“Quatre jours avant la bombe censée rayer Bombay et nous tuer tous, je marchande une grenade avec le seul vendeur de fruits qui exerce encore son commerce au milieu des ruines de Crawford Market.”
Certains descendent les escaliers quatre à quatre et d’autres comme Manil Suri, dans ce flamboyant Bollywood Apocalypse, commencent leur roman de la même manière, créant une situation ultra dramatique et jouant sur les mots en dégoupillant aussitôt la grenade offensive en fruit inoffensif. La vie continue au bord du précipice, la vie continue car les hommes sont ainsi, ils vivent jusqu’à
la fin.
A Bombay, ancien comptoir français, une série d’attentats pakistanais met la ville à feu et à sang. Les lynchages de musulmans se généralisent dans la ville où la communauté indienne fait justice elle-même. La vieille cité devient du coup une terre de désolation et d’Apocalypse.
C’est dans cette atmosphère survoltée et déprimante que Sarita part à la recherche de son mari Kunal, un physicien de renommée internationale, qui a disparu dans un Bombay déchiré par la haine, le ressentiment et le racisme intercommunautaire. Sur son chemin elle va rencontrer Jazz, un jeune musulman qu’elle sauve in extremis du lynchage et qui lui aussi souhaite retrouver Kunal.
Le roman bascule rapidement dans une odyssée ébouriffante, déchirante et souvent hilarante. Alors que pèse sur la ville la menace d’une frappe nucléaire pakistanaise Sarita et Jazz mènent une enquête aussi dangereuse que compliquée tandis que « Superdevi » une superproduction de Bollywood pousse hindous et musulmans à se déchirer dans les rues de Mumbai le nouveau nom donné à la ville par les nationalistes hindous, en l'honneur de leur déesse Mumbadevi.
Manil Suri a choisi une narration polyphonique qui permet de dévoiler selon les points de vue bien des aspects de la réalité indienne. Bollywood Apocalypse laisse flotter les parfums lourds de l’Inde profonde lessivée par les pluies de mousson qui nettoient les rues du sang des hommes massacrés pour leurs croyances.
Et puis il y a les doutes qui traversent les individus face aux croyances religieuses comme ce fut le cas pour Sarita. « L’encens, les temples, les prières étaient un aspect fondamental de mon existence. (…) J’ai remis les choses en question en remarquant des contradictions dont je ne pouvais pas m’accommoder. (…) Une trinité de dieux émergeant du sable, c’est une façon d’interpréter les merveilles de l’Univers mais il en existe d’autres, plus subtiles, qui les expliquent peut-être de façon plus profitable. »
Bollywood est un beau roman qui nous ouvre aux contradictions qui parcourent la nation indienne mais c’est aussi un chant de tolérance que chacun devrait partager à une époque où les raidissements communautaires dans le monde amènent chacun à s’interroger sur le sens profond des religions.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
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“Quatre jours avant la bombe censée rayer Bombay et nous tuer tous, je marchande une grenade avec le seul vendeur de fruits qui exerce encore son commerce au milieu des ruines de Crawford Market.”
Certains descendent les escaliers quatre à quatre et d’autres comme Manil Suri, dans ce flamboyant Bollywood Apocalypse, commencent leur roman de la même manière, créant une situation ultra dramatique et jouant sur les mots en dégoupillant aussitôt la grenade offensive en fruit inoffensif. La vie continue au bord du précipice, la vie continue car les hommes sont ainsi, ils vivent jusqu’à la fin.
A Bombay, ancien comptoir français, une série d’attentats pakistanais met la ville à feu et à sang. Les lynchages de musulmans se généralisent dans la ville où la communauté indienne fait justice elle-même. La vieille cité devient du coup une terre de désolation et d’Apocalypse.
C’est dans cette atmosphère survoltée et déprimante que Sarita part à la recherche de son mari Kunal, un physicien de renommée internationale, qui a disparu dans un Bombay déchiré par la haine, le ressentiment et le racisme intercommunautaire. Sur son chemin elle va rencontrer Jazz, un jeune musulman qu’elle sauve in extremis du lynchage et qui lui aussi souhaite retrouver Kunal.
Le roman bascule rapidement dans une odyssée ébouriffante, déchirante et souvent hilarante. Alors que pèse sur la ville la menace d’une frappe nucléaire pakistanaise Sarita et Jazz mènent une enquête aussi dangereuse que compliquée tandis que « Superdevi » une superproduction de Bollywood pousse hindous et musulmans à se déchirer dans les rues de Mumbai le nouveau nom donné à la ville par les nationalistes hindous, en l'honneur de leur déesse Mumbadevi.
Manil Suri a choisi une narration polyphonique qui permet de dévoiler selon les points de vue bien des aspects de la réalité indienne. Bollywood Apocalypse laisse flotter les parfums lourds de l’Inde profonde lessivée par les pluies de mousson qui nettoient les rues du sang des hommes massacrés pour leurs croyances.
Et puis il y a les doutes qui traversent les individus face aux croyances religieuses comme ce fut le cas pour Sarita. « L’encens, les temples, les prières étaient un aspect fondamental de mon existence. (…) J’ai remis les choses en question en remarquant des contradictions dont je ne pouvais pas m’accommoder. (…) Une trinité de dieux émergeant du sable, c’est une façon d’interpréter les merveilles de l’Univers mais il en existe d’autres, plus subtiles, qui les expliquent peut-être de façon plus profitable. »
Bollywood est un beau roman qui nous ouvre aux contradictions qui parcourent la nation indienne mais c’est aussi un chant de tolérance que chacun devrait partager à une époque où les raidissements communautaires dans le monde amènent chacun à s’interroger sur le sens profond des religions.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)