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Comment comprendre l’incompréhensible ?
C’est pourtant ce que cherche l’auteure, Dominique Sigaud, en analysant les pensées, exprimées ou non, de Franz Stangl, commandant des camps d’extermination de Treblinka et Sodibor durant la seconde guerre mondiale, puis paisible retraité retiré au Brésil jusqu’à son arrestation en 1967.
Dès le début de la lecture, nous savons que la tâche est impossible. Et l’on tourne et retourne autour de réflexions sur l’humain qui sombre dans l’inhumain… Les pages sont parfois interminables.
Le style est spécial ; sur un sujet aussi émotionnel, il est souvent dénué d’émotion !
Cependant l’intention est honorable,l’auteure a le mérite d’essayer, et il est toujours rassurant que certains rappellent à nos mémoires ce macabre passage de notre histoire. D’autant plus que celui-ci résonne différemment selon l’actualité. A l’heure où l’extrémisme et la peur de l’autre font un bond en avant en Europe, il est souhaitable de se demander si nous aurions agit différemment de cet homme que nous jugeons monstrueux.
Je conseille ce livre aux amateurs d’histoire, aux lecteurs à la fibre anthropologique, mais je ne vous cache pas qu’il est parfois répétitif et plutôt mélancolique.

Avec ce livre, Dominique Sigaud tente de s'approcher du terrifiant dragon à mille têtes pour mieux en percevoir les mécanismes, pour mieux le combattre. Ce dragon désigne ici le Mal qui sévit partout dans notre monde, qui grouille et pullule même après l'horreur de la seconde guerre mondiale et des camps d'extermination, qui rampe insidieusement pour s'installer dans nos vies, s'incarnant de différentes manières à travers différents serviteurs. En cela, le sujet de "Franz Stangl et moi" n'est pas tant la Shoah que la manière dont celle-ci se répercute à des degrés divers dans notre monde contemporain. Le livre est construit de manière hétéroclite, fragmentaire, mêlant les réflexions de l'auteur, ses souvenirs personnels et le récit à la fois fictif et réel des dernières vingt-quatre heures de Franz Stangl, seul dignitaire nazi à avoir admis du bout des lèvres avant de mourir sa part de responsabilité dans l'horreur du génocide. Certains passages sont superbes : la différence entre les "uns" et les "x", la place importante du violon dans le texte, le lien établi entre le salon familial de l'enfance et l'Holocauste, la manière dont l'auteur se glisse dans la cellule de Stangl, le choix du terme "werra" pour désigner la période englobant la seconde guerre mondiale... Un livre érudit, littéraire, qui nous hante longtemps.