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« À mesure que nous avancions, mon naturel revint, et je tournai avec plaisir ma pensée vers la nouvelle vie dans laquelle j'allais entrer. Quoique l'on ne fût encore qu'au milieu de septembre, les nuages sombres et un fort vent de nord-est rendaient le temps extrêmement froid et triste. Le voyage nous paraissait long : car, ainsi que le disait Smith, les routes étaient "très lourdes, " et assurément son cheval était très lourd aussi ; il rampait aux montées et se traînait aux descentes, et ne consentait à se mettre au trot que lorsque la route était de niveau ou en pente très douce, ce qui était rare dans ces régions accidentées.
Il était près d'une heure lorsque nous arrivâmes à notre destination ; et pourtant, quand nous franchîmes la grande porte de fer, quand, roulant doucement sur l'avenue sablée et unie, bordée de chaque côté par des pelouses plantées de jeunes arbres, nous approchâmes de la splendide résidence de Wellwood s'élevant au-dessus des peupliers qui l'environnaient, le cour me manqua, et j'aurais voulu en être encore à un mille ou deux.
Pour la première fois de ma vie, j'allais me trouver livrée à moi-même ; il n'y avait plus de retraite possible. Il me fallait entrer dans cette maison, et m'introduire moi-même parmi ses habitants inconnus. Comment fallait-il m'y prendre ? Il est vrai que j'avais près de dix-neuf ans ; mais, grâce à ma vie retirée et aux soins protecteurs de ma mère et de ma sour, je savais bien que beaucoup de jeunes filles de quinze ans et au-dessous étaient douées de plus d'adresse, d'aisance et d'assurance que moi.
"Pourtant, me disais-je, si mistress Bloomfield est une femme bonne et bienveillante, je m'en tirerai fort bien ; quant aux enfants, je serai bientôt à l'aise avec eux, et j'espère n'avoir guère affaire avec M. Bloomfield." »
BnF collection ebooks a pour vocation de faire découvrir en version numérique des textes classiques essentiels dans leur édition la plus remarquable, des perles méconnues de la littérature ou des auteurs souvent injustement oubliés.
Tous les genres y sont représentés : morceaux choisis de la littérature, y compris romans policiers, romans noirs mais aussi livres d'histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou sélections pour la jeunesse.
A découvrir
Après plusieurs déceptions, j’ai choisi de me plonger dans un roman dont, je l’espérais fortement, la lecture devait être une bulle de bonheur. Bon, ce roman n’est clairement pas celui que je préfère des sœurs Brontë (loin derrière Jane Eyre dont on retrouve pourtant plusieurs aspects), mais la plume est toujours là, de qualité et qui emporte le lecteur.
Bizarrement, j’ai au final bien plus pensé à du Jane Austen qu’aux autres romans des sœurs Brontë. A l’instar d’un Orgueil et Préjugés par exemple, dans Agnès Grey, point de surprise. On sait fort bien comment va finir le roman : notre jeune gouvernante si vertueuse ne peut que trouver le bonheur avec le seul homme dont elle est digne.
Là où Charlotte Brontë prête à sa Jane des défauts qu’elle essaie de combattre mais surtout une force de vivre, un appétit et une passion, l’Agnès d’Anne est beaucoup plus en retenue et quasi sans défaut. La vertu et la morale sont dès le départ des qualités indiscutables de la jeune fille : il faut louer le Seigneur, être digne de lui, modeste, vertueuse… Aucune envolée romantique dans sa relation à Edward, même si quelques doutes apparaissent parfois, alors que ses sœurs font subir à leur héroïne les affres de la jalousie. Nous ne sommes pas dans un roman gothique. Malgré son manque de charisme, Anne suscite néanmoins l’attachement du lecteur. C’est une jeune femme profondément bonne.
Alors, certes, on fait vite le parallèle entre la vie d’Anne et celle d’Agnès, dont d’ailleurs elle ne se cache pas. Même enfance, même expérience professionnelle, mêmes environnement familial. Ce roman est fortement ancré dans son époque et montre cette zone grise où les jeunes filles de bonne famille mais sans fortune devaient trouver leur place, mal considérées aussi bien par les employeurs que par leurs domestiques. Anne Brontë nous offre ici un formidable témoignage sur la position féminine de l’époque, laissant de côté toute mièvrerie.
Pas le meilleur roman des sœurs donc, d’autant que la construction est assez bancale : toute la première partie se déroulant chez les Bloomfield n’apporte pas grand-chose d’autre que de mettre en balance les difficultés qu’Agnès rencontrera chez les Murray. Mais j’ai tout de même vraiment apprécié cette lecture et j’ai bien envie de découvrir d’autres titres de la famille que je ne connais pas encore.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2012/11/agnes-grey-anne-bronte.html