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"Quand on prend leur veau, les vaches chargent. Même si elles n'ont plus de cornes. Elles courent comme des génisses, sans la joie. Leur plainte envahit l'air froid. Traverse les prés. Frappe les carreaux de la ferme. S'insinue dans les oreilles. Elle devient un bourdonnement qui empêche de penser à autre chose. Qu'à cette mère qui appelle son veau". Tandis qu'ils oeuvrent à leur survie, rien n'échappe aux animaux de la ferme.
L'inquiétude de l'éleveur acculé par les échéanciers, les batailles des fils à mesure qu'ils grandissent, les pas de la femme, plus lourds que d'ordinaire. La vache, la chienne, le chat sont les vigies d'un monde rythmé par la vie et la mort. Leur ronde silencieuse ne connaît pas le contretemps. Mais dans cette ferme une tragédie a cours et personne n'en devine rien. Parce que les hommes sont aveugles, les bêtes vont témoigner.
Avec ce huis clos à ciel ouvert, où les cris des bêtes se mêlent aux secrets des hommes, Agnès de Clairville s'attache à renverser le regard. Qu'ont à nous dire les animaux sur notre rapport à la naissance et à la filiation ? Ici, l'animalité commande tout et les mots bousculent, jusqu'à l'inattendu. Sélectionné pour le Grand Prix des lectrices ELLE. Pré-sélectionné pour le Prix Ouest France Etonnants Voyageurs 2024.
Première sélection du Prix Cazes Brasserie Lipp 2024. Sélectionné pour le Prix Jésus Paradis 2024. Sélectionné pour le Prix Merlieux des Bibliothèques 2024. " Corps de ferme nous parle avec une force rare de naissance, de filiation et d'héritage, de déni et de non- dits, d'un drame qui se joue dans les coulisses d'un "huis clos à ciel ouvert" où la mort et la vie s'entrecroisent sans cesse, jusqu'à se confondre.
" Minh Tran Huy, Madame Figaro " Pour évoquer les difficultés d'une famille d'éleveurs, Agnès de Clairville a choisi de donner la parole aux animaux. "Corps de ferme est un pari osé et gagné". Ariane Singer, Le Monde des livres "Un roman de haut vol. [... ] Son livre est de ces projets fous qu'on imagine et qu'on n'arrive jamais à réaliser... Agnès de Clairville a relevé le défi et a réussi brillamment à sa manière, humble et déterminée, avec ce texte original, puissant et instructif.
[... ] C'est superbement bien décrit, une illustration du social qui agit sur l'intime". Mohammed Aïssaoui, Le Figaro Littéraire "C'est puissant, violent, tendre, émouvant, en un mot : vrai". Pierre Vavasseur, Le Parisien week-end "Il faut avoir du coffre pour s'inscrire avec succès dans la tradition du roman animalier. Marcher dans les pas de George Orwell, Wajdi Mouawad ou Tristan Garcia, et oser prêter sa plume aux animaux, c'est risquer le ridicule, mais atteindre parfois le spectaculaire.
Agnès de Clairville échappe définitivement au premier, et tutoie le second". Clémentine Goldszal, ELLE "C'est l'un des romans les plus réjouissants de ce début d'année". Sophie Rosemont, Vogue "Une histoire physique, charnelle, au suspense diablement orchestré... Stupéfiant ! " Martine Laval, Le Matricule des anges " Un livre délicat, sensible, intelligent. " " Une réflexion absolument poignante sur la condition agricole contemporaine.
" Anne-Marie Revol, France Info TV " Terriblement d'actualité. " " C'est brut, c'est direct, avec ce qu'il faut de distance poétique. " Nicolas Carreau, Europe 1 A propos de l'autrice Agnès de Clairville est née en Normandie et vit aujourd'hui à Marseille. Scientifique de formation, elle a d'abord travaillé la photographie avant de se dédier à l'écriture. Corps de ferme est son deuxième roman.
Corps de ferme, mais aussi corps de femme
Après un premier roman sur les silences familiaux autour des violences sexuelles, Agnès de Clairville, ingénieur agronome de formation, poursuit sur la voie de l’indignation avec l’ingrate condition paysanne. Les seuls témoins de son huis clos silencieux étant les animaux de la ferme, c’est à eux, vache, chien, chat, oiseau, qu’elle laisse le soin de la narration.
Invisible aux yeux de tous, même de ses acteurs principaux aveuglés par leur quotidien, une tragédie se joue depuis des années dans le monde clos de cette petite exploitation agricole. Seules les bêtes, comme le choeur d’une tragédie grecque, ont tout loisir d’en ressentir instinctivement les tensions et d’en observer les manifestations. C’est la pluralité de leurs voix et de leurs points de vue, exprimés à la première personne du singulier dans un langage viscéralement descriptif qui nous immerge, loin de toute sentimentalité anthropomorphique, dans la réalité sensorielle, ses bruits, ses odeurs, la chair et le sang de cet univers, qui permet peu à peu au lecteur de se construire une idée globale de la situation.
Il faut dire qu’entre aléas divers et implacable pression des factures, le quotidien au sein de cette ferme n’est pas seulement harassant du petit matin au coucher du soleil. La pression est écrasante, qui risque à tout moment de mettre cette famille sur la paille, aussi frugale et dure à la tâche que soit leur existence. L’on n’a donc pas le temps de se complaire aux sentiments et à l’introspection. Chacun fait face en silence et sans se plaindre, le père tout en rudesse et coups de gueule, les deux fils dans la rivalité de leurs conflits croissants, et la mère dans la résignation fatiguée qui alourdit chaque jour un peu plus son pas et ses mouvements.
Pourtant, tapi au plus secret du corps de ferme, le drame qui attend son heure finira bien, sordide mais si humain, par se déclarer au grand jour. Pari gagnant, l’audacieux parti-pris narratif permet à l’auteur d’aborder très naturellement l’impensable, dans une réalité brutale et nue, simplement factuelle et terriblement douce-amère, qui interroge notre rapport à la vie et à la mort, à la maternité et à la filiation, à la violence et à la domination des plus faibles.
Une réussite que ce second roman construit selon une perspective des plus originales et qui permet à l’auteur d’aborder avec sensibilité et pudeur un sujet qui ne s’y prêtait a priori pas aisément.