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À découvrir
L'héroïne du roman de Louise Mey, Alexandra Dueso est OPJ à la BDCS, « la Brigade des crimes et délits sexuels (basée) dans le nord de Paris (et intervenant) dans toute l'agglomération ; jusqu'à la Grande Couronne et bien sûr dans tout le pays, si les services de gendarmerie (y) font appel. La BCDS intervient dans tous les cas d'agression sexuelle, de viol, de harcèlement… »
Le roman policier de Louise Mey répond aux codes du genre : personnages attachants, enquêtes à rebondissement, inspecteurs submergés par le travail qui déborde sur leur vie privée, guerre police justice,
poids de la hiérarchie, pétages de plombs, tout y est et y est conforme.
Louise Mey a également fait le choix d'en faire un roman didactique, pédagogique et engagé qui reflète avec justesse le débat actuel sur la relation hommes femme mais aussi sur la façon dont notre société accueille les orientations différentes de la norme hétérosexuelle.
Dans les affaires que traite Alexandra Dueso, les agresseurs, ceux qui forment les « Hordes invisibles » « pensent sincèrement vivre dans un monde post-féministe. Pour eux, les femmes ont gagné la « guerre des sexes », et ils sont dans une sorte de… de reconquête du statut de dominant. »
Argument défendu par quelques débatteurs dont on mesure chaque jour les dégâts dans l'opinion.
Livre à lire. Auteur à découvrir.
Pourquoi ce dimanche après-midi le préfet Crawford demande-t-il à une jeune inspectrice divisionnaire, Petra Burge, de passer prendre le célèbre l’inspecteur divisionnaire Karlsson qui est en congés maladie et l’inspectrice Yvette Long pour se rendre en leur compagnie sur une scène de crime à Saffron Mews ?
Petra remarque la complicité existant entre Karlsson et Long à propos de Frieda Klein, une psychothérapeute qui assista autrefois la police et de l’affaire Hannah Docherty, une innocente que Klein a fait sortir de l’hôpital psychiatrique.
Elle est officiellement
chargée de l’enquête mais la présence des deux « anciens » ne lui dit rien qui vaille. D’autant plus que Frieda Klein habite précisément Saffron Mews…
Le crime s’avère être relié à une affaire non résolue pour les uns, close pour les autres, vieille de 7 ans et impliquant Klein, Karlsson et Long.
Le Préfet Crawford est dans ses petits souliers et il compte sur Petra Burge pour le sortir de l’impasse.
Enigme classique qui revisite, sans les plagier de façon servile et plate, les classiques du genre.
Une galerie de personnages habilement construite évoluant au cœur de Londres, sous la menace du passage à l’acte d’un tueur en série surgi du passé :
Le psychologue travaillant pour la police qui ne fait pas l’unanimité, ses soutiens et ses détracteurs que tout oppose, le tueur en série qui communique en direct avec le profileur faisant de l’ombre aux inspecteurs, une hiérarchie avide de résultats spectaculaires, ne s’embarrassant pas de méthodes scientifiques et encore moins de vérité, sauf si elles l’avantagent, une presse aux aguets...
Le fil conducteur du roman est la contrainte qui lie malgré elles, Frida Klein et Petra Burge. Peuvent-elles, en dépit des déclarations de bonnes intentions, se faire confiance ? Le passé et l’expérience de Frieda ne lui donnent-ils pas un avantage sur Petra ? Sa hiérarchie informe-t-elle Petra de toutes les informations sur le sujet ? Ne doit-elle pas s’inquiéter quand Crawford lui dit sans ciller :
— Je vous ai confié une affaire sensible.
— Oui.
— Une affaire comme ça, ça décide d’une carrière, reprit Crawford. Ou alors… bref, vous voyez bien.
— Je sais
Entre les deux femmes et le tueur s’établit une relation particulière dans une course dont on se demande tout au long du récit, qui sortira vainqueur, et surtout qui en sortira indemne.
Nicci Gerrard et son mari Sean French s’appuient sur leur expérience de chroniqueur judiciaire et chroniqueur littéraire pour nous livrer un roman qui se lit sans trêve.
Une découverte pour ma première lecture de Nicci French, cet auteur à quatre mains.
