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L’histoire est souvent injuste. C’est une oublieuse qui efface certaines de ses meilleures pages avec une nonchalance qui peut choquer. Prenons Charles de Rémusat, une personnalité qui traversa avec élégance le XIXeme siècle, d’abord journaliste puis député et ministre, il passa de l’Orléanisme à la République. Libéral de conviction, Charles de Rémusat est un esprit vif à la plume précise qui révèle une intelligence psychologique capable de dresser des portraits d’anthologie de ses contemporains et en particulier des politiques qu’il croisera tout au long de son
existence.
L’historien Jean Lebrun nous propose dans cet ouvrage les meilleurs extraits des Mémoires de Rémusat après nous avoir présenté ce personnage aux multiples facettes dans une solide préface. En vrai connaisseur de ce penseur atypique il nous livre des pages qui se portent à la hauteur des meilleurs mémorialistes. A ce titre l’historien François Furet considérait Rémusat comme l’égal de Saint Simon. Imaginons un homme qui conversa avec La Fayette, Talleyrant, Guizot, Tocqueville, Thiers et fut capable de saisir l’empreinte de leurs pas dans l’histoire. “ Ma vie a été accidentellement intéressante” écrit-il avec toute la distance qui sied aux hommes d’esprit. Lebrun a su conserver les extraits qui rendent le climat de l’époque ou plutôt les climats successifs de la Restauration jusqu’au retour de la République en 1848. Mais le travail de l’historien ne s’arrête pas là car il prend soin de prendre son lecteur par la main en lui présentant les événements relatifs aux écrits de Rémusat qu’il a selectionnés.
Pour ceux qui ne connaissent pas Charles de Rémusat ce sera une extraordinaire découverte et pour les autres de délicieuses retrouvailles. Pour cet homme qui rêvait la politique comme une science la réalité fut souvent cruelle mais sa plume eut le mérite de le préserver de l’oubli. “L’expérience et l’âge ont pu m’ôter l’espérance mais non la loi. Les disgrâces qui ont atteint mes opinions ne me les ont pas rendues moins chères.”
“Mémoires de ma vie” nous offre l’occasion de célébrer un esprit que l’histoire a trop négligé. Ne boudons pas notre plaisir.
Hugues DE SINGLY
Jacques Arnould a été dominicain dans une autre vie et il reste, à ce titre, un théologien de premier plan. Il est aujourd’hui chargé de mission au Centre national d’études spatiales (CNES), où il accompagne les scientifiques comme expert en matière d’éthiques. Après nous avoir proposé “Dieu versus Darwin” , “Les créationnistes vont-ils triompher de la science” ?” et “Sous le voile du cosmos. Quand les scientifiques parlent de Dieu” qui sont autant de réflexions passionnantes sur le rapport que la science entretient avec le religieux il prolonge sa méditation
avec “Turbulences dans l’univers. Dieu, les extraterrestres ”
Arnould part de l’hypothèse de Jill Tarter considérée comme la papesse de la recherche d’une intelligence extraterrestre (SETI, acronyme de Search for Extra Terrestrial Intelligence). Cette dernière est persuadée que l’existence assurée d’une intelligence extraterrestre sonnerait la fin des religions monothéistes qui n’ont fait qu’entretenir sur terre des régimes de guerres et de destructions. Toujours selon l’astronome américaine les monothéismes seraient nécessairement concurrencés par les systèmes religieux et philosophiques extraterrestres dont elle pense qu’ils seraient plus sages que les nôtres. Il ne s’agit ni d’un roman de Philipp K.Dick, ni d’une nouvelle de J.G Ballard et Jacques Arnould nous propose d’examiner avec sérieux la confrontation du religieux avec la possibilité d’une vie extraterrestre avérée. Arnould parvient avec beaucoup de finesse à examiner l’intrication des données scientifiques et des croyances théologiques. La qualité de l’appareil de notes et de la bibliographie en fin d’ouvrage souligne le sérieux de l’approche du scientifique français.
