Il y a des livres qu'on écrit parce qu'il y a des douleurs qui ne doivent pas rester à l'intérieur, à cause de la gangrène sans doute, à cause des mauvais sangs qui se mettent à couler à l'envers des veines.
Il y a de ces livres qui font de la mémoire un temple surexposé, délirant, un temple transgressé, il en va de ces temples comme ces éviers dont on enlève la bonde, ils s'écoulent, ils prennent le large, ils s'évacuent de nous.
Que cherche-t-on à construire quand l'enfance s'est noyée dans le bain des armes, des instincts morbides, de la folie du père en proie aux
démons de l'être quitte à disparaître, que peut-on trouver derrière les murs dressés d'épines, que cache la nuit, que montre le jour ?
Parce que nécessité fait loi dit-on, parce que la tragédie de l'enfance enfante cauchemars et perte de repères - parce que la lumière doit bien être capable de traverser les mots, non ?
Alors toujours cette réponse apportée aux mêmes questions : l'Ecriture. David Vann écrit. Il construit une oeuvre en déconstruisant son passé. David Vann écrit génialement ce que le sordide et l'irréel ont de plus fort au fond de lui, au fond de nous. Il ne suffit jamais de parler que de soi, ça ne sert à rien de ne parler que de soi.
Alors David Vann, de roman en roman, dresse une cartographie foudroyée de son histoire, de sa psyché, des drames qui couvent dans notre société, des absence parfois, des présences aussi.
Et puis, il y a toute l'Amérique de David Vann, celle des grands espaces, celle des motels cradingues, des stations-services seules étincelles de vie la nuit le long des longues routes, cette Amérique armée jusqu'aux dents, montée sur des picks-up rugissants, cette violence qui dégueule et se répand partout autour. Cette Amérique des Mythologies Contemporaines que l'on exècre autant qu'on ne peut s'empêcher de regarder d'un œil attentif et jaloux.
Un poisson sur la lune est un antidote fiévreux à la vie et à la mort, une odyssée déliquescente, un océan de nuit dans un clignotement de lumières. Un de ces très bons livres dont David Vann a le secret, un secret qu'il aime partager.
Dans les limbes de la dépression
L'auteur nous fait pénétrer avec un grand talent dans la conscience de son personnage suicidaire. Comment survivre quand, arrivé à la quarantaine, on ne voit sa vie que comme une succession d'échecs ? Comment accepter cette vie immobile, cette vie de devoirs que prône les parents du personnage principal ? Voici quelques questions soulevées par cet admirable roman.