« Un type lit Oscar Wilde en hochant la tête avec un sourire énigmatique, une femme fait un sudoku, une pinte de bière noire devant elle. Elias s'installe au comptoir. À l'autre extrémité du zinc, il remarque un type seul, rachitique et moustachu, qui aurait tout l'air d'un ermite ayant fait voeu de silence s'il ne tapotait pas sur un smartphone. — Qu'est-ce que je vous sers ? » Il ne faut pas se fier aux apparences. Malgré des phrases comme celle-ci, le roman de Sébastien Meier est noir. Noir comme les courants souterrains qui traversent la société bohémienne en pleine mutation. Riche idée que celle de l'auteur, créer un contexte « exotique » pour traiter de questions qui agitent notre propre société des soubresauts que nous lui connaissons. L'action se déroule en Bohême un pays mythique aux relations sociales apaisées, fier de sa tolérance et de son ouverture. « Une loi votée deux ans plus tôt était entrée en vigueur : l'État fédéral de Bohème avait introduit le revenu de base inconditionnel. » Détail qui mérite le détour, l'emblème du pays est le gypaète barbu. Ce roman est une belle découverte, servi par une écriture sans esbrouffe. Les personnages sont crédibles et taillés sur mesure. le contexte économique social et politique est réaliste et très proche de ce que nous connaissons en Europe. L'enquête est menée tambour battant avec une utilisation ingénieuse des classiques du genre : concurrence entre services de police, lutte entre la procureure Gabrielle Molina et la police, inspecteurs tiraillés entre leur travail et leur vie privée, journalistes à l'affut, hommes politiques plus soucieux de leur carrière que de l'intérêt général, tractations souterraines pour le pouvoir, affaires périphériques surgissant au cours de l'enquête amenant le lecteur sur des fausses pistes. Mais la vie continue : « le temps de sa lecture, le café a repris son bruissement naturel. À la table des joueurs de dés, on cause météo et récoltes. Les autres discussions ne sont guère plus intéressantes : le chien de la Denise, le prix de l'électricité, l'entretien du parc éolien, etc. Il patiente, espérant que l'alcool fasse émerger des sujets plus sensibles. Deux heures plus tard, le lecteur De Wilde en est toujours à la même page – mais pas au même verre. » Comme dirait Giuseppe Tomasi di Lampedusa « Il faut que tout change pour que rien ne change » A lire.
« Un type lit Oscar Wilde en hochant la tête avec un sourire énigmatique, une femme fait un sudoku, une pinte de bière noire devant elle. Elias s'installe au comptoir. À l'autre extrémité du zinc, il remarque un type seul, rachitique et moustachu, qui aurait tout l'air d'un ermite ayant fait voeu de silence s'il ne tapotait pas sur un smartphone.
— Qu'est-ce que je vous sers ? »
Il ne faut pas se fier aux apparences. Malgré des phrases comme celle-ci, le roman de Sébastien Meier est noir. Noir comme les courants souterrains qui traversent la société bohémienne en pleine mutation.
Riche
idée que celle de l'auteur, créer un contexte « exotique » pour traiter de questions qui agitent notre propre société des soubresauts que nous lui connaissons.
L'action se déroule en Bohême un pays mythique aux relations sociales apaisées, fier de sa tolérance et de son ouverture. « Une loi votée deux ans plus tôt était entrée en vigueur : l'État fédéral de Bohème avait introduit le revenu de base inconditionnel. » Détail qui mérite le détour, l'emblème du pays est le gypaète barbu.
Ce roman est une belle découverte, servi par une écriture sans esbrouffe. Les personnages sont crédibles et taillés sur mesure. le contexte économique social et politique est réaliste et très proche de ce que nous connaissons en Europe. L'enquête est menée tambour battant avec une utilisation ingénieuse des classiques du genre : concurrence entre services de police, lutte entre la procureure Gabrielle Molina et la police, inspecteurs tiraillés entre leur travail et leur vie privée, journalistes à l'affut, hommes politiques plus soucieux de leur carrière que de l'intérêt général, tractations souterraines pour le pouvoir, affaires périphériques surgissant au cours de l'enquête amenant le lecteur sur des fausses pistes.
Mais la vie continue :
« le temps de sa lecture, le café a repris son bruissement naturel. À la table des joueurs de dés, on cause météo et récoltes. Les autres discussions ne sont guère plus intéressantes : le chien de la Denise, le prix de l'électricité, l'entretien du parc éolien, etc. Il patiente, espérant que l'alcool fasse émerger des sujets plus sensibles. Deux heures plus tard, le lecteur De Wilde en est toujours à la même page – mais pas au même verre. »
Comme dirait Giuseppe Tomasi di Lampedusa
« Il faut que tout change pour que rien ne change »
A lire.