“Turbulence dans l’Univers” a le mérite de nous introduire au coeur d’une théologie élargie aux dimensions immenses de la cosmologie actuelle. Il rappelle l’état des connaissances en matière d’astrophysique et de cosmologie, toujours inscrites dans le paradigme de la théorie du Big Bang. Arnould fait le bilan du rapport de l’humanité avec une supposée présence extraterrestre dans l’histoire mais le plus intéressant tient sans doute dans une exploration théologique d’une grande intelligence. Pour lui la théologie doit participer au mouvement d’interrogation et de recherche, non pour revendiquer une quelconque prééminence mais plutôt pour se placer dans la droite ligne de la formule de Paul VI reprenant le penseur : “ Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger”. Une manière de réintroduire la tradition chrétienne dans le champ de l’astrobiologie. Que le lecteur soit croyant ou non la démarche de Jacques Arnould est exigeante et nous ouvre à la complexité du dialogue entre religion et science sur une base parfaitement documentée. Une autre manière de s’interroger sur le destin de l’humanité.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Les statistiques sont formelles 78 % des moins de 25 ans se considèrent comme addicts à leur portable. En d’autres termes cela signifie que (presque) tous les jeunes gens ont toujours leur portable à moins d’un bras de leurs yeux ou de l’oreille droite. Pour ceux qui ne sont pas des natifs du portable c’est impressionnant. Autant dire que pour un ado ne pas avoir de portable est aussi impossible que ne pas s’être roulé de joints en 69 à Woodstock. Les parents se sentent souvent désemparés devant cette “génération de têtes baissées” et nourrissent toutes sortes de fantasmes
à propos de l’usage que les ados feraient de leur portable. L’enquête de Céline Cabourg et Boris Manenti permet de mieux comprendre le rapport que les jeunes entretiennent avec leur cellulaire.
Les deux journalistes examinent en profondeur ce phénomène de société à partir du récit de nombreux ados qu’ils éclairent par l’analyse de spécialistes de cette période de la vie. Les jeunes interrogés se livrent sans censure et l’on découvre qu’un smartphone n’est peut être pas l’objet diabolique qu’on imaginait jusqu’alors. Evidemment Cabourg et Manenti ne nient pas les difficultés qui sont induites par une utilisation excessive des portables : manque de sommeil, tensions familiales, photos compromettantes sur les réseaux sociaux, hyperconsommation de porno. Pourtant le smartphone, si les parents faisaient preuve d’un peu de pédagogie auprès de leurs enfants, ne se réduit pas à un objet nuisible, bien au contraire. Ainsi une enquête de l’OCDE révèlent-elles que les élèves qui jouent seuls de manière modérée à des jeux vidéo auraient de meilleurs résultats que leurs camarades dans certaines matières. Mais mieux encore le portable associé à une connexion wifi relie les adolescents aux monde. Dès lors pourquoi faire le mur? Un accompagnement parental discret et bienveillant - plutôt qu’un flicage poussant le jeune vers des conduites à risques - peut même permettre de développer l’autonomie au sein d’une société où les modes de communication évaluent constamment. Les journalistes reviennent sur les codes qu’utilisent les jeunes à travers l’utilisation de leur cellulaire : la multiplication des likes, l’étendue du réseau de connaissances sur certaines applications comme Twitter ou Snapchat. Autant de manières de partager sa vie pour trouver sa propre définition. Cette même recherche adolescente de la distinction mais avec la multiplication des canaux de communication en plus.
“Portables : la face cachée des ados” possède toutes les qualités d’une excellente enquête journalistique permettant de faire le point sur une réalité trop souvent fantasmée. Une lecture indispensable et éclairante pour les parents.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
“Les Escales” est une maison d’édition qui s’est fait une spécialité de proposer d’excellentes traductions de romans anglo-saxons. A ce titre “La maison des hautes falaises” de Karen Viggers constitue l’archétype des oeuvres publiées par cet éditeur. Quatre cents pages serrées d’un récit qui scrute les profondeurs et les complexités du coeur humain. L’autrice australienne n’a pas son pareil pour immerger les protagonistes dans une nature sauvage et sublime qui constitue une toile de fond envoûtante. C’était déjà le cas avec son précédent roman “La
mémoire des embruns” qui fut une révélation. Karen Viggers n’est jamais très loin de l’écriture d’une Barbara Kingslover avec une petite touche australienne qui déporte légèrement l’aiguille de sa boussole stylistique.
Lex Handerson est écrivain et journaliste radio mais le malheur l’a frappé durement et son couple ne s’en est pas remis. Il décide de faire un break et se réfugie à Merrigan dans un petit village isolé sur la côte australienne, un endroit oublié du tourisme malgré sa position privilégiée. On s’y arrête pour faire le plein, acheter le journal ou prendre un café sur le chemin des plages plus au sud. Lex va découvrir progressivement les habitants, leurs habitudes et leurs secrets. Ses journées sont rythmées par le ressac de l’océan. Il est fasciné par la grâce des baleines qu’il aperçoit parfois passer au loin. Il découvre d’ailleurs que le village a un rapport particulier avec les cétacés qui ont fait partie de son histoire pour le meilleur et pour le pire.
La trajectoire de Lex va croiser celle de Calista, une jeune femme qui peint et roule dans un vieux combi Volkswagen orange. Elle aussi sort d’une période difficile et Lex va découvrir progressivement l’univers de cette artiste qui vit en dehors du village. Ils ne vont pas tarder à se rapprocher mais cette relation va rapidement les confronter à leur passé.
Karen Viggers nous propose avec “La maison des hautes falaises” un roman émouvant où deux êtres tentent de se reconstruire au coeur d’une nature sauvage et magnifique. Parfois la guérison doit passer par la beauté du monde et le pari de l’amour… Un roman plein d’humanité qui confirme le talent d’une écrivaine dont l’oeuvre se construit avec beaucoup de finesse.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Quand Freud publie en 1930 l’une de ses oeuvres majeures intitulée “Malaise dans la civilisation” il interroge ce qui constitue les fondements de la société et les dangers qui sont susceptibles de la mettre en péril. Trois ans plus tard Adolphe Hitler va prendre le pouvoir en Allemagne et beaucoup de lecteurs du livre de Freud avaient vu dans l’épigraphe qui concluait l’ouvrage une préfiguration des événements qui allait se produire quelques années après. L’inventeur de la psychanalyse écrivait :”Les hommes sont arrivés maintenant à un tel degré de maîtrise
des forces de la nature qu’avec l’aide de celles-ci, il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, d’où une bonne part de leur inquiétude actuelle, de leur malheur, de leur angoisse . Il faut dès lors espérer que l’autre des deux puissances célestes, l’éros éternel fera un effort pour l’emporter dans le combat contre son non moins éternel adversaire. Mais qui peut prédire le succès et l’issue ?”
Près de quatre vingts ans plus tard un psychologue clinicien, Samuel Dock, et une psychanalyste, Marie-France Castarède questionnent leur époque à travers un dialogue passionné qui leur permet un examen sans concession du nouveau malaise dans la civilisation, celui des attentats, des avions précipités contre des buildings, des catastrophes écologiques, des technologies invasives, de la vacuité artistique et des spiritualités dévoyées. Ce dialogue vif et pénétrant examine les problématiques de notre temps avec une acuité éclairante. Ainsi le terrorisme est-il présenté comme la métaphorisation incarnée d’une crise du lien sans précédent. L’altérité n’est plus seulement déniée mais anéantie, brisée. Dans cette configuration, l’autre, en tant qu’ être différent, ne peut plus être abordé comme un interlocuteur potentiel. Il doit justement être détruit parce qu’il manifeste cette étrange différence. “ Nous sommes, dans ce radicalisme, très loin de ce que nous appelons l’ambivalence, c’est à dire la coexistence de sentiments positifs et négatifs en une même personne. Accéder à l’ambivalence est le signe d’une maturité psychologique.”
