est lente, c’est pour mieux laisser place aux souvenirs et à la nature. Une lecture sensible !
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/jumelles-saskia-sarginson-a108225694
La Capitana raconte comment Mika Etchebéhère, une Argentine révolutionnaire et communiste, est devenue capitaine d’une milice républicaine pendant la guerre civile espagnole.
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Mika Etchebéhère (1902-1992), une femme argentine au destin exceptionnel, a passé sa vie à lutter pour l’égalité, la liberté et la justice, que ce soit en participant à des revues politiques ou en prenant les armes pendant la guerre civile d’Espagne.
Très jeune, elle a été nourrie à l’idéalisme révolutionnaire et anti-capitaliste. Avec son compagnon Hippolyte, elle a mûri à travers la
Commune de Paris, la révolution de 1917, et les textes de Marx et d’Engels. Elle est de ceux qui croyait en la force des partis politiques pour renverser le pouvoir, et qui ont vu la classe ouvrière unie gagner en importance puis s’amenuiser dans la seconde moitié du vingtième siècle.
La Capitana est le résultat d’une enquête extrêmement documentée qui a duré des années. Avec son style polyphonique, Elsa Osorio a prêté avec talent ses émotions, ses mots, à la voix de Mika Etchebéhère et a rendu un hommage personnel, intime, à cette femme et à l’engagement politique. Un texte émouvant qui sort de l’oubli une femme extraordinaire, qui nous rappelle combien nous manquons de courage et d’idéalisme, qui nous rappelle le vrai sens du mot révolution.
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/la-capitana-elsa-osorio-a108158718
Cet ouvrage colossal regroupe des analyses sociologiques sur la manière dont les journalistes exercent leur métier. J'ai ajouté en manière d'illustration les 10 commandements du journaliste précaire.
> L’information est un produit comme les autres
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> L’information est une arme idéologique
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> L’information est un spectacle et un divertissement
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> Les pigistes sont les « mercenaires de l’info »
L’exploitation massive des pigistes, des journalistes précaires qui réalisent ponctuellement des piges, des articles ou des reportages, permet de réduire
le coût de la main d’œuvre. Qui sont ces pigistes ? Voici leur dix commandements.
1. Tu travailleras comme un stakhanoviste
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2. Tu arpenteras sans cesse
les couloirs de la rédaction
[...]
3. Tu seras docile et malléable
[...]
4. Tu t’auto-censureras pour
ne plus être censuré par la rédaction
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5. Tu sacrifieras la déontologie pour la vie
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6. Tu courras après les fiches de paie,
puis tu y renonceras
[...]
7. Tu ignoreras tes droits juridiques et moraux
[...]
8. Tu attendras en vain d’être intégré
à une rédaction
[...]
9. Tu vivras dans la solitude, la peur et la précarité
[...]
10. Tu aimeras toujours ton métier
même si tu continueras à le dénoncer
[...]
> La liberté des journalistes, c'est notre liberté d'information
Journalistes précaires, journalistes au quotidien est un document d’une grande richesse qui regroupe des témoignages de journalistes et des analyses sociologiques sur la précarité des journalistes. L’enjeu est de taille puisque la liberté d’expression des journalistes dépend des conditions dans lesquelles l’information journalistique a été rédigée ou montée (reportage écrit ou vidéo). Cet ouvrage colossal permet justement de comprendre les mécanismes de l’immense machine de l’information et de faire état du journalisme en France.
Et justement, laisser mourir la liberté des journalistes, c’est accepter, nous, lecteurs, d’être manipulés par la classe dominante qui sont actionnaires des “empires de presse”. Les conséquences d’une telle marchandisation de l’information et de la prolétarisation des journalistes sont extrêmement pernicieuses. Il est dangereux que ceux qui produisent les contenus, les journalistes, ne soient plus qu’une variable d’ajustement (une vulgaire masse salariale) de tout un processus (mais c’est aussi le cas dans d’autres secteurs de l’information, comme l’édition).
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L'article entier avec les 10 commandements sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/journalistes-precaires-journalistes-au-quotidien-collectif-a108070794
On est en 1966. Sophie arpente tantôt les rues malfamées et les hôtels miteux de Paris, tantôt les maisons closes et les bars chicos, à la recherche du micheton. Elle nous raconte sa descente aux enfers quotidienne, oscillant entre l’argot parisien et un lyrisme hors du commun, une voix qui crie et qui susurre, une voix qui nous emporte dans l’essence même de la condition féminine.
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Sophie la putain entre en scène ! Femme esclave, femme battue, femme violée, son récit ébranle. Écoutez cette voix autobiographique qui crie dans sa prison, ce cœur si tolérant qui a tant
d’amour à donner ! Elle raconte la prostitution de la femme, cette forme de prostitution qu’on ne veut pas voir et qui pourtant en dit long sur l’histoire des femmes.
Son récit est nécessaire, car si le Paris d’aujourd’hui n’appartient plus aux ouvriers, et si un vent de mondialisation a soufflé sur la prostitution, les conditions de la prostitution sont les mêmes ; on a troqué l’avortement sauvage pour la contraception et la syphilis pour le sida.
Mais Sophie ne se laisse pas apprivoiser par le lecteur si facilement. Il faut d’abord passer le cap de la première partie dont l’argot est ardu ; mais ensuite, elle se dévoile et laisse entrevoir la jeune fille issue d’une famille ouvrière et les traumatismes de son enfance. Dès lors, chaque mot cogne, son style lyrique et luxuriant éclate, mêlant vérité crue et métaphores sensibles, parvenant à faire jaillir le sublime dans l’horreur. Un texte exceptionnel, intemporel, poignant et nécessaire.
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http://www.bibliolingus.fr/la-derobade-jeanne-cordelier-a107974310
André Schiffrin retrace son parcours d’éditeur politique, de son exil aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à ses dernières années.
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Lorsqu’on parle de Schiffrin, on pense effectivement à l’éditeur qui a pris position pour l’édition indépendante et contre les grands groupes, au Français qui a vécu à New York, partagé entre deux cultures qu’il n’aura eu de cesse d’analyser et de comparer.
On pense moins à Schiffrin issu d’une famille d’intellectuels aisée qui a gravité autour de grands noms, comme Gaston Gallimard, André Gide, Roger
Martin du Gard, Hannah Arendt et d’autres ; à celui qui a intégré de brillantes universités par cooptation et qui a suivi les traces de son illustre père. Si ces souvenirs sont passionnants, plein de perles rares (lorsqu’il rencontre Gide et Gallimard à 13 ans), le parcours de Schiffrin valide néanmoins la théorie bourdieusienne qui érige le capital social en facteur de réussite, ce qui fait forcément écho à l’édition parisienne fermement délimitée par le conservatisme, la cooptation et le snobisme petit-bourgeois.
Schiffrin renvoie à la définition de l’éditeur contemporain : du talent pour sentir les débats publics et aller à la rencontre des auteurs divergents, et la capacité à emmener les siens, éditeurs et auteurs, vers une nouvelle aventure éditoriale. En homme discret, il a écrit des souvenirs politiques empreints de pudeur et de modestie. Il n’a pas évoqué sa vie personnelle mais seulement sa vision du monde, car c’est précisément ce qu’on attend de son témoignage — la vie privée reste privée.
Refermer Allers-retours, c’est remercier une nouvelle fois Schiffrin de m’avoir fait découvrir l’édition et d’avoir donné un sens à mon métier. Écrire cette chronique, c’est lui dire au revoir et regretter de ne pas avoir réussi à le rencontrer. À nous de prendre la relève, de porter haut notre idéal pour que le monde nous écoute.
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/allers-retours-andre-schiffrin-a107895186
Luz, née en 1976 en Argentine pendant la dictature militaire, raconte comment elle a découvert qui étaient ses vrais parents.
[...] Des années plus tard, Luz raconte la vérité sur sa naissance et sur ses vrais parents. Elle raconte l’impuissance et la douleur des familles dans une époque où rêver de démocratie était une condamnation à mort. Elle raconte l’aveuglement de ceux qui sont proches du pouvoir et qui refusent de voir que l’épuration est perpétrée par leurs maris, leurs pères, leurs frères. Elle raconte aussi l’acharnement des Grands-mères de la place de Mai
qui ont tenté de retrouver les enfants disparus, même si peu d’entre eux ont été révélés sous leur vraie identité.