« — Ravaillac, François Ravaillac. Un illuminé qui aurait agi seul, sur un coup de folie. »
C'est ce que l'opinion pense à propos de l'assassinat de Henri IV. Mais sa disparition intervient à point nommé. Louis XIII, trop jeune pour régner, est sous la coupe de la Ligue Catholique proche de Marie de Médicis de Concini et de la Galigaï.
Il y a des raisons objectives de s'inquiéter. Les protestants de France redoutent une alliance entre la France et l'Espagne, la Saint-Barthélemy est présente dans tous les esprits. de son côté, l'Angleterre partage les mêmes inquiétudes et
craint de se retrouver isolée en Europe.
La trame de l'histoire se fonde sur le célèbre adage « à qui profite le crime ? »
Ce polar historique nous projette dans l'Histoire avec un grand H, mais aussi dans le Paris quotidien de 1611.
Mattheus Kassov, le praguois est lieutenant de police dans la Garde Royale à Londres, au service de sa majesté, il doit retrouver Margaret Dorchester une espionne (on dit une « mouche ») du roi. Elle a disparue dans Paris alors qu'elle devait élucider les circonstances de la mort d'Henri IV.
Mattheus Kassov, même sous le pseudonyme du commis drapier Matthieu Quassoy est un redoutable enquêteur capable de déjouer tous les pièges et de jouer de l'épée des poings et du pistolet avec une adresse et une précision redoutable. Cet homme a aussi de la méthode. Il consigne dans son journal d'enquête tout ce qu'il observe, tout ce qu'il pense, même ce qui à première vue n'a aucun rapport avec l'enquête. Il a « constaté qu'il y avait dans la chose écrite une matière solide à quoi la mémoire peut s'arrimer »
Un merveilleux roman qui se lit avec grand plaisir. A découvrir.
Un clin d'oeil de l'auteur à la BD Les 7 vies de l'épervier de Juillard et Cothias, dans laquelle on voit le jeune roi Louis XIII s'exercer à l'art de la Fauconnerie en compagnie du Duc de Luynes. Scène très proche décrite dans le roman de Etienne Bourcy.
D'Hervé Commere, je n'ai lu que « Ce qu'il nous faut c'est un mort », et j'avais beaucoup aimé. Son dernier roman intitulé Sauf, se montre à la hauteur.
En quelques chapitres à l'écriture serrée et incisive et moins de cinquante pages lues avec fébrilité, il nous plonge au coeur d'une énigme surgie du passé qui s'est invitée sans prévenir dans la vie de Mathieu, un brocanteur de Montreuil vivant avec Anna une prof d'anglais divorcée et mère d'une adolescente Laurie avec les quels il vit sur l'île Sainte-Catherine sur la Marne à Créteil dans une maison qu'il a entièrement
retapée.
Quelqu'un, mais qui, semble vouloir rejouer pour lui la tragédie qu'ont vécu ses parents et des suites de laquelle il est sorti indemne grâce à son oncle et sa tante qui l'ont élevé.
Mathieu est confronté au passé de ses parents qu'il n'a pratiquement pas connus. Il y fera face avec Anna, sa compagne, Gary, un gitan d'un mètre soixante et Mylène, une bourgeoise parisienne, ses employés du dépôt-ventes de Montreuil.
Passé l'âge de vingt ans, Mathieu avait tourné la page et renoncé à rechercher les coupables de l'incendie qui couta la vie à ses parents. 42 ans après, il se trouve, à son corps défendant, une nouvelle fois confronté à cette question. Et cette fois-ci il ne pourra pas tourner la page, car ce n'est pas lui qui tient le livre.
Il se retrouve seul face à l'histoire de ses parents. Aidé par Anna et sa fille Laurie, Mathieu se verra contraint d'accomplir un voyage vers le passé, son passé, un voyage qui passe par Kerloch, ses secrets, ses habitants taiseux et les mystères qu'ils entretiennent jalousement.
Gary le gitan, lui, affirme, « — Il n'y a que deux mobiles, (…) L'amour ou l'argent. » et se dit prêt à mobiliser la communauté tzigane de France de Suisse et de Belgique pour donner la chasse à ceux qui sont rentrés par effraction dans la vie de Mathieu.
