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"- Tu as trop bu. Couche-toi là-dessus, repose ta carcasse et réfléchis.
Je me sentais inondé de paix. Maintenant je pouvais penser librement. Or, je m'endormis."
Une descente dans les abîmes. René Daumal explore ceux du monde matérialiste, et aussi ceux que chacun de nous recèle en lui. Au cours d'une beuverie, l'auteur visite la Jérusalem contre-céleste, où séjournent les Évadés. Artistes, scientistes, faux sages s'y enivrent de paradis artificiels.
Puis vient le réveil. L'auteur va apprendre à mieux se connaître, à approfondir la voie introspective. "Alors que la philosophie enseigne comment l'homme prétend penser, la beuverie montre comment il pense."
Fol éther
Ça commence comme ça - alors que le vin coule à flots et que malgré tout on ne parvient jamais à étancher sa soif -, par un discours sur la puissance des mots. La philosophie devient comptoir, les têtes tournent à la vapeur d’alcool, l’imagination lâche les brides de la vraisemblance.
L’intelligence n’a plus de bornes que la frivolité délirante des mots et de la pensée. On se retrouve dans cet ailleurs lointain où toute réalité se fait œuvre fantaisiste. On y élabore concepts et prophéties, poésie et vanité, tout y est n’importe quoi tout en restant vissé à la perception viscérale du monde. On y règle ses comptes, contre la bêtise et la critique, contre une société en proie à son propre désœuvrement. On jubile, on rit, on prend des postures de dramaturgie hilare.
René Daumal écrit comme on projette un trait d’arbalète, c’est une comète lancé à pleine vitesse dans l’univers rond de la routine. Echevelée, l’écriture de Daumal possède cette folie, cette mélodie étincelante, qui font de cette grande beuverie une bacchanale puissamment originale.
C’est Socrate passé à la moulinette d’Audiard,
c’est Alice au pays des merveilles sauce Alfred Jarry
Désopilant et grave !
On ne remerciera jamais assez les éditions Allia.