En cours de chargement...
Daniel Defoe (v. 1660-1731)
"Mon véritable nom est si bien connu dans les archives ou registres des prisons de Newgate et de Old Bailey et certaines choses de telle importance en dépendent encore, qui sont relatives à ma conduite particulière, qu'il ne faut pas attendre que je fasse mention ici de mon nom ou de l'origine de ma famille ; peut-être après ma mort ceci sera mieux connu ; à présent il n'y aurait nulle convenance, non, quand même on donnerait pleine et entière rémission, sans exception de personnes ou de crimes.
Il suffira de vous dire que certaines de mes pires camarades, hors d'état de me faire du mal, car elles sont sorties de ce monde par le chemin de l'échelle et de la corde que moi-même j'ai souvent pensé prendre, m'ayant connue par le nom de Moll Flanders, vous me permettrez de passer sous ce nom jusqu'à ce que j'ose avouer tout ensemble qui j'ai été et qui je suis.
On m'a dit que dans une nation voisine, soit en France, soit ailleurs, je n'en sais rien, il y a un ordre du roi, lorsqu'un criminel est condamné ou à mourir ou aux galères ou à être déporté, et qu'il laisse des enfants (qui sont d'ordinaire sans ressource par la confiscation des biens de leurs parents), pour que ces enfants soient immédiatement placés sous la direction du gouvernement et transportés dans un hôpital qu'on nomme Maison des Orphelins, où ils sont élevés, vêtus, nourris, instruits, et au temps de leur sortie entrent en apprentissage ou en service, tellement qu'ils sont capables de gagner leur vie par une conduite honnête et industrieuse."
Mémoires d'une criminelle.
Moll Flanders est née en prison puis abandonnée.
Elle a dû toute sa vie se débrouiller. Malgré plusieurs mariages, elle ne trouvera jamais la sécurité dont elle a besoin...
destin de femme au XVIIIe s.
Tout d'abord, le roman de D.Defoe mériterait une traduction actualisée, le style de la traduction de 1969 est sans doute liée au texte original mais ne rend pas l'accès à l'intrigue aisé.
Néanmoins le texte est incroyablement rythmé, passant d'un événement à l'autre de la vie de Moll Flanders. Je suis entré dans ce livre par le biais d'un autre portrait d'une femme du début du 18e, "Mary Tempête" d'Alain Surger. Mais alors que je m'attendais à un deuxième destin d'une femme entière, rude, self-made woman, je tombe sur une usurpatrice mais d'un style, et au destin, bien différent de celui de Mary Read, un peu trompé par la 4e de couverture (par exemple, "catin" doit être remplacé par maîtresse) et le prologue de Defoe qui parle surtout de rédemption.
Car le cœur du livre, c'est bien la morale, nos valeurs. A mon avis, et je vous conseille de vous faire le votre, point de rédemption ni de repentir. Le repentir de Defoe n'en est pas un puisqu'il est fondé, d'un point de vue matériel sur le vol, et d'un point de vue moral sur une seule motivation, être riche, quitte à tromper, manipuler, abandonner mari et enfants.
Une question pour la petite histoire, Defoe dissimule t'il son message derrière une écriture à sens unique, tout en excuses et apitoiement de la narratrice sur elle-même ? Cette écriture ayant pourtant aussi des intérêts, nous faire réfléchir à nos propres défauts avant de s'offusquer de ceux des autres et nous faire voir la condition des femmes dans une société pourtant prospère.
Moll mérite d'être aussi connu que Robinson.