Mylène mettra elle son patrimoine personnel à disposition de Mathieu et Anna.
Mathieu, Anna, Mylène, Gary vont fonctionner comme une véritable équipe, jouant de leurs différences et de leur complémentarité. Une équipe d'amateurs, mais beaucoup plus motivés que les détectives de la police
Mathieu se dit « prêt à en découdre et prêt à (se) cogner à la vérité », mais une fois confronté aux mensonges de ceux qui ont choisi son passé pour lui, il découvre une vérité qui le dépasse.
« J'avais 6 ans quand ils sont morts, j'en ai 48 aujourd'hui. Quarante-deux ans que je n'ai pas vu ces yeux, ces deux bouches, ces cheveux un peu longs que j'avais oubliés. »
« Combien de temps est-on le produit de son enfance, selon vous ? »
Un roman à lire d'une seule traite. Un grand Commere.
Dans ce roman Fleuve (ah ! ah !) Zygmunt Miłoszewski a laissé tomber le héros de sa trilogie (Les impliqués, Rage, Un fonds de vérité) le procureur Teodore Szacki qui fut pour le lecteur un guide dans l’écriture miłoszewskienne (ouf) et dans la Pologne du XXIème siècle pas tout à fait guérie de ses démons du passé.
En exergue de ce récit, une citation du roman de Kurt Vonnegut Junior Barbe Bleue, (l'autobiographie bidon de Rabo Karabekian, né en Californie en 1916, ce fils de cordonnier d'origine arménienne qui va s'infiltrer dans le milieu de l'art new-yorkais), rappelle
s’il en était besoin, que la dernière histoire de Zygmunt Miloszewski est une pure fiction, et comme toutes les bonnes fictions, elle n’est jamais sans rappeler la réalité, avec en prime une once de dérision, de désespoir, de rebondissements aussi improbables qu’inespérés, et de compassion pour ces héros qui s’entredéchirent pour des chimères.
En 1944, Roman Kłosowicz se retrouve dépositaire d’un secret, chargé d’une mission qui doit changer la face du monde. Hélas, son commanditaire, Wilhem, l’homme de confiance de Hans Franck, n’a pas compris que Roman n’était pas l’homme de la situation.
Le récit repose sur ce quiproquo et ce malentendu. Des années après la guerre, des états, des services secrets, des barbouzes, des terroristes, se mobilisent pour parvenir à percer ce secret qui a un lien avec la disparition d’un tableau pendant la guerre.
L’action part dans tous les sens. J’ai parfois eu l’impression d’être dans un roman ou plutôt un film de la série des Jason Bourne tellement les scènes sont décrites avec minutie et précision et les relations entre elles inattendues et toujours pleine de surprises.
Dans ce feu d’artifice, Miłoszewski fait preuve une fois de plus de son amour, de sa connaissance et de sa grande maîtrise de l’histoire de son pays, ce qui fait de son roman, un peu plus qu’un simple roman de divertissement, ce qu’il est indéniablement, mais aussi un roman de référence.
Il est vrai, je suis un inconditionnel de Miłoszewski mais, après la trilogie des Teodore Szacki, on pouvait craindre une baisse de régime chez l’auteur, je vous rassure, il n’en est rien. Lisez Inavouable. Vous ne vous ennuierez pas. Vous apprendrez beaucoup de choses que vous ignorez. Vous rirez aussi, pleurerez parfois. Que demande le peuple des lecteurs ?
L’histoire nous entraîne dans une Amérique en train de se construire, de découvrir les joies du progrès, de la technologie, du commerce libre, de la libre entreprise. Pour la famille Kopp, cette Amérique-là, est affrayante, elle heurte leur sensibilité d’Européens. Constance Kopp, la mère, veut protéger ses filles :
«Les démarcheurs étaient sales, nous disait-elle. Ils vendaient une marchandise de qualité médiocre qu’aucun magasin n’aurait proposée. Ils jetaient leur dévolu sur les personnes isolées à l’esprit faible. Tout ce qui les intéressait était de pénétrer
dans les maisons pour pouvoir revenir les cambrioler ensuite en l’absence de leurs occupants. Et en plus, ils avaient des puces.»
Amy Stewart décrit avec minutie la vie des soeurs Kopp dans cet univers dont personne, surtout pas leur mère, ne leur a donné les clefs.
