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"Mon nom est Cohn, Gengis Cohn. Naturellement, Gengis est un pseudonyme : mon vrai prénom était Moïché, mais Gengis allait mieux avec mon genre de drôlerie. Je suis un comique juif et j'étais très connu jadis, dans les cabarets yiddish : d'abord au Schwarze Schickse de Berlin, ensuite au Motke Ganeff de Varsovie, et enfin à Auschwitz. [... ]Personnellement, je ne suis pas resté dans ce camp illustre.
Je m'en suis miraculeusement évadé, en décembre 1943, Dieu soit loué. Mais je fus repris quelques mois plus tard, par un détachement de SS sous les ordres du Hauptjudenfresser Schatz, que j'appelle Schatzchen dans l'intimité : un terme câlin qui veut dire "petit trésor", en allemand. Mon ami est maintenant commissaire de police de première classe, ici, à Licht. [... ]Nous ne nous sommes plus quittés, Schatzchen et moi, depuis cette belle journée d'avril 1944.
Schatz m'a hébergé : voilà bientôt vingt-deux ans qu'il cache un Juif chez lui".
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Un récit d'un humour féroce et cynique, une méchante métaphore de l'Histoire et de ses soubresauts entre violence et quête d'absolu avec en point d'orgue la relation presque symbiotique qu'entretiennent Cohn, le fantôme juif, et Schatz, le nazi dénazifié.
L'art et la culture en prennent pour leur grade au beau milieu de ce maelström littéraire, de ce récit iconoclaste au possible.
Et pour faire bonne mesure, la psychanalyse patauge cruellement, victime de ses propres concepts : l'Humanité est bien trop névrosée pour être sauvée par quelque moyen de son invention !
Un roman d'une grande intelligence et d'une insolence réjouissante. Du Gary, tout simplement.