En cours de chargement...
Il y a toute sorte de prison, celles où l’on s’enferme soi-même et l’autre, comme punition. Quoique, à bien y penser s’enfermer soi-même équivaut à une autopunition. Mais laissons-là ces digressions pour passer au livre.
La 4ème de couverture résume ce livre, aussi mettrai-je plus l’accent sur de huis clos jusqu’alors paisible transformé en un maelstrom (n’ayons pas peur des mots) où tout un chacun succombe aux charmes ravageusement dangereux de ce prisonnier très spécial. Les deux hommes, Luigi et Lui, vont s’affronter, trouver et exploser les limites de l’autre
comme deux lions en cage. La parodie n’est jamais très loin, nous sommes en Italie !
Une lecture agréable pour les soirées estivales, mais nous sommes en hiver, je l’ai donc lu d’une traite sous la couette. Comme Rodolfo, je me suis évadée, même si le tragi-comique a trop pris le dessus. Il manque, à ce livre, un petit quelque chose, je suis restée au bord de la piscine (pas grave au vu des températures extérieures !).
Elle veille son mari mourant, une balle dans la nuque, en égrenant son chapelet et ânonnant « Al-Qahhâr, Al-Qahhâr, Al-Qahhâr », se calquant sur la respiration du moribond. Le silence de la chambre rend les bruits, la présence de la guerre encore plus insupportables. Le temps s’écoule au rythme de la respiration du mari, des alertes, du couvre-feu, des gouttes de collyre et du goutte-à-goutte. Un rythme lent, un quasi silence qui éclatera en morceaux avec les paroles de la femme.
Petit à petit, une impatience sortie de ses entrailles nait, une audace la tenaille. Elle ose s’insurger
contre lui, ose parler du désir, des humiliations, de son père, de parler de toutes ces choses interdites qu’elle tenait enfermée au fond d’elle-même. Petit à petit, les mots se font plus osés, plus durs, plus crus. La soumission n’est plus de mise, elle ose parler d’elle, elle accouche, enfin, de sa féminité.
Dans ce conte, Atiq Rahimi, écrivain afghan, ose s’emparer de la féminité, des souffrances, des désirs d’une femme dans un livre toutes tripes sorties. Cette veilleuse défiera son époux inconscient, se vengera de lui et de sa famille en provoquant deux hommes armés venus se réfugier chez elle se déclarant putain pour ne pas subir le viol. « J’étais obligée de lui dire ça, sinon, il m’aurait violée » Elle osera dépasser les tabous « Je vends ma chair, comme vous vendez votre sang. » en assumant ce rôle de putain. Elle osera se rebeller contre l’hypocrisie, contre cette guerre fratricide qui dure depuis si longtemps, se dévoiler.
Celle qui n’était qu’effacement, fantôme sous son tchadari va se libérer, la pierre de patience va éclater dans une grande violence. « Tu lui parles, tu lui parles et la pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines. »
Un livre âprement superbe. La violence des mots d’Atiq Rahimi n’est pas sans me rappeler Anima de Wajdi Mouawad. Un coup de cœur.
Bon, comment dire… je n’ai pas été sensible à l’absurde, à la cruauté, au charme kafkaïen décrit dans la 4ème de couverture.
Pour moi, ce livre fut pesant, trop de pages inutiles. Trop de post-it tuent le message. Et puis, le narrateur trop à l’opposé d’Oskar, nous sombrons dans la caricature. Les protagonistes auraient mérité d’être moins caricaturistes pour mieux m’impressionner, me plaire. Trop de trop négatifs dans ce livre pour me plaire.
Je n’ai pas dansé sur ce parquet, je me suis
Mais, je le précise, ce n’est que ma propre opinion !!!
Nous sommes en juin 2009, les élections ont été truquées pour que Mahmoud Ahmadinejad reste à la tête du pays. La jeunesse aisée s’empare de la rue et manifeste son mécontentement, avec allégresse, sur la place Azadi. Chaque jour, Raha, étudiante en architecture, et ses amis rejoignent les manifestants. Un vent de liberté semble souffler. Oui, mais voilà…
Raha violée, torturée en prison voit son monde s’écrouler et essaie de se reconstruire avec, entre autre, le procès contre ses bourreaux. Mais au fait, porter plainte pour viol en Iran, est-ce possible ? J’ai cherché
et trouvé une vidéo où Saïdeh Pakravan répond sûrement impossible, ce dont je me doutais.