Constance, la sage, Norma la fantasque, Fleurette l’ingénue, s’en sortent comme elles le peuvent.
Seules, dans un univers d’hommes, contraintes d’affronter Kaufman. Lorsque Constance va porter plainte au bureau du procureur de Hackensack, l’inspecteur Courter l’écoute à peine et elle doit insister pour qu’il enregistre ses doléances.
Le roman d’Amy Stewart nous montre comment l’héroïne s’éveille à sa conscience, comment elle passe du camp de ceux qui se résignent, comme sa mère, au camp de ceux qui se battent. Comment elle parvient à se libérer des vieilles contraintes pour faire face au danger qui menace son existence et celle de ses soeurs.
Effectivement, on peut regretter de ne pas trouver, dès les premières lignes, une héroïne «clefs en mains», déjà formatée dans son rôle de justicière, mais ce n’est pas le cas, la lente maturation de la personnalité de Constance nous offre de beaux passages de lecture.
Après la page 150, le récit prend une tournure nouvelle, privilégiant le rôle de Constance et la façon dont évolue la vision qu’ont d’elle les hommes qui l’entourent, le photographe LaMotte, son associé Hopper, et le shérif Heath.
En se confrontant à Kaufman et à sa bande, Constance Kopp et ses deux soeurs, soulèvent la question de la justice dans la société, de la connivence entre la police, la justice et les décideurs économiques, ceux-ci soient-ils des mafieux.
Le récit ménage de belles surprises et des rebondissements inattendus. Constance doit convaincre Norma et Francis que les trois soeurs peuvent affronter le danger en restant à la ferme. De plus, elle doit gérer la petite dernière Fleurette, qui s’enflamme de l’aventure qu’elles vivent.
Une belle histoire, ancrée dans son époque, qui évoque de façon à la fois réaliste et enjouée, sans complaisance aucune, le combat d’une femme pour faire reconnaître ses capacités à vivre de façon indépendante, à apporter sa contribution à la société.
Le sous titre de La fille au revolver pourrait être : La revanche de Constance-Amélie Kopp.
Un roman comme on voudrait en lire tous les jours.
erlin Est 1975 :
Démarrage en trombe pour Stasi child. le lieutenant Karin Muller, de la Kripo, la police criminelle d’Allemagne de l’Est, blonde aux yeux bleus, trente ans, marié à Gottfried :
«Seule policière du pays à la tête d’une unité de la brigade criminelle, elle ne pouvait se permettre de passer pour une salope» est réveillée par une sonnerie de téléphone.
Elle se trouve dans le lit du sous-lieutenant Werner Tilsner, son adjoint, marié, lui, à Koletta.
Ils partent aussitôt sur une scène de crime. Le corps d’une jeune fille a été découvert au cimetière
Sainte-Elisabeth. Près du Mur, le Rempart antifasciste comme on l’appelle alors à Berlin, côté est. La Stasi est déjà sur place....Le lieutenant-colonel Klaus Jäger supervise l’enquête, et informe les deux policiers de la raison de sa présence :
«— En revanche, je peux vous donner la raison de cette implication. La victime semble avoir été touchée par des coups de feu provenant de l’Ouest – a priori tirés par des gardes-frontières – alors qu’elle tentait de fuir vers l’Est.»
Les deux policiers ne sont pas dupes de ce que leur raconte l’officier de la Stasi mais ils gardent leur impression pour eux-mêmes :
«— Je ne sais pas si on peut appeler ça une enquête, observa Tilsner. J’ai l’impression que c’est déjà tout vu et qu’on nous fait intervenir après coup.
Mais escalader deux murs en étant blessée et sans que nos gardes la remarquent ? Ils dormaient tous ? Ça m’étonnerait beaucoup.»
Pourquoi la Stasi tient-elle tant que cela à ce que la Kripo se charge de l’enquête ? Jäger est formel :
«J’ai besoin qu’une équipe criminelle compétente récolte et enregistre les preuves, sans dépendre du ministère de la Sécurité d’État. N’allez pas croire que vos efforts seront vains, je vous en prie.»
Muller, son adjoint Tilsner et Schmidt l’expert de la police scientifique, sont face à un dilemme. La Stasi acceptera-t-elle toutes leurs conclusions ? Ne sont-ils pas en danger depuis que Jäger leur a confié l’enquête ? Parviendront-ils à identifier la victime et coincer son assassin, sans remettre en cause la version officielle de la Stasi ?
