Parce que parfois, il y a cette langue particulière, une écriture dingue qui vient, comme ça, s’introduire chez vous sans sommation, comme une clé tordue qui fouraille la serrure bien droite de votre esprit, de votre corps, qui fait pousser des monstres, des fantômes et des souvenirs qui ne sont pas les vôtres.
La mort à Rome ou le roman fiévreux, halluciné, d’une Allemagne qui vient juste de sortir de la guerre, vaincue.
Années 50, rendez-vous à Rome.
Rome est cette catin poudrée comme une princesse. Rome, ici, est une ville hantée par les démons et la mémoire, elle
fourmille d’ombres et de vapeurs méthylène.
Y errent des âmes défuntes, abasourdies par la corruption des autres, par la perte de leur troisième Reich glorieux. Y errent des âmes nouvelles qui cherchent à tailler dans la chair des camps pacifiés, une issue de sortie, une miséricorde.
Ambiance baroque noir, rues affamées de corps, réflexions empuanties par la guerre, néons irisés d’une société en voie de reconstruction, La mort à Rome est un fleuve dévastateur. Une fièvre comme une volonté d’expulser les derniers relents d’une histoire tragique.
Dont on sort éberlué, conforté dans l’idée que la littérature possède ses héros.
Dont on sort l’esprit chevrotant, scabreux.
Dont on sort, hantés comme les rues de Rome.
Un très grand livre !
Merci aux éditions du Typhon pour cette réédition d’un auteur tombé chez nous dans l’anonymat. Et pour ce travail sur l’objet toujours aussi précieux et soigné.
Kaléidoscope de la mort
Cinématographique. Kaléidoscopique. Virtuose dans sa démarche. Profond dans ses réflexions (dans la veine de Musil et de Broch). Tranchant dans ses propos.
Ce roman de l'Allemagne post-Hitlérienne est un tir dans le brouillard, un coup de couteau dans le noir. Et puis, quelle beauté – la beauté de la langue : sa musique, ses images !
À lire, ou à relire, l'esprit éveillé, le cœur – et le ventre – tenus en haleine.