Ishiguro a des origines japonaises, mais son roman reste très anglais, par la moindre virgule et jusqu'au dernier point. Il décrit la vie méticuleuse d'un majordome qui fait passer son état et son travail avant sa vie. Ce majordome est le narrateur du roman, il nous raconte ses souvenirs, ceux d'une période faste pour Darlington, et d'une période trouble pour l'histoire. Son dévouement à son maître, et à ses tâches quotidiennes, sont comme des œillères. Ishiguro utilise une écriture qui colle parfaitement à l'état d'esprit du personnage, sa manière de s'exprimer et de penser,
la désuétude de certaines formulations, son flegme tellement british. L'auteur parvient aussi à nous faire ressentir cette existence faite de lenteur et d'attente, où on ne peut même pas se permettre de s'ennuyer. C'est le bilan d'une vie, durant six jours de vacances, les souvenirs émergent par petites vagues, et de manière implacable on assiste, à la croisée des chemins, à un beau gâchis ; la mélancolie qui se dégage du livre est troublante par son intensité. La rigidité aristocratique du majordome, sous les rayons du soleil couchant, se craquèle pourtant de manière infime, il en devient touchant lorsqu'il échafaude son projet d'existence "Il est peut-être temps, décidément, que j'envisage toute la question du badinage de façon un peu plus enthousiaste. Après tout, quand on y pense, ce n'est pas un centre d'intérêt si stupide - surtout s'il s'avère que le badinage est la clef de la chaleur humaine".
Majordome
Un roman extrêmement bien écrit, exigeant ou les réflexions et considérations d'un majordome à l'anglaise ; un parfum suranné flotte autour de cette histoire, éloge de la lenteur, de la retenue, de la dignité. C'est étonnant.