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Texte intégral révisé suivi d'une biographie de René Daumal. Dans les années '30, le principal auteur du "Grand jeu" cherche dans l'enseignement d'Alexandre de Salzmann, un élève de Georges Gurdjieff, les moyens de poursuivre sa recherche spirituelle. Sous son influence, il se consacre à l'étude des sources de la pensée orientale et apprend le sanscrit pour accéder aux grands textes védiques sacrés et profanes.
Mais le véritable centre de sa réflexion, à cette époque, reste le propre enseignement de Salzmann et de son épouse, qui vise essentiellement à la maîtrise du corps, des instincts et de l'intellect. Sous le contrôle du "maître", il trouve une sorte d'équilibre et commence à jeter un regard critique sur ses erreurs passées. Le roman philosophique "La Grande Beuverie" est le fruit de l'examen sans complaisance de ses illusions de jeunesse et des diverses impostures littéraires dont il a été victime ou témoin.
Avec une verve qui doit plus à la 'Pataphysique qu'à l'ésotérisme, il y dénonce les paradis artificiels, qu'il s'agisse de la drogue à laquelle son ami Roger Gilbert-Lecomte s'était abandonné, ou de toutes les formes d'évasion banale et d'activisme vain comme les pratiquent "Pwatts", "Ruminssiés" et "Kirittiks". Les philosophies orientales elles-mêmes n'échappent pas à l'éreintement. "Alors que la philosophie enseigne comment l'homme prétend penser, la beuverie montre comment il pense".
Fol éther
Ça commence comme ça - alors que le vin coule à flots et que malgré tout on ne parvient jamais à étancher sa soif -, par un discours sur la puissance des mots. La philosophie devient comptoir, les têtes tournent à la vapeur d’alcool, l’imagination lâche les brides de la vraisemblance.
L’intelligence n’a plus de bornes que la frivolité délirante des mots et de la pensée. On se retrouve dans cet ailleurs lointain où toute réalité se fait œuvre fantaisiste. On y élabore concepts et prophéties, poésie et vanité, tout y est n’importe quoi tout en restant vissé à la perception viscérale du monde. On y règle ses comptes, contre la bêtise et la critique, contre une société en proie à son propre désœuvrement. On jubile, on rit, on prend des postures de dramaturgie hilare.
René Daumal écrit comme on projette un trait d’arbalète, c’est une comète lancé à pleine vitesse dans l’univers rond de la routine. Echevelée, l’écriture de Daumal possède cette folie, cette mélodie étincelante, qui font de cette grande beuverie une bacchanale puissamment originale.
C’est Socrate passé à la moulinette d’Audiard,
c’est Alice au pays des merveilles sauce Alfred Jarry
Désopilant et grave !
On ne remerciera jamais assez les éditions Allia.