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Je n'avais jamais lu Jérôme Ferrari dont la bibliographie compte déjà six romans et dont les derniers ont été couverts de prix divers et variés.
"Le sermon de la chute de Rome" ! Avec un titre pareil, je n'avais aucune envie de lire ce roman. L'idée de passer ma journée avec un livre vraisemblablement historique autour ou sur un discours de Saint Augustin ne me disait vraiment rien.
La lecture de la quatrième de couverture élimina cependant la possibilité de me retrouver dans l'antiquité et annonce très sérieusement : " Empire dérisoire, ..., un petit village corse se voit ébranlé
par les prémices de sa chute à travers quelques personnages qui, ...., ont, dans l'oubli de leur finitude, tout sacrifié à la tyrannique tentation du réel sous toutes ses formes,...". Là je me suis dit qu'il allait falloir que je m'accroche aux pages et que je prévoie vite fait un dictionnaire philosophique à portée de main, pour digérer ce que j'entrevoyais comme un pensum.
Et la réalité fut toute autre. Ce roman m'a tout simplement passionné et emporté ! (A croire que les éditions Actes Sud réservent ce bijou à quelques initiés soigneusement choisis grâce à leur résumé passablement alambiqué !)
Nous sommes donc en Corse où nous allons suivre la destinée de deux personnages : Marcel, dernier rejeton d'une famille épuisée par la pauvreté et la grande guerre et Matthieu, son petit fils, incorrigible rêveur qui pense donner un sens à sa vie en prenant la gérance d'un bar dans le patelin de son grand-père.
Et nous allons assister à deux désillusions, deux chutes comme l'indique le résumé de l'éditeur. Une lente, celle de Marcel, qui traversera le siècle toujours en marge de la grande histoire et toujours à côté de ses rêves et l'autre aussi rapide que tragique.
Ces deux parcours décrivent la fin de deux mondes : le monde disons de la France jusqu'à la perte de ses colonies que Marcel côtoiera hagard et sans illusion et au travers de la vie de son petit-fils, le monde d'aujourd'hui dont le bar et les personnes qui le fréquentent en sont la parfaite reproduction.
Tout cela pourrait être lourdement symbolique mais c'est sans compter sur l'écriture absolument époustouflante de Jérôme Ferrari qui, avec la précision d'un entomologiste, accompagne ses personnages au plus profond de leur être, nous faisant partager comme rarement toutes leurs tentations, leurs sentiments. Un mot sur le sermon que saint Augustin prononça lors de la chute de Rome. Malgré son caractère religieux (pas ma tasse de thé), il clôt le roman avec force, donnant au lecteur un éclairage lumineux et (forcément) brillant. Rendre Saint Augustin lisible et passionnant au pauvre esprit que je suis, est l'un des nombreux atouts de ce livre.
Premier coup de coeur de cette rentrée littéraire, "Le sermon sur la chute de Rome" est un roman brillant et lucide qui sait saisir une photo impitoyable du monde passé et actuel tout en gardant l'attrait d'un grand roman.
Après une première partie un peu longuette qui s'attarde sur les atermoiements des personnages dans leur vie sans grand intérêt, le livre monte en puissance dans la deuxième moitié et révèle là ce qu'il aurait pu être : le portrait cinglant d'une Amérique toujours avide d'argent et d'individualisme mais complètement dépassée par les enjeux de la mondialisation et par la froideur libérale de ses enfants.
Le soufflé retombe pourtant avec un dernier chapitre en forme de happy-end, peu convaincant et inutile.Pour conclure, "Freedom" est un roman ambitieux, pas désagréable à lire,
pas vraiment abouti mais qui est une bonne photographie de l'Amérique d'aujourd'hui.
Je ne pense pas que l'on soit plus éclairer sur le conflit israëlo-palestinien après la lecture de cet album. Mais une chose est sûre, on en apprend dix mille fois plus qu'un long reportage d'Envoyé Spécial grâce à cette myriade de détails du quotidien génialement observée par Guy Delisle. Son oeil faussement naïf mais affuté parvient à nous représenter Hebron, bande de Gaza, colonies et autres territoires occupés à hauteur humaine, sans jamais nous ennuyer, avec une bonhommie et une clairvoyance qui tient de la prouesse.
A lire sans tarder!
Quelquefois, on ouvre un livre et dès les premières lignes on sent qu'on ne va plus le lâcher et qu'un joli voyage s'annonce. Quelquefois, on se trompe aussi. Après un début prometteur, le récit s'enlise inexorablement pour nous laisser au bord du chemin. Et le contraire arrive aussi, on a du mal à entrer dans un univers qui à force de ténacité finit par nous emporter.
"La liste de mes envies" est un roman de la première catégorie, un de ceux qui ensoleille une pâle journée de février, un de ceux que l'on a envie de partager et de faire découvrir.
Sur un sujet largement traité dans la production romanesque, le portrait d'une mère récemment décédée dont la fille, en fouillant, enquêtant, questionnant, va relater, au plus près de la vérité, la vie, Delphine Le Vigan arrive à nous passionner.
Il faut dire que le texte, d'un écriture simple mais efficace, est rudement tordu. L'auteur nous parle donc de sa mère, mais aussi d'elle, de ses doutes, de ses peurs de blesser sa famille avec des révélations, des secrets enfouis qui, ici, se succèdent de chapitre en chapitre, attrapant le lecteur pour ne plus le lâcher. L'histoire
de Lucile, la mère, est tellement stupéfiante, que l'on pense que c'est du roman (mot mentionné sous le titre), mais constamment Delphine Le Vigan, nous ramène à la réalité de sa vie et de l'écriture de son livre, nous convainc de la véracité des faits et le trouble naît. Vrai ou inventé ? Et jusqu'au bout, elle nous emmène au bout de son histoire, multipliant les révélations et entrebâillant des portes, laissant entrevoir d'autres secrets non révélés. Et prouesse ultime, la fin du livre, vraiment émouvante, est arrivée à me surprendre encore.
Je l'avoue, ce livre m'est tombé des mains ! Dès le début, avec un premier paragraphe peu accrocheur, j'ai commencé à douter, doute qui hélas ne m'a pas quitté jusqu'à la page 125 où là, j'ai abandonné, KO couché. Pourtant ce fait divers autour de l'intoxication des habitant de Pont Saint Esprit en 1951 semblait prometteur, l'héroïne américaine de la deuxième partie, pauvre junkie manipulée par la CIA, aussi.
Mais, je l'avoue, ce style un peu amphigourique, vraisemblablement proche de la pensée sous acide, LSD ou autre drogue m'a passablement énervé et même ennuyé. Je pense
que je ne me suis pas assez piqué à l'héroïne (jamais en fait ) pour pouvoir apprécier ces envolée lyrico-brumeuses.
Un roman pas du tout pour moi.
Ne fuyez pas "Peste et choléra" !
Alexandre Yersin, vous connaissez ? Non ? moi non plus avant la lecture du nouveau livre de Patrick Deville.
Présenté comme un roman, "Peste et choléra" est plutôt la biographie de ce scientifique formé par l'illustre Pasteur et qui découvrira, entre autre, le bacille de la peste. Homme d'une curiosité sans limite, refusant de s'enfermer dans les laboratoires parisiens de l'Institut Pasteur, il leur préférera les voyages et les explorations de terres inconnues. il finira par se poser en Indochine, créant un domaine immense où il développera la culture de l'hévéa et du quinquina, tout en s'intéressant à l'astronomie, la physique, la mécanique, la botanique, ... Curieux de nature, forcément laïque, c'est un pur esprit de la 3ème république qui croit en la science, au progrès et au modernisme. Bizarrement, hormis ses travaux, sa vie n'est pas vraiment des plus romanesque. Solitaire, presque ermite, le commerce avec les hommes n'est pas son fort et encore moins celui avec les femmes, grandes absentes de cette vie vouée à la recherche. Tout ce qui donne un peu de piment à une biographie est ici absent de la vie d'Alexandre Yersin. Et pourtant le livre est passionnant, car, à l'écriture, il y a un vrai écrivain.
Patrick Deville dresse avec précision un tableau de toute cette époque bouillonnante où la science et le progrès allaient conduire l'humanité vers des lendemains qui chantent puis qui déchantent avec les deux grandes guerres mondiales. Mais ce qui a retenu mon attention, c'est le joli montage alternant narration chronologique avec l'évocation précise des trois dernières années de vie du savant, tout cela ponctué par les impressions du biographe nommé ici "le fantôme du futur". C'est stimulant, jamais pesant et finement relevé par quelques phrases sans verbe, posées ici pour colorer de sensations subtiles le récit ainsi que quelques expressions d'aujourd'hui, petites pointes de modernité bien senties.
Ce superbe portrait d'un homme brillant, éclairé par sa soif de découvertes et qui a tant donné à l'humanité sans en tirer ni gloire ni fortune (personnelle) est un pied de nez à tous les soi-disants bienfaiteurs de notre époque, plus soucieux de leur image et de leur bien être que de l'avenir du genre humain.
Un conseil : ne fuyez pas "Peste et choléra", lisez-le !