Cet échange approfondi et nourri d’un travail inlassable sur les origines de ce malaise nous fournit des pistes de réflexion à des années lumière des jugements à l’emporte pièce que nous fournissent certains médias. “Le nouveau malaise dans la civilisation” nous offre plus de trois cents pages d’une réflexion serrée et exigeante sur les troubles qui affectent l’humanité de ce début de millénaire. Une lecture nécessaire.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Voilà un destin qui se forgea et se dénoua en quelques années. Il fut celui d’une femme dont la beauté émerveilla tous ceux qui la rencontrèrent. Ses cheveux d’or, son teint de porcelaine, ses yeux d’un bleu unique, tout en elle suscitait le désir et en particulier celui du roi Henri IV qui la rencontre alors qu’elle n’a que 17 ans.
La romancière et historienne Isaure de Saint Pierre parvient dans “Gabrielle d’Estrée ou les belles amours” à reconstituer sur le mode du récit les grands et les petits moments d’une existence hors du commun. Le fil conducteur qu’a
choisi l’écrivain est évidemment son histoire d’amour avec le roi de France Henri IV. Il tombe amoureux d’elle dès qu’il la voit, elle est très jeune mais elle lui résiste. Il va devoir s’employer pour la séduire. Future duchesse de Beaufort, elle en aime un autre et Henri de Navarre est son aîné de vingt ans. Il a de mauvaises habitudes, grignote de l’ail et attache assez peu d’importance à son apparence.
La conquête de Gabrielle va exiger qu’il change profondément et Isaure De Saint Pierre sait relater avec beaucoup de talent les stratagèmes du roi. “Lorsqu’elle descendit de son carrosse devant la tente royale, elle était éblouissante dans une lourde robe de la teinte de ses yeux, toute lamée d’argent . Il se précipita à ses genoux, baisant avec transport une jolie main parfumée qu’on lui abandonna. Elle fut surprise en l’apercevant. Ses cheveux étaient propres et soyeux, sa barbe finement taillée. Un pourpoint cramoisi moulait avantageusement son corps de cavalier et sa fraise était bien gaufrée.” Le rude gaillard se métamorphose pour emporter le coeur de la belle Gabrielle. La passion va bientôt être partagée et l’idylle entre le roi et celle qui devient alors sa maîtresse, entre dans l’Histoire.
Isaure de Saint Pierre connait parfaitement cette période historique ainsi que tous les petits détails qui la caractérisent et dont elle constelle son roman. “Gabrielle d’Estrées ou les belles amours” réussit une plongée très réaliste au coeur d’un XVIeme siècle qu’elle sait nous rendre proche à travers un récit d’une grande habileté narrative. Une délicieuse friandise littéraire.
Appoline SEGRAN (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Au moment ou “Mein Kampf” entre dans le domaine public, Claude Quetel qui a dirigé le Mémorial de Caen passe au crible cette oeuvre aussi noire que sulfureuse en la soumettant à dix questions cardinales sur la genèse et l’influence dans ce livre qui annoncera la plus terrible tempête que l’Europe et le monde auront traversée. Le questionnement de Quetel est impitoyable et permet de fixer quelques vérités autour d’un texte écrit par un agitateur politique alors qu’il est incarcéré en 1923 à la prison de Lansberg am Lech près de Munich. Hitler est un homme seul qui
n’a ni famille, ni femme, ni ami véritable et son parti le NSDA vient d’être interdit. Il pense à se suicider – ce qui aurait économisé quelques dizaines de millions de morts à l’humanité – mais il choisira finalement de rédiger un livre programmatique qu’il intitulera “Mon combat” . Quand il quitte la prison le 20 décembre 1924 il écrit “ Cette période m’a permis d’approfondir un certain nombre qui ne se trouvaient alors en moi qu’à l’état instinctif. De plus, c’est au cours de cette incarcération que j’ai acquis la fois intrépide, l’optimisme, la confiance en notre destin que rien ne put ébranler par la suite.” On a envie d’ajouter “malheureusement…”.
Les questions de Quetel sont autant de coups de sonde qui permettent d’interroger la vérité de ce texte empoisonné : Que dit “Mein Kampf” ? “Mein Kampf” annonce-t-il les crimes à venir du III eme Reich ? Quelle a été la diffusion du pamphlet en Allemagne et la France ? Où l’on découvre qu’il fut largement diffusé en Italie sous l’égide de Mussolini, que Churchill prit très tôt au sérieux le contenu de l’ouvrage qui sera publié en Espagne, en Hongrie, Tchécoslovaquie, en Bulgarie, au Danemark, en Suède dans le cours des années 1930.
La conclusion de cette enquête minutieuse s’intitule “Faut-il brûler “Mein Kampf” ?” et avouons sans déflorer la totalité du propos que la réponse n’est pas aussi simple que la question. En effet comment pourrions nous faire rentrer le mauvais génie dans la bouteille ? A ce titre l’ouvrage de Claude Quetel est un excellent antidote contre une pensée qui continue à fasciner.
Carmelien FURET D'ASTON (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Didier Le Fur est un spécialiste reconnu du XVe et XVIe siècle, il a déjà publié des biographies de grandes qualités sur Louis XII, Charles VIII, Henri II et un François Ier qui a été unanimement célébré par ses confrères. Reste que Le Fur déteste par dessus tout les constructions autobiographiques spécieuses où s’accumulent les erreurs et les approximations historiques. Il n’a pas son pareil pour déconstruire une autobiographie un peu trop belle pour être vraie avançant méthodiquement et éliminant tous les faits non avérés afin d’approcher au plus près
la vérité d’une vie.
Sa biographie de “Diane de Poitiers” n’échappe pas à la règle. Appartenant au club très fermé des femmes influentes de son époque telles que Anne de Beaujeu, Catherine de Médicis, Anne de Bretagne, Louise de Savoie, Marguerite d’Angoulème, Anne de Pisseleu, Diane de Poitiers symbolise le triomphe du pouvoir au féminin. On la présente comme la reine des favorites royales parce qu’elle aurait transformé un jeune homme peut prometteur en un souverain magnifique qui ne sera autre qu’Henri II. “Aussi aux armes de la séduction, elle aurait ajouté celle d’une étonnante intelligence, qu’elle aurait nourri du savoir des autreurs anciens, et de celui des intellectuels de son temps …” Mais le Fur ne laisse pas la légende s’installer – du moins dans sa biographie - l’histoire est trop séduisante pour être vraie. Diane de Poitiers n’a pas, comme certains l’ont affirmé, géré les intérêts de sa famille comme les affaires du pays, avec sérieux et expérience, et les hommes qui l’entouraient n’étaient pas que ses exécutants.
L’historien nous offre de redécouvrir la vie d’une femme qui fut l’une des figures de son siècle. Car loin d’une légende écrite par d’autres beaucoup plus tard Diane de Poitiers reste une personnalité passionnante dont la vie fut une aventure hors du commun. Le Fur à l’honnêteté de reconnaître les zones d’ombre de cette trajectoire si particulière, celles à propos desquelles on ne peut émettre que des hypothèse. Enfin la réflexion de l’historien interroge l’imaginaire de notre pays qui fit une place si particulière à cette femme hors norme dans notre roman nationale. Un ouvrage exigeant et éclairant.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Avec “Dans la forêt” Jean Hegland nous propose un scénario d’anticipation qui plonge ses racines de manière inattendue dans le “nature writing” ce genre littéraire qui inscrit le récit au coeur de la nature et dont le précurseur fut David Henri Thoreau. Jean Hegland vit d’ailleurs dans une forêt de Caroline du Nord où elle se partage entre l’apiculture et l’écriture.
