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Pour étancher la soif, qui est une soif d'absolu, deux possibilités se présentent : la boisson et la drogue. Les uns boivent par peur de penser, d'autres par crainte de ne pas trouver plus sot que soi. Mais comment en sortir ? Le mystérieux "personnage de derrière les fagots" pourrait bien détenir la clef de l'issue : un « véritable mode d'emploi de la parole ». Des jeux de langage réjouissants se déversent à flots continus dans ce récit inclassable, entre la pataphysique de Jarry et la Divine Comédie de Dante.
De page en page, le lecteur va de surprise en surprise, et l'auteur de dénonciation en dénonciation, celle des faux semblants et du bas matérialisme. Du cercle de la soif, le lecteur plonge dans les paradis artificiels, avant de retrouver « la lumière ordinaire du jour ».
Entre 1922 et 1925, René Daumal (1908-1944) est élève au lycée de Reims, où il fait la connaissance de Roger Gilbert-Lecomte, Robert Meyrat et Roger Vaillant.
Il se lance dans l'étude du sanskrit et multiplie les expériences sur l'état de la conscience dans les phases de sommeil. Avec ses camarades, il lance en 1928 une revue : Le Grand Jeu. Après la publication d'une recueil de poèmes Contre-ciel (1935) puis de La Grande Beuverie (1939), il se lance dans la traduction de textes hindous.
Fol éther
Ça commence comme ça - alors que le vin coule à flots et que malgré tout on ne parvient jamais à étancher sa soif -, par un discours sur la puissance des mots. La philosophie devient comptoir, les têtes tournent à la vapeur d’alcool, l’imagination lâche les brides de la vraisemblance.
L’intelligence n’a plus de bornes que la frivolité délirante des mots et de la pensée. On se retrouve dans cet ailleurs lointain où toute réalité se fait œuvre fantaisiste. On y élabore concepts et prophéties, poésie et vanité, tout y est n’importe quoi tout en restant vissé à la perception viscérale du monde. On y règle ses comptes, contre la bêtise et la critique, contre une société en proie à son propre désœuvrement. On jubile, on rit, on prend des postures de dramaturgie hilare.
René Daumal écrit comme on projette un trait d’arbalète, c’est une comète lancé à pleine vitesse dans l’univers rond de la routine. Echevelée, l’écriture de Daumal possède cette folie, cette mélodie étincelante, qui font de cette grande beuverie une bacchanale puissamment originale.
C’est Socrate passé à la moulinette d’Audiard,
c’est Alice au pays des merveilles sauce Alfred Jarry
Désopilant et grave !
On ne remerciera jamais assez les éditions Allia.