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Six lettres : H I P H O P, pour désigner trois courants ayant trait à la musique, la danse et la peinture. Thomas Blondeau, auteur de plusieurs ouvrages dont Combat rap et Hip-hop : une histoire française, raconte aux plus jeunes les origines de ce mouvement devenu incontournable. On démarre à la source, avec le rap américain de ses débuts à aujourd’hui, puis direction la scène française. Cette dernière s'inspire largement du modèle outre-Atlantique avant de trouver son propre style et de devenir le deuxième producteur mondial de cette musique. On peut ensuite tourner sur la tête
et breaker comme un b-boy ou une b-girl, grâce à une présentation détaillée des pas de danse les plus célèbres. Et on finit avec le graffiti, art illégal, qui a recouvert les murs des villes et les métros avant d’entrer dans les galeries d’art.
Une belle source iconographique et documentaire pour appréhender dans son ensemble ce courant, qui infuse toute la culture actuelle, et évolue sans cesse.
Visuellement, j’avais adoré Shangri-La (roman graphique, également de SF, paru en 2016), mais l’histoire ne m’avait pas totalement embarqué. Ici, cela reste encore incroyable visuellement, peut-être même plus fort encore, et le sujet me touche davantage. Cette question : comment l’humain peut-il s’accomplir, satisfaire son ego dans un environnement collectif, comment peut-il survivre dans ce monde chaque jour un peu plus proche du chaos, mais qui, on ne sait trop comment, tient toujours en équilibre ? C'est plutôt déprimant comme récit, puisque le futur décrit est totalement anxiogène, pourtant la volonté d’un idéal reste présente tout du long. Comme le souligne Alain Damazio dans la postface, Mathieu Bablet signe un roman graphique totalement ancré dans son époque, celle du numérique et de l’intelligence artificielle, mais traite ces sujets avec une hauteur et une réflexion qui nous transportent vers un ailleurs, emprunt d’amour, possible ou non...
L’épaisseur et la densité de ce roman graphique peuvent effrayer, et je n’accroche que moyennement sur le dessin, mais le contenu est prodigieux. Les récits croisés des protagonistes sont très clairs à la lecture et la masse d’infos collectées est impressionnante pour narrer la course à la bombe atomique à la fin des années 30 et durant la seconde guerre mondiale. J’ai retenu notamment les tests par l’armée américaine de plutonium sur des civils non informés de ce qui les attendait, ainsi que - parmi les conséquences inattendues autour de cette bombe atomique - l’orgie de chair humaine par des requins en plein Pacifique... Sans oublier les questionnements des scientifiques quant à la découverte de cette bombe surpuissante et à son utilisation contre des populations. Les auteurs réussissent même à créer du suspens, alors que l’on sait comment tout cela finira. Hautement recommandé.
La forme a de quoi décontenancé : un récit sous formes d'instantanés poétiques où présent, passé et futur s'entrecroisent, et le fond, sombre, pourrait rebuter. Pourtant, ce premier roman du poète écossais Robin Robertson, sur fond d'errance, de récits de guerre et de réalité sociale, se révèle puissant. Et pour les cinéphiles, l’auteur dresse une liste parfaite des meilleurs polars de l’époque sortis au cinéma. Pleins de bonnes raisons, donc, pour accepter de se faire bringuebaler dans les bas-fonds de Los Angeles et de l’âme humaine, de naviguer dans les quartiers de
Skid Row et Bunker Hill, où les laissés-pour-compte ne sont qu’à quelques blocs des lieux de tournage où opèrent les stars d’Hollywood. L'occasion de suivre Walker, un Canadien de retour de la seconde guerre mondiale, toujours hanté par ce qu'il y a vu, qui se retrouve journaliste à couvrir les faits divers dans l'Amérique des années 50...
Mon passage préféré :
- J’ai fait une guerre et, quand je suis rentré, j’ai perdu les miens.
- Morts ?
- Non, perdus.
A l’apogée de sa carrière de chanteur, musicien, poète et écrivain dans les années 70, Gil Scott-Heron disparaît des radars dans les années 80. Il revient en 2010 avec l’album I’m New Here, incluant sa reprise envoûtante et apocalyptique de Me and the Devil, avec sa voix éraillée. En 2012, est publiée La dernière fête : Mémoires. Il n’y est pas question de sa période la plus sombre, de son addiction à l’héroïne, ni de ses séjours en prison, ou de sa séropositivité. Non, l’artiste revient sur son enfance, sa lutte au quotidien en tant qu’homme noir dans le système
scolaire, ses débuts dans l’écriture et la musique, ses brèves rencontres avec Michael Jackson, Bob Marley ou Miles Davis, mais surtout celle avec Stevie Wonder qu’il accompagne en tournée. Il a d’abord voulu raconter sa vie, dans le Tennessee puis à New-York, pour souligner ensuite l’importance qu’a eu le musicien dans la création de la journée dédiée à Martin Luther King. Le fameux titre Happy Birthday de Stevie étant dédié au pasteur noir.
Même si elle laisse de nombreuses zones d’ombre, que l’on éclaircira jamais, Gil mourant en 2011, cette autobiographie est une plongée fascinante dans l’Amérique des années 50 à 80, dans l’industrie musicale de l’époque et la lutte pour l’égalité de droits des noirs. Un ouvrage idéal pour découvrir cet artiste relativement peu connu en France, qui a eu une influence considérable sur ce que sera le rap, alors que le texte qu’il scandait dans son titre le plus connu est toujours d’actualité : « The revolution will not be televised, will not be televised, will not be televised, the revolution will be live. »
Illustrateur pour The New Yorker, à qui l'on doit des pochettes de Rage Against the Machine ou Faith No More, Eric Drooker est un observateur de son époque avec un goût prononcé pour le militantisme. Dans ce roman graphique sans texte, il propose une plongée dans un pays qui pourrait être le Vietnam, dans lequel des soldats, possiblement des Américains, débarquent et tuent tous les villageois. Seule une jeune femme, accompagnée d'un chien, réussit à s'échapper à bord d'une barque. Au terme de ce périple, elle se retrouve dans une grande ville (qui ressemble à New York) et rencontre
un musicien de rue.
Avec des préoccupations sociales et mondiales, à l'image de Joe Sacco, qui signe ici la préface, Drooker propose un récit à la fois touchant, sombre et rempli - malgré tout - d'un espoir fantasmagorique. Il interroge aussi sur la possibilité de l'individu à trouver sa place dans ce monde d'humains délocalisés, devant choisir notamment entre la nature ou la ville, et devant faire face à une autorité multiple.
Scénariste et coloriste, auteur de la série Les Ogres Dieux, Hubert nous a quittés en février 2020, laissant un dernier ouvrage avec Zanzim : Peau d'homme. Il s'agit d'un conte moderne ancré dans le passé (l'Italie de la Renaissance), qui permet d'explorer notre rapport à la sexualité et au genre. Un récit drôle, sensuel et malin, autour de la place de la femme dