http://alombredunoyer.com/2016/01/29/grossir-le-ciel-franck-bouysse/
Grossir le ciel est un roman rural, dur, intense, violent et particulièrement noir. Il y a beau avoir marqué policier sur la jaquette du livre, ne vous attendez pas à une enquête classique habituelle. Passez votre chemin si vous n’aimez que ce genre de thriller. Par contre, préparez-vous à une drôle de surprise si vous décidez de vous lancer dans cet opus.
« La mère ne bougeait pas, du foutre ruisselait sur ses cuisses blanches. On aurait dit le Christ accroché à sa croix, dans une communion que personne
n’était en droit de contrarier. Gus s’était reculé lentement dans la cour et était parti se cacher dans la maison, avec la certitude absolue d’être un fruit pourri conçu dans la violence et la haine, toujours accroché dans l’arbre. IL n’y avait qu’à regarder Gus et observer les regards fuyants des gens pour y déceler le dégoût qu’il inspirait »
Aussi sombre que mélancolique, la routine de Gus va être chamboulée par des événements successifs. Tout commence avec le décès de l’Abbé Pierre. Il y aura son face à face avec Abel, sa relation quasi charnelle avec son chien Mars, le banquier, … Je vous laisse découvrir l’intrigue.
« Une fois dehors, Gus siffla Mars par habitude, mais l’animal ne vint pas se coller aux basques de son maître, et la confrontation brutale avec la réalité accentua un peu plus son désarroi. Il lui semblait qu’il faisait moins froid qu’à l’intérieur de la maison. Il avait la sensation que sa tête butait contre les nuages, tellement ils étaient bas, et qu’ils essayaient d’expulser des petits flocons tout biscornus, des gros et des moins gros allant se poser délicatement au sol sur la couche de neige déjà formée, sans que rien de vivant ne soit responsable de ce mouvement-là. »
Relativement lent (l’auteur prend bien son temps pour poser le décor de son histoire), il s’accélère petit à petit pour finir en véritable apothéose. Je suis resté scotché en tournant la dernière page. C’est la définition même du livre marquant ! 3 jours après l’avoir refermé, il est toujours en moi tellement il m’a perturbé ! Il est pourtant court : 14 chapitres et un épilogue pour un peu plus de 250 pages.
L’écriture y est pour beaucoup. L’auteur excelle dans les descriptions des événements ou dans les dialogues « campagnards », donc « brut de fonderie » entre les deux personnages principaux. Il y a des joutes verbales vraiment délicieuses. C’est très suggestif et expressif. Le choix des mots, cette poésie noire mélangée à la sècheresse voire la simplicité verbale (l’emploi de l’argot et du langage oral donnent vraiment un caractère typique et pittoresque aux personnages) des dialogues sont parfaitement adaptés à la situation.
« Abel but son verre d’un trait et se leva. Il se tenait face à Gus, tout raide, comme une espèce de bestiole qui ne voudrait pas être repérée dans un décor hostile, puis il planta ses yeux dans ceux de Gus après un silence qui ne rendait service à personne et il dit :
[…] – Le diable, il habite pas les enfers, c’est au paradis, qu’il habite.
Abel sortit là-dessus, en laissant sa réflexion se balader dans la pièce, tel un chien qui aurait perdu son maître. Le genre de truc qu’on balance en sachant que ça fera son chemin à coups de hache. »
D’aucun parle d’un style Bouysse, je ne peux que les rejoindre. C’est fluide, sans longueur, très agréable à découvrir. Le lecteur est comme un personnage de ce huis-clos : il ressent le froid, sent les odeurs, entend les oiseaux, … il est secoué au plus profond de lui-même.
Court mais puissant, magnifiquement écrit, ce roman noir est magistral. Je ne peux que vous le recommander. Je continuerai à lire cet auteur
4,5/5
Terroir noir, un thriller dans une ferme isolée
Dans une vallée isolée, la vie se retire progressivement. Autrefois active, la campagne n'est plus habitée que par une poignée d'agriculteurs. Revêches, pauvres, célibataires, taiseux, durs à la tâche du genre jamais malade, ils vivent dans des fermes délabrées au coeur d'une nature qui reprend ses droits. Dans l'une d'elle Gus élève ses vaches, seul avec ses souvenirs. Un peu plus loin, Abel vit seul lui aussi et les deux se tiennent compagnie, à raison de quelques phrases échangées chaque semaine.
Puis un jour, Gus entend des coups de feu. Abel devient étrange ... comme s'il cachait quelque chose. Gus pourrait lui en parler, mais il sait mieux se taire que discuter. La campagne vide se peuple de mystères menaçants et le lecteur est tenu en haleine jusqu'au dénouement.