On comprend dès les premières pages du roman que le monde a basculé. L’énergie manque, les villes sont privées d’électricité et les véhicules d’essence. En quelques années on assiste
à l’effondrement brutal de la civilisation. Nell et Eva, deux jeunes femmes de dix sept et dix huit ans, vivent dans la forêt avec leurs parents mais ces derniers disparaissent les laissant seules. Face à la rumeur d’un monde envahi par l’incertitude, ces deux là sont bien décidées à survivre. Il leur reste leur passion de la danse et de la lecture mais aussi leur connaissance d’une nature qu’elles connaissent depuis leur plus tendre enfance. Aucune des deux n'est jamais allée à l'école car la ville la plus proche est située à cinquante kilomètres. Pourtant l’une allait entrer à Harvard et l'autre à la San Francisco Ballet School mais la situation dans laquelle se trouvent désormais les Etats-Unis a réduit à néant cet avenir à portée de main.
Désormais Nell et Eva vont devoir faire preuve d’inventivité pour survivre. Jean Henglant nous entraîne dans un huis-clos où chaque jour est un jour de gagné sur l’apocalypse. Au delà de la forêt le chaos règne et les épidémies se répandent. Pourtant, protégées par les grands arbres qui les ont vu naître, les deux sœurs vont réussir – à travers une vie autarcique pleine de simplicité - à conserver l’espoir en se refusant à ne plus rêver.
On peut se demander pourquoi cet extraordinaire roman doté d’une énergie animale a pu attendre vingt ans pour être enfin publié en France. Les éditions Gallmeinster viennent de réparer cette fâcheuse erreur, il faut s’en réjouir car « Dans la forêt » est un roman inoubliable par la densité même de l’écriture de Jean Hegland qui nous offre une œuvre sensuelle d’une puissance qui ne laisse pas indemne le lecteur.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
En Amérique du Nord un grand écrivain commence sa carrière en publiant des nouvelles. C’est l’étape nécessaire, le moment où le style se forge dans le travail de l’écriture, nouvelle après nouvelle. Depuis des années la collection “Terre d’Amérique” dirigée par Francis Geffard, chez Albin Michel, nous a offert de découvrir de remarquables nouvellistes américains qui ne tardèrent pas à confirmer leur talent en passant au roman. On pense à Richard Lange, Brady Udall, Jon Ramon, Benjamin Percy, Holly Goddard Jones ou encore Dan Chaon.
Cette fois “Terre d’Amérique” accueille le premier recueil de John Vigna qui vient approfondir la ligne éditoriale de la collection. Les hommes et les femmes qui peuplent les nouvelles de l’écrivain canadien n’appartiennent pas à l’Amérique dont on parle, ce sont des gens ordinaires à qui le destin n’a pas accordé les meilleures cartes. Ils vivent au coeur des forêts canadiennes, conduisant des camions, lorgnant les stripteaseuses après le travail, dormant dans des mobile home en suivant les zones de coupe forestières ou encore élevant des chiens de combat. Vigna parvient à créer autour de ses personnages une atmosphère particulière à partir de notations minimalistes qui font insensiblement avancer l’action. La quintessence de cette écriture basée sur l’épure se manifeste particulièrement dans la nouvelle intitulée “Zone de coupe” où en quelques pages magistrales l’écrivain parvient à raconter une destinée.
Si les héros de Vigna cherche un peu de bonheur il faut bien reconnaître que ce dernier ne tient qu’à un fil. L’écrivain peint la condition humaine avec un réalisme qui sait saisir, dans des instantanés plein de beauté et de mystère, la fragilité des liens qui unissent les êtres traversant ces nouvelles.
“Loin de la violence des hommes” révèle un écrivain canadien de grand talent qui parvient à peindre l’âpreté de la vie avec une empathie et un humanisme qui le place dans le sillage d’un Christian Kieffer où d’une Holly Goddard Jones.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)