911 de Shannon Burke nous plonge dans l'univers des ambulanciers travaillant dans le Harlem des années 90.
Les ambulanciers sont souvent les premiers sur les lieux, avant la police et les médecins ; ils sauvent parfois des vies en intubant un vieillard pris d'une crise d'asthme, mais ne peuvent rien tenter lorsque l'arrière du crâne d'un gamin a été emporté par une balle de gros calibre.
Le Harlem décrit par Shannon Burke est un cauchemar : les populations les plus aisées sont parties (Harlem perd près de 30% de sa population), les immeubles sont de moins en moins entretenus,
certains sont abandonnés par leur propriétaire. L'eau, l'électricité sont parfois coupées.
La mortalité infantile bat des records, les dealers sont de partout.
Les ambulanciers sont assimilés à l'establishment, au pouvoir, ils sauvent des vies mais certains passent des jours sans un seul "Merci", ils doivent parfois se défendre..
Ollie Cross est une bleusaille, étudiant en médecine qui a décidé de s'immerger dans la réalité pour mieux réussir ses études de médecine. Il a choisi cette voie parce qu'il aime aider les autres.
Shannon Burke nous décrit l'adaptation progressive d'Ollie dans ce monde caché, ses collègues le traitent de "Mère Teresa" puis, au fil des interventions, il s'endurcit, se déshumanise, perd le contact avec sa vie d'avant, tombe dans un bourbier psychologique sans nom.
Au delà de la description des interventions,difficiles (des doigts de pied qui tombent tout seul lorsqu'il enlève la chaussette d'une femme diabétique, la violence quotidienne), l'auteur s'interroge sur la capacité à supporter ce métier, à travers de belles descriptions de personnages très variés (Verdis, qui fait preuve d'une empathie démesurée, est un personnage magnifique).
Si la plupart jouent l'indifférence, aucun ne l'est, tous doivent trouver des moyens de survivre, certains faisant le plus mauvais choix possible ...
Shannon Burke mêle habilement les scènes d'intervention, les échanges entre équipiers, les moments de solitude. Viennent s'intercaler de petits textes, tout droit sortis d'un manuel d'obstétrique, détaillant les règles à respecter pour un accouchement, sans doute pour nous rappeler que la vie n'a pas de prix.
Ce livre est à rapprocher, dans l'univers différent de la Guerre du Vietnam, du "Putain de Mort" de Michel Herr.
Le titre original est Black Flies.
Urgences
Je ne classerai pas ce roman dans les thriller parce que ce n'est pas cela. Il y a des horreurs certes que l'on peut découvrir au fil des pages, mais ce qui les rend encore plus terribles, c'est qu'elles sont empreintes d'une réalité palpable et bien tangible.
On est en 1993 et ce passé tout proche est parfaitement contemporain. Le visage de New-York et plus précisément de Harlem n'est pas glamour. Il est sordide, violent, sanglant, inhumain.
L'auteur sait de quoi il parle. Il a lui-même été ambulanciers urgentistes. C'est sans doute pour cela que l'on y croit tant à ce que l'on peut lire. Ces interventions sont plus incroyables les unes que les autres alors que l'on sait très bien que la réalité dépasse si souvent la fiction.
L'écriture est comme l'action : courte, rapide, intense.
On découvre aussi la vie de ces ambulanciers, ces groupes unis, soudés et qui pourtant compte des individus si différents les uns des autres. Leurs vies sont mises à mal et la tragédie est latente.
Voilà un livre qui claque comme un bruit de portière d'ambulances. On est éblouie par la noirceur des propos et par des lumières trop violentes de la réalité.
On est scotché et c'est rare.
À lire parce que l'Amérique n'aura plus jamais le même visage... après.