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"Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C'est, je l'ai dit, une question de "dignité"". Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l'influent Lord Darlington puis d'un riche Américain.
Les temps ont changé et il n'est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu'à ce qu'il parte en voyage vers Miss Kenton, l'ancienne gouvernante qu'il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés...
The Remains of the Day
Ishiguro a des origines japonaises, mais son roman reste très anglais, par la moindre virgule et jusqu'au dernier point. Il décrit la vie méticuleuse d'un majordome qui fait passer son état et son travail avant sa vie. Ce majordome est le narrateur du roman, il nous raconte ses souvenirs, ceux d'une période faste pour Darlington, et d'une période trouble pour l'histoire. Son dévouement à son maître, et à ses tâches quotidiennes, sont comme des œillères. Ishiguro utilise une écriture qui colle parfaitement à l'état d'esprit du personnage, sa manière de s'exprimer et de penser, la désuétude de certaines formulations, son flegme tellement british. L'auteur parvient aussi à nous faire ressentir cette existence faite de lenteur et d'attente, où on ne peut même pas se permettre de s'ennuyer. C'est le bilan d'une vie, durant six jours de vacances, les souvenirs émergent par petites vagues, et de manière implacable on assiste, à la croisée des chemins, à un beau gâchis ; la mélancolie qui se dégage du livre est troublante par son intensité. La rigidité aristocratique du majordome, sous les rayons du soleil couchant, se craquèle pourtant de manière infime, il en devient touchant lorsqu'il échafaude son projet d'existence "Il est peut-être temps, décidément, que j'envisage toute la question du badinage de façon un peu plus enthousiaste. Après tout, quand on y pense, ce n'est pas un centre d'intérêt si stupide - surtout s'il s'avère que le badinage est la clef de la chaleur humaine".