La force du livre de Saïdeh Pakravan est de nous montrer, à travers les conversations des protagonistes de ce roman plusieurs faces de l’Iran. J’y ai trouvé de grandes différences entre les ruraux et les citadins, la classe aisée et la classe ouvrière, les religieux et les laïcs (mais emploie-t-on ce mot ?). Le régime iranien est passé maître es-rouerie et les iraniens dans le jeu du chat et de la souris. Gare s’ils se font prendre !!
Quelques bémols dans ce livre trop manichéen. La jeunesse dorée représente la liberté. Hossein, Le gardien de la révolution qui sauvera 2 fois Raha, d’origine paysanne très modeste se situe du côté du pouvoir en place. Comme l’impression que les dés sont pipés dès le départ. Beaucoup de bavardages, de pages inutiles alourdissent le livre. Je crois que j’aurais aimé un livre plus resserré.
Une lecture mitigée. J’ai versé des larmes (je n’ai pas un cœur de pierre, que diantre) à la lecture du viol et de la destruction de Raha. J’ai goûté ces différents points de vue, mais…
Tout commence et finit sur un claquement de doigts. « Le Vieux » est très fort pour ça, c’est son rôle après tout !
Evariste, Evariste Galois ? Mais si vous connaissez ! On le surnomme le Rimbaud des Mathématiques. Je dois avouer n’avoir jamais trouvé une once de poésie dans une équation, mais bon. C’est son histoire, fort méconnue, que j’ai découverte dans ce livre. Un livre hors du commun pour un homme au destin fulgurant et hors du commun.
Plus que par la vie d'Evariste, je suis conquise par l’écriture de François-Henri Désérable. Impossible de sauter une ligne
sans perdre le sel de la phrase, de temps à autre accompagné d’un peu de poivre. Ce roman biographique n’a rien de conventionnel. Très peu de date (cela me convient parfaitement) mais des noms, des tranches de vie. François-Henri Désérable replace Evariste dans son contexte historique, même si, de temps à autre, il nous fait des circonvolutions amusantes. Il y a même Alexandre Dumas dans ce livre. A travers les petites histoires que l’auteur nous fait traverser, j’ai rencontré l’Histoire. Evariste a connu un destin flamboyant et fulgurant qu’accompagne fort bien l’écriture virevoltante à la fois classique, drôle, cocasse, lyrique de François-Henri Désérable. Il suit, piste Evariste Galois partout, glisse en cercles excentriques autour du personnage, puis « Le Vieux » a décidé que c’était la fin et pointe son pouce vers le bas.
Oui vraiment, un livre hors du commun et un jeune auteur de 27 ans plein de belles promesses.
Dès les premières phrases, les mots de Michel Bernard m’ont enveloppée. Son écriture classique et délicate fait revivre Ravel lors de la première guerre mondiale.
D’aucun aurait tout fait pour ne pas être mobilisé, Ravel, au contraire, malgré ses 48 kilos a fait des pieds et des mains pour partir. « Il voulait autant faire la guerre que fuir l’arrière » car « il lui répugnait de poursuivre son existence comme avant alors que des millions d’autres hommes, riches ou humbles, humbles surtout, avaient été mobilisés pour défendre le pays ». Le voici donc à Bar-le-Duc,
au volant d’un gros camion Ariès « Maurice Ravel tenait et tournait à force de bras le grand volant d’un poids lourd de l’armée française » Dur à imaginer ce frêle jeune homme au volant d’un tel véhicule.
Jean Echenoz avait proposé un Ravel superbe sur les dernières années de la vie du compositeur. Michel Bernard enveloppe Ravel dans son époque ; un Ravel, comme tous ses congénères, à jamais marqué par la guerre. Le compositeur trouve un peu de sérénité dans les forêts, à écouter les chants d’oiseaux. J’ai partagé avec les spectateurs un moment de grâce dans ce beau livre lorsque Ravel déniche, dans un hôpital de fortune,un piano. Là, le « petit soldat pianiste » enchantera les soirées. Ce sera un moment de magie pour soignants et soignés. "Une musique délicieuse, apparemment très simple et incroyablement raffinée. Joyeuse et douloureuse à la fois, sans qu’il soit possible de dire laquelle dans ces harmonies était joyeuse, laquelle était douloureuse, elle ne ressemblait à rien de connu.»
Ce que fait dire Michel Bernard à Ravel sur ce qu’écrivent les journalistes, je l’ai ressenti dans « L’enfer de Verdun » de Félicien Champsaur.