Toutes choses égales par ailleurs, Karin Müller en 1975 se retrouve dans la même situation que Bernie Gunther (le héros de la -trilogie Berlinoise de Philip Kerr) face aux Nazis. Comment faire jaillir la vérité dans un système politique qui défend sa propre vérité ? Encore qu’à la différence de Bernie qui n’est pas nazi, Karin Müller, elle, pense que :
«L’égalité avait ses limites dans leur État prolétarien, songea Müller, mais c’était un monde tout de même plus juste que de l’autre côté du Rempart antifasciste. Ça crevait les yeux chaque fois que les insupportables programmes d’information ouest-allemands dont Gottfried était friand déversaient leurs sempiternels comptes rendus de grève et de mécontentement ouvrier.»
L’essentiel de l’intrigue repose sur la divergence de vue entre le service de sécurité de l’état (La Stasi), et la responsable de l’enquête Karin Müller de la Kripo. La Stasi veut découvrir les coupables, mais à condition que cela ne remette pas en cause l’idéologie du système. Müller entend faire valoir ses compétences d’enquêteur quelque soit les conclusions auxquelles elle parviendra.
L’auteur développe cette thématique de façon précise et détaillée, parfois un peu trop. Il prend du plaisir à décrire la vie en RDA en 1975, alors que le sytème communiste commence à connaître ses premières remise en cause et que la fuite vers l’ouest tente, malgré les dangers, de plus en plus les jeunes Berlinois.
Young émaille son récit de références à la vie quotidienne de l'époque en RDA : les voitures Trabant, Wartburg, Lada et Barka - le jeu de construction Pebe (l’équivalent du Lego) - les appareils photos Praktika et Foton (Le Polaroïd soviétique) - «l’atmosphère enfumée du tramway» - les comités de quartier («— Vous êtes membres du comité de quartier ? demanda-t-elle à Müller. Voilà de quoi je parlais, ajouta-t-elle en désignant la gadoue sous ses pieds. À quoi bon nous construire des appartements neufs si on n’arrange pas les routes et les allées ? Je risque de me noyer en tombant dans cette boue. Enfin, au moins, vous êtes là.») - «Le VEB Autobahnkombinat – l’entreprise de travaux publics gérée par l’État qui supervisait la construction d’une autoroute entre Berlin et Rostock.» - «Le camion-benne IFA W50» - les vacances sur la Baltique - Des femmes qui travaillent dans le bâtiment - La Vopo -
Karin Müller est partie prenante du système, même si parfois elle peut douter :
«Face à celui des Eisenberg, un autre grand ensemble de béton sortait du sol et semblait s’élever sous les yeux de Müller. Cela lui rappelait le jeu de construction Pebe qu’elle avait offert à son neveu deux ans plus tôt, lorsqu’elle avait fêté Noël en famille dans la pension que tenait sa mère en Thuringe. En l’espace de quelques heures à peine, alors que les adultes digéraient leur repas de fête, le petit garçon avait construit une tour moderniste en empilant les briques en plastique. Ici, aujourd’hui, des ouvriers adultes membres de l’État prolétarien bâtissaient le rêve socialiste dans sa version grandeur nature. Pourtant, même si ce spectacle remplissait Müller d’espoir pour l’avenir de son pays, le souvenir du cadeau de Noël était source de culpabilité. Cette année, elle n’était pas retournée à la maison familiale d’Oberhof – le Saint-Moritz est-allemand.»
La foi de Müller dans le système contrebalance les doutes exprimés par son mari Gottfried, professeur de mathématiques dont la fidélité au parti est prise en défaut :
«Pendant le séjour de Gottfried à Rügen – banni pour n’avoir pas su instiller assez de fanatisme partisan à ses élèves berlinois, il avait dû enseigner quelque temps dans une maison de correction –»
C’est là, la deuxième thématique forte du roman. L’amour entre Karin et Gottfried peut-il survivre dans un système politique et social basé sur le mensonge et la dissimulation ?
Dans la maison de correction de Prora Ost, Gottfried va croiser deux jeunes filles, Beate Ewert et Irma Behrendt qui vont interférer dans l'enquête de son épouse.