On découvre très tôt qui sont les vrais parents de Luz, Elsa Osorio a choisi de raconter les événements de manière chronologique. La teneur du roman n’est pas : qui sont ses vrais parents, mais plutôt, comment va-t-elle remonter la piste de ses origines ? Il n’empêche que l’intensité est au rendez-vous, même si davantage d’éléments historiques concernant la dictature méritaient leur place. D’entrée de jeu, Luz nous plonge dans ses origines obscures, sans répit ni poésie, délivrant la parole de ses parents, de ses oncles et tantes, sur vingt ans d’histoire, usant parfois du “tu” qui dévore le lecteur dans ces horreurs.
Voilà donc un roman fort qui fait remonter à la surface les « temps sauvages » de l’Argentine largement impunis, et qu’il ne faut pas effacer des mémoires, d’autant que des horreurs pareilles arrivent encore dans le monde. Si vous vous intéressez à l’Argentine, un détour par ce livre s’impose !
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http://www.bibliolingus.fr/luz-ou-le-temps-sauvage-elsa-osorio-a107816780
Tino, onze ans, voit sa vie basculer lorsqu’il découvre à la télévision, en même temps que des millions d’Argentins, que son père est un homme d’affaires proche du pouvoir qui a trempé dans de sales affaires.
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La Fureur de la langouste met en scène l’effacement du grand magnat Razzani et l’éveil de Tino, qui découvre que son père n’est pas ce qu’il croyait être. Pour autant, le roman se contente de raconter les quelques mois qui suivent la fuite de Razzani, s’arrêtant tantôt sur Tino qui ne part pas sur les traces de son père ni ne formule de critique à son
égard, tantôt sur les autres membres de la famille qui reprennent le cours de leur vie, sans la présence écrasante de Razzani.
On retrouve ici encore l’immobilité et l’égarement propres à l’œuvre de Lucía Puenzo, mais sans la tension et le réalisme magique. Il n’y a rien de furieux dans l’histoire ni dans l’écriture, rien qui transcende la vision du monde de Tino et des siens.
Si on considère ce roman comme celui du passage de l’enfance à l’âge adulte, il est peu évocateur. Si on considère plutôt la condition sociale de cette famille millionnaire, il apparaît difficile de compatir à son sort. Le roman est d’ailleurs focalisé sur leur point de vue et occulte quasiment celui des détracteurs. Par ailleurs, l’ambivalence entre ce qui constitue un malheur familial et ce qui est justice sociale est assez peu appuyée, dans la mesure où les actes de corruption de Razzani sont totalement passés sous silence. Ce choix rend l’ensemble incomplet et psychologiquement plus simpliste que les autres textes de Lucia Puenzo.
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/la-fureur-de-la-langouste-lucia-puenzo-a107706878
« Il n’y a pas “un” Brésil mais “des” Brésils. »
[...] Brésil. Dans les pas du géant, qui fait partie de la collection L’âme des peuples chez les éditions Névicata, propose un panorama culturel, historique, politique et écologique du pays. L’auteur, qui n’est ni brésilien ni spécialiste du Brésil, mais amoureux sincère du pays, raconte un récit de voyage dont on se fiche un peu en soi, mais qui lui permet de nous décrire tous ces endroits et ces événements qui font l’identité du peuple brésilien. La seconde partie de l’ouvrage, presque plus intéressante que la première, réunit deux entretiens avec des spécialistes.
L’objectif de cet ouvrage est atteint : acquérir une connaissance de base pour approfondir par la suite, même si l’on peut regretter une prise de position économique assez traditionnelle (toujours la sacro-sainte croissance pour aider le pays) et un manque d’esprit critique par rapport aux problèmes de société (mais c’est difficile en 96 pages).
La collection s’impose aussi par l’objet lui-même, qui est plus petit qu’un livre de poche (et donc trop mignon), avec une couverture très belle et une mise en page originale. Dès lors que vous avez refermé ce livre, vous aurez hâte de connaître les autres titres de la collection et de découvrir d’autres cultures et d’autres peuples ! Une réussite éditoriale, un bel objet et une lecture instructive.
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/bresil-dans-les-pas-du-geant-patrice-montagu-williams-a108437564