Le roi n'a pas sommeil raconte le destin tragique d'un enfant maudit : Thomas Hogan. Un conte dont le charme poétique opère irrémédiablement sur le lecteur. A la mort de son père qui lui lègue sa fortune, William Hogan, le père de Thomas, rachète une propriété d'une beauté sauvage et subjuguante : deux hectares de forêts envahis par les framboisiers sauvages et où paissent des cerfs et des biches.
Une fois sa fortune dilapidée, il se tue au travail, de jour, à la Scierie du village et, de nuit, à la gendarmerie où il classe les dossiers des affaires les plus sordides. Est-ce cette proximité avec le crime ? Il est sombre, triste et violent. Mais il travaille dur et c'est un bon parti. Un soir de bal au village, il séduit une beauté, Mary, et l'épouse. Thomas naît de cette union. C'est un bel enfant, à l'opposé de son père, fragile et vulnérable.
Mais sa vie bascule le jour où William s'entaille profondément la main droite à la Scierie. Cette blessure gangrène et emporte le père sans que le médecin de famille, O'Brien, ne puisse rien y faire. Comme un signe de mauvais augure, l'accident plane désormais sur le destin de Thomas. Celui-ci grandit et connaît l'amitié avec Paul, son double à qui tout l'oppose, puis l'amour avec Donna, l'admirable assistante du Docteur O'Brien.
Bientôt, son destin sombre le rattrape : il deviendra pour tous le " fils maudit " de Mary, une légende. Dans un style sobre mais imaginé, Cécile Coulon nous entraîne dans un univers d'émotion qui allie une atmosphère paisible, et une mélancolie indicible. Son talent tient à sa capacité à rendre magique le quotidien et le banal.
Ce roman a été couronné Prix Mauvais Genres - France Culture Le Nouvel Observateur 2012. "Ce que personne n'a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, autour d'une bière fraîche, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, ce poids, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts de blues ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les écoliers, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n'a pu savoir, c'est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise".
Tout est inscrit dans cette première phrase : le silence qui étouffe et tue, le poids des regards, l'irrémédiable d'un destin, celui d'un enfant sage, excellent élève, devenu un adolescent taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant fait l'impossible pour exorciser ses démons intérieurs - les mêmes qui torturaient déjà son père. Cela avait commencé avec la folle passion que William, le père, portait à LA propriété, un éden sauvage de quelques trois hectares où les sapins "semblaient danser les uns avec les autres" , où l'homme ne venait plus, où "les arbres, les massifs de fougères, quelques framboisiers sauvages et des centaines de fleurs des bois" étaient le domaine de la lumière, des biches et des cerfs.
Il l'avait achetée, y travaillait âprement mais ses économies n'y suffisaient pas. Certes, sa femme, Mary, l'aidait, le réconfortait : "Elle sentait bon, ses doigts glissaient sur lui à la manière des rondins de bois qui dévalent une cascade sans jamais se retourner". Il accepta tous les boulots, s'épuisa, le jour à la scierie, la nuit à la gendarmerie, à trier jusqu'au cauchemar les fiches d'identification de meurtriers, notamment celles des assassins d'enfants...
Est-ce cette proximité avec le crime ? Il est sombre, violent, parle peu. Et Thomas est né. Généreux, rieur, bon élève, il apparaissait fragile et vulnérable, l'opposé de son père. Ainsi, en dépit de l'alcool, de la fatigue lancinante, de la violence, la vie semblait possible et belle... Jusqu'à l'accident : à la scierie, la machine a dérapé, broyé une main ; et la gangrène, avide, a emporté William Hogan sans qu'O'Brien, l'ami médecin, ait pu faire quoi que ce soit.
A quel moment Thomas, le fils, a-t-il basculé ? Lorsque Paul, l'ami d'enfance, son alter ego, l'a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu'il a découvert le Blue Budd, le poker et l'alcool de poire ? Lorsque Donna, l'assistante du Doc' l'a entraîné derrière la scierie maudite ?
Le roi n'a pas sommeil de Cécile Coulon
ans un village de l'Amérique profonde, les Hogan sont une famille respectée. William, en revendant la collection d'armes de son père s'est offert une vaste propriété qu'il passe son temps à entretenir. N'ayant plus un sou devant lui après l'achat de la propriété, il travaille la semaine dans une scierie et le week-end comme agent administratif au poste de police. Hogan a pourtant un côté sombre, il est violent avec sa femme et il boit.
Les Hogan ont un fils Thomas, un garçon calme travaillant bien à l'école. Il refuse de céder à la tentation d'une vie facile à la limite de la délinquance proposée par son seul ami Paul. A la mort de son père tout en continuant l'école, il aide sa mère à entretenir la propriété. Thomas grandit et un entrepreneur lui propose de racheter une parcelle de la propriété tout en lui laissant la possibilité de l'exploiter. L'affaire est rentable. Donna, l'aide du docteur O'brien, ami de la famille semble très attirée par Thomas. Thomas semble tout avoir pour être heureux mais les vieux démons qui ont hanté son père le font vaciller.
Le roi n'a pas sommeil est un roman âpre qui traite de la transmission des "démons" et de l'impossibilité de lutter contre cet atavisme. La psychologie des caractère est décrite avec précision. Le style incisif et sans fioritures donne au récit un rythme soutenu. Un roman noir passionnant dans lequel on suit le personnage évoluer vers sa chute inéluctable. Ce roman fait partie de la sélection pour le prix du meilleur roman des lecteurs des éditions Points.