Un livre superbe. J’ai aimé l’écriture de Michel Bernard puissante, classique, délicate. Beaucoup d’images dans ses phrases comme celles concernant « la voie sacrée » toujours en réparation (p.48).
============
Rachel Waring, célibataire la cinquantaine, probablement vierge, est une femme frustrée par la vie terne qui est la sienne. Depuis toute petite, elle vit dans un autre monde, se raconte des histoires, comme ces 7 images épinglées sur le mur de sa chambre d’enfant qui lui servaient de base à son envol vers un monde imaginaire et rêvé.
Un jour, par la grâce d’un héritage, elle se retrouve propriétaire d’une maison à Bristol. Maison délabrée pour laquelle elle quitte boulot, vie monotone, pour combler un manque. Or, plaquant tout, elle n’a plus ni contraintes
sociales, ni horaires, ni, surtout, de barrières à son imagination. C’est le début d’une nouvelle existence où elle va se réinventer une vie. Auprès des autres, elle passera d’épatante et adorable, à originale, puis excentrique, puis fofolle, puis un brin dérangée pour arriver à la folie pure.
La force de ce livre ? Suivre le cheminement des pensées de Rachel « intra-muros », en direct du cerveau de Rachel Waring. N’ayant que son cheminement de pensée, aucun autre point de vue, j’ai suivi la montée en puissance de sa folie. La barrière est définitivement franchie lorsqu’elle tombe amoureuse d’Horatio, premier propriétaire de la maison, mort il y a des lustres.
Dans sa vie, qu’elle est la part de véracité, qu’elle est la part d’imaginaire ? Il n’y a plus la barrière de la bienséance, elle dit tout haut ce qu’elle pense tout bas. J’ai lu ce livre du fond de ma grippe où la fièvre m’embarquait sur son nuage. Tout se mélangeait, alors je n’ai plus tenté de démêler le vrai du faux, j’ai accompagné Rachel jusqu’au bout en l’écoutant fredonner les chansons qui ont bercé sa vie.
Suivre Rachel dans son cheminement vers la folie n’est pas plombant, tant elle a décidé d’être optimiste, drôle, avec beaucoup de ponctuations musicales de son époque. J’ai trouvé ce livre plutôt cocasse, teinté d’humour noir, de douceur, d’ironie. Aucune fausse note, Stephen Benatar et la bonne traduction de Christel Paris nous donnent à lire une Rachel vivante, aimante et touchante. Pourtant, oui ce livre est dérangeant, tant il est perturbant de suivre la montée de la folie de Rachel, même si cela se fait dans la joie et la bonne humeur.
Danny, c’est le simplet du village. Il n’a pas toujours été comme ça. Un trop long séjour dans l’eau glacée du lac où ses parents perdirent la vie, l’a transformé en bredin (lire beurdin) comme l’on dit chez nous. C’est un bon garçon qui ne ferait pas de mal à une mouche. Sokowski, l’adjoint du sherif de Wyalusing (Pennsylvanie), un mec violent, buveur, sniffeur, corrompu, violeur…, le sait très bien et il va se servir d’une façon terrible (le mot est faible) de Danny.
La suite dans les pages de ce livre très efficace.
Efficace oui, j’étais obligée de tourner
et tourner les pages pour connaître la suite. Pourtant, à trop jouer sur les stéréotypes éculés du bon, de la brute et de la gentille servante, du sherif alcoolique, des gentils patrons… le livre a perdu, pour moi, de l’intérêt. A trop jouer de la gâchette, je ne pouvais m’empêcher de penser à Rambo (bien que je n’ai jamais vu le film).
Le livre est maîtrisé du début à la fin, comme beaucoup de livres de ce genre, vous savez, ces écrivains qui ont tous à peu près le même style car ils ont suivi les mêmes cours d’écriture. C’est le plus gros reproche que je fais à ces écrivains américains.
OK, je vous l’ai dit, c’est un livre efficace. Samuel Gailey est scénariste et cela se voit, mais il m’a manqué un petit quelque chose pour m’attacher aux personnages.
La France est en guerre, la plus cruelle, la plus sale : la guerre civile. On ne saura rien des tenants de ces « évènements ». La FINUF (Force d’Interposition des Nations Unies en France) est, théoriquement, garante de quoi, je n’en sais fichtrement rien. Les finlandais et Ghanéens qui la composent s’en moquent royalement et font un léger trafic (faut bien passer le temps). Qui sont les belligérants ? Plusieurs factions de l’ultra droite à la gauche révolutionnaire en passant par les salafistes.
