Le 22 février 1680, Catherine Montvoisin, dite la Voisin, est brûlée vive pour son implication dans l’affaire des poisons qui fait alors scandale. Elle aussi soupçonnée, sa fille Marie-Marguerite est incarcérée à la prison de Vincennes. Pour tenter d’échapper à la peine de mort, elle relate, à l’intention de M. de la Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, les faits et gestes de sa mère, livrant les secrets de ses activités et la liste de ses clients.
Au départ accoucheuse et guérisseuse, l’ambitieuse et cynique Voisin réalise bien vite que la fortune
lui tend les bras, pourvu qu’elle s‘applique, elle qu’aucun scrupule n’étouffe, à adapter sans broncher ses services à la demande. De sage-femme à avorteuse, de pourvoyeuse de remèdes à marchande de philtres d’amour puis, surtout, de poisons, de devineresse à sorcière recourant à des cérémonies sataniques, elle devient si bien providentielle que la voilà bientôt presque victime de son succès, petites gens comme grands de ce monde piétinant sans discontinuer devant chez elle pour acheter à prix d’or poudres et maléfices destinés à résoudre leurs tracas et déboires.
« Dire aux plus grands que leurs pairs et leurs proches me consultent, tandis que je leur cache que ceux-ci viennent me demander de se débarrasser d’eux. Un vrai sac de nœuds ! Il arrive que, dans un seul foyer, on me paie doublement ! » C’est à croire que la France entière a un époux volage à retenir, un rival à éliminer, un ivrogne ou un barbon trop peu empressé de libérer la place. Venus masqués en leurs carrosses, les grands noms de la Cour ne sont pas les moins assidus. Au point qu’après le scandale et le procès qui surviendront, Louis XIV ordonnera, pour ne pas entacher durablement l’éclat de sa Cour, de faire brûler procès-verbaux et rapports de police. Il faut dire qu’il n’y aura pas jusqu’à la célèbre maîtresse royale, Madame de Montespan, à se retrouver impliquée : friande de poudres aphrodisiaques, commanditaire de messes noires comprenant des sacrifices de nourrissons, elle aurait fini par vouloir empoisonner le roi lui-même et sa maîtresse du moment, Marie Angélique de Fontanges. D’ailleurs, en tout, ce sont des milliers d’enfants et de nourrissons qui auraient été éviscérés pour fournir à la Voisin les ingrédients nécessaires à ses potions...
En virtuose des détails historiques les plus truculents, Isabelle Duquesnoy poursuit dans la veine de ses précédents romans L’embaumeur et La Pâqueline, à ceci près qu’ici, aucun personnage n’est fictif. L’on retrouve donc avec plaisir le ton réaliste et insolent, l’humour grinçant et le vocabulaire ancien qui accompagnent une narration terriblement vivante où la réalité historique dépasse de loin la fiction pour nous stupéfier littéralement. Coup de coeur.
Coup de coeur
Le 22 février 1680, Catherine Montvoisin, dite la Voisin, est brûlée vive pour son implication dans l’affaire des poisons qui fait alors scandale. Elle aussi soupçonnée, sa fille Marie-Marguerite est incarcérée à la prison de Vincennes. Pour tenter d’échapper à la peine de mort, elle relate, à l’intention de M. de la Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, les faits et gestes de sa mère, livrant les secrets de ses activités et la liste de ses clients.
Au départ accoucheuse et guérisseuse, l’ambitieuse et cynique Voisin réalise bien vite que la fortune lui tend les bras, pourvu qu’elle s‘applique, elle qu’aucun scrupule n’étouffe, à adapter sans broncher ses services à la demande. De sage-femme à avorteuse, de pourvoyeuse de remèdes à marchande de philtres d’amour puis, surtout, de poisons, de devineresse à sorcière recourant à des cérémonies sataniques, elle devient si bien providentielle que la voilà bientôt presque victime de son succès, petites gens comme grands de ce monde piétinant sans discontinuer devant chez elle pour acheter à prix d’or poudres et maléfices destinés à résoudre leurs tracas et déboires.
« Dire aux plus grands que leurs pairs et leurs proches me consultent, tandis que je leur cache que ceux-ci viennent me demander de se débarrasser d’eux. Un vrai sac de nœuds ! Il arrive que, dans un seul foyer, on me paie doublement ! » C’est à croire que la France entière a un époux volage à retenir, un rival à éliminer, un ivrogne ou un barbon trop peu empressé de libérer la place. Venus masqués en leurs carrosses, les grands noms de la Cour ne sont pas les moins assidus. Au point qu’après le scandale et le procès qui surviendront, Louis XIV ordonnera, pour ne pas entacher durablement l’éclat de sa Cour, de faire brûler procès-verbaux et rapports de police. Il faut dire qu’il n’y aura pas jusqu’à la célèbre maîtresse royale, Madame de Montespan, à se retrouver impliquée : friande de poudres aphrodisiaques, commanditaire de messes noires comprenant des sacrifices de nourrissons, elle aurait fini par vouloir empoisonner le roi lui-même et sa maîtresse du moment, Marie Angélique de Fontanges. D’ailleurs, en tout, ce sont des milliers d’enfants et de nourrissons qui auraient été éviscérés pour fournir à la Voisin les ingrédients nécessaires à ses potions...
En virtuose des détails historiques les plus truculents, Isabelle Duquesnoy poursuit dans la veine de ses précédents romans L’embaumeur et La Pâqueline, à ceci près qu’ici, aucun personnage n’est fictif. L’on retrouve donc avec plaisir le ton réaliste et insolent, l’humour grinçant et le vocabulaire ancien qui accompagnent une narration terriblement vivante où la réalité historique dépasse de loin la fiction pour nous stupéfier littéralement. Coup de coeur.