Dès lors comment Karin Müller parviendra-t-elle à gérer cette double contrainte :
fidélité envers le parti via l’enquête qui lui est confiée par la Stasi et loyauté envers son mari, même si elle trompe avec Tilsner ? Sachant que Gottfried n’a jamais caché son attirance pour l’Ouest. Attirance que Karin ne partage pas. Même si :
« Au bureau, elle s’autorisa un souvenir de l’Ouest. Entassant les sacs de courses sur la longue table, sous le panneau d’affichage, elle prit la grosse boîte de chaussures. Elle l’ouvrit, souleva avec précaution le papier de soie qui protégeait les bottes. Elle en prit une dont elle caressa le revers en fourrure comme on caresse un chat. Une petite touche de luxe. »
Elle s’interroge sur les objectifs de Jäger et de la Stasi :
« Elle ne s’expliquait toujours pas ses motivations exactes. D’un côté, il ne cessait de définir avec précision les bornes à ne pas dépasser, de les mettre en garde ; de l’autre, il semblait leur ouvrir des portes pour leur permettre de mener une enquête de plus en plus approfondie, quelles qu’en soient les conséquences. »
Dans un système où la vie privée des individus n’a aucune importance, Karin et Gottfried n’ignorent pas quelles peuvent être les conséquences de conduites hors normes. Les agents de la Stasi n’ont pas assez d’imagination pour penser qu’une enquêtrice de la Kripo peut être la femme d’un professeur de mathématiques attiré par l’Ouest, sans être un tant soit peu contaminée.
« L’article 96 de la constitution de la RDA, (…) : « Toute personne reconnue coupable de tentative de déstabilisation de l’ordre politique ou social de la RDA peut, dans certains cas graves, se voir condamnée à mort. »
Par contre, les mêmes agents font preuve d’une imagination débordante pour créer la réalité qui leur convient, en produisant des preuves plus vraies que de nature.
« — Qu’est-ce que c’est que ça ? hurla-t-il en laissant tomber la photo sur la table.
Gottfried eut un mouvement de recul : on le voyait embrasser une jeune fille sur la bouche tout en lui tripotant la poitrine. Il ne s’agissait pas d’Irma mais de Beate Ewert.
— Je vous le demande, citoyen Müller. »
Malgré les obstacles qui surgissent de toute part, Karin continue son enquête :
« À en croire Jäger, c’est Tilsner qui avait une dette envers lui. Il y avait trop de secrets autour de cette enquête. Trop de mensonges. Müller ne savait plus que croire, ni qui. »
Stasi Child, sous couvert d’une enquête criminelle, décrit de façon minutieuse ce qu’était la vie dans les pays communistes, particulièrement en RDA. On ne peut s’empêcher de penser au film de Florian Henckel La vie des autres (2007).
Système pervers qui place les individus dans des situations insupportables pour les pousser à la faute et les convaincre de trahison. La collaboration avec ses propres bourreaux pour les aider à démasquer d’autres traitres apparait alors comme la seule porte de sortie pour échapper au pire.
Dans ces conditions, la confiance, la base de tout lien social est rompue, et la société toute entière bascule dans l’absurde et la déraison, autorisant les comportements les plus vils.
FIAT LUX !
« C'était apaisant de laisser les montures avancer presque d'elles-mêmes, sous la douce chaleur du soleil qui brillait dans un ciel serein, caressés par la brise. Tantôt un lapin peu farouche bondissait le long de leur chemin, tantôt un renard roux trottinant sur le coteau s'arrêtait pour les observer, puis repartait vaquer à ses propres affaires. »
« Il fallut qu'Eadulf entende le trait siffler au ras de sa tempe et qu'il le voie se ficher dans le sol pour qu'il comprenne ce qui leur arrivait. Ils étaient attaqués, et l'on comptait bien qu'ils n'en sortiraient pas vivants. »
Peter Tremayne nous balade avec talent entre la douceur de l'Irlande rurale du 7ème siècle dans laquelle se déroule la nuit du porte lumière, et l'âpreté des luttes de territoire (spirituel et temporel) entre les ordres religieux s'accusant mutuellement d'hérétiques et cherchant à renforcer leur domination.
En facilitant avec intelligence et non sans une certaine duplicité, la convergence entre les rites païens et les nouveaux rites religieux, l'église rebaptise les lieux des anciennes croyances et autorise les anciennes fêtes païennes en les affublant de règles de la nouvelle religion, pour conserver son contrôle moral sur la population.
Le roman est construit autour de ces affrontements souvent souterrains qui sont incarnés par des personnages inquiétants par leur obscurantisme et leur volonté de dissimulation.
Au sein de ces luttes d'influence souvent cruelles, toujours mortelles, Fidelma et son mari Eadulf apparaissent comme les seuls êtres humains capables de compréhension et de compassion, soucieux de justice, de vérité et avant tout, de l'intérêt général.
La nuit du Porte-Lumière
07 mai 2018
La nuit du Porte-Lumière de Peter Tremayne
« C'était apaisant de laisser les montures avancer presque d'elles-mêmes, sous la douce chaleur du soleil qui brillait dans un ciel serein, caressés par la brise. Tantôt un lapin peu farouche bondissait le long de leur chemin, tantôt un renard roux trottinant sur le coteau s'arrêtait pour les observer, puis repartait vaquer à ses propres affaires. »
« Il fallut qu'Eadulf entende le trait siffler au ras de sa tempe et qu'il le voie se ficher dans le sol pour qu'il comprenne ce qui leur arrivait. Ils étaient attaqués, et l'on comptait bien qu'ils n'en sortiraient pas vivants. »
Peter Tremayne nous balade avec talent entre la douceur de l'Irlande rurale du 7ème siècle dans laquelle se déroule la nuit du porte lumière, et l'âpreté des luttes de territoire (spirituel et temporel) entre les ordres religieux s'accusant mutuellement d'hérétiques et cherchant à renforcer leur domination.
Dans cette société qui a résisté à l'envahisseur romain, les croyances païennes sont encore très fortes et les autorités locales hésitent à les affronter. Rome censé montrer la voie est si loin…et laisse se développer le « conflit entre les pratiques de l'Église des cinq royaumes et celles (…) prônées aux conciles de Streoneshalh et d'Autun. (…) La plupart des Églises des cinq royaumes et, même au-delà, celles de Bretagne et de Gaule n'adhèrent pas aux dogmes romains bien qu'elles acceptent la doctrine fondamentale de la foi chrétienne. »
Certains ordres peu scrupuleux s'emploient à semer la confusion pour mieux assoir leur emprise sur une population toujours crédule.
Polar historique passionnant, facile à lire, scrupuleusement documenté, « La nuit du porte lumière » nous éclaire (Gag !) sur une période fondatrice de l'histoire où l'Eglise s'efforce de continuer à cumuler les fonctions religieuses avec le pouvoir temporel.
En facilitant avec intelligence et non sans une certaine duplicité, la convergence entre les rites païens et les nouveaux rites religieux, l'église rebaptise les lieux des anciennes croyances et autorise les anciennes fêtes païennes en les affublant de règles de la nouvelle religion, pour conserver son contrôle moral sur la population.
Le roman est construit autour de ces affrontements souvent souterrains qui sont incarnés par des personnages inquiétants par leur obscurantisme et leur volonté de dissimulation.
Au sein de ces luttes d'influence souvent cruelles, toujours mortelles, Fidelma et son mari Eadulf apparaissent comme les seuls êtres humains capables de compréhension et de compassion, soucieux de justice, de vérité et avant tout, de l'intérêt général.
« Gelasius, le nomenclator, secrétaire principal de Sa Sainteté a-t-il raison de penser que le « manuscrit volé au palais du Latran (…) dans les « Archives secrètes de la Sacrosancta Lateranensis ecclesia, omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput (…) a de quoi remettre en cause les décisions théologiques prises ces derniers siècles. » ?
Ce vol a –t-il un rapport avec les meurtres commis en Irlande, à Cashel précisément ?
« Fidelma la rousse, Fidelma de Cashel, dálaigh ou avocate des cours de justice de l'Irlande du VIIe siècle », chez qui « La maîtrise de la « lutte par la parade » (…) avait entretenu (…) la souplesse, la force et la vivacité qui étaient d'habitude l'apanage de la jeunesse. », saura une fois de plus, résoudre cette énigme et faire jaillir la lumière et la vérité avec le brio qu'on lui connait.
« Si mes soupçons sont fondés, j'espère faire tomber le masque au cours de l'audience. », dit-elle à Colgú, le roi son frère, alors que les présumés coupables sont sous les verrous.
Un nouveau Peter Tremayne à lire. 28ème opus des aventures de Fidelma !