Le narrateur, on ne saura rien de plus sur lui, ni pourquoi il se trouve dans cette
galère. Il tient une sorte de journal tout au long de la route qui le conduit jusque dans le sud.
« C'était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contresens et sur toute sa longueur. Ainsi débute le voyage du narrateur au volant d’une Toyota en bout de course, muni de sauf-conduits idoines. Ce pourrait être déchirant, dur, cruel. Non, Jean Rolin manie l’ironie, la mélancolie, le rêve désenchanté. L’itinéraire, les paysages sont prépondérants dans ce livre avec une précision de carte routière ou de guide du routard. Les villes et villages sont déserts si l’on excepte les différentes milices. Un voyage du nord vers le sud par les petites départementales et de l’hiver vers l’été.
Le narrateur restera toujours à la périphérie de la guerre, pardon, des évènements. Pourtant, ce conflit en arrière-plan est omniprésent et je n’ai pu m’empêcher de penser à ce qui s’est passée en Yougoslavie ou, plus lointain, en Algérie.
Le narrateur raconte son odyssée avec, de temps à autre, les commentaires d’une tierce personne qui replace dans son présent les évènements. Le récit tient plus du relevé toponymique des paysages, des villes et lieux-dits traversés que du récit de guerre. Aucun affect, rien qui ressort d’un sentiment quelconque. L’humain, hormis les belligérants en arrière-plan, est absent. Un livre très étrange où j’ai retrouvé la petite musique de Jean Rolin, ce décalage entre l’horreur des évènements et la permanence des paysages traversés où tout semble tranquille, les oiseaux chantent, l’Allier coule, seuls les villages traversés sont déserts.
Par contre, Port de Bouc, citadelle aux noms de rues fleurant bon le communisme d’après-guerre, est très agitée. Là, nous assistons aux combats entre milices d’extrême-gauche (temporairement unies) et Al Quaïda dans les Bouches-du-Rhône islamiques (AQBRI). La guerre existe vraiment dans cette poche.
Un livre très étrange qui peut désemparer, voire plus, comme ma Comète. Cette distanciation, ce grand écart entre l’horreur que sous-tend une guerre civile et l’apparente tranquillité et le détachement du narrateur désoriente. L’absurde, la neutralité, le décalage, l’ironie, le désenchantement sont la marque de fabrique de Jean Rolin. On aime ou on n’aime pas. Moi, j’aime son écriture et son style.
Déjà lu : Chrétiens, Chemins d’eau, Ormuz
Un mot et un livre à découvrir
Fractale : Plus généralement, une fractale désigne des objets dont la structure est invariante par changement d’échelle. Il existe en réalité une théorie mathématique précise derrière ces différents objets et qui permet de parler de structures mathématiques ayant des dimensions non-entières (source internet). Vous avez pigé que couic ? Pas grave, ce livre en est un exemple concret.
Bien sûr, vu mon très haut niveau en mathématiques, je ne connaissais pas ce mot. Je pensais qu’il s’agissait d’un mot argot pour désigner la fracture ! quoique à bien y penser…
De temps à autre, vous pensez à quelque chose, qui vous emmène à autre chose, tant et si bien qu’à la fin vous être à des lieues du départ de votre rêverie. Autrement dit l’esprit gigogne. Voici donc la structure de ce livre qui va de transition en transition pour se terminer… Non, je ne vous le dirai pas.
Sachez que le postulat de départ est une femme trompée qui, un jour décide, avant de faire manger des pissenlits à la racine à son cher mari, de l’empoisonner avec un plat de raviolis assaisonné à sa façon. Ce livre nous offre un voyage spatio-temporaire. Nous passons des raviolis… aux raviolis, via un bar à hôtesse, Marseille pendant la peste (1720), un peintre de « l’école de peinture vivante », des rats-taupes…. Ces petits contes, apparemment indépendants les uns des autres, si ce n’est la fin de l’une et le début de la suivante, sont autant de nouvelles quelque fois amusantes, d’autre fois sanglantes ! C’est abracadabrantesque, bien trouvé, bien tourné. Un très bon moment de lecture.
Alma offre un catalogue sympathiquement solide. Thomas Vinau, entre autres, me tente beaucoup, tout comme la ligne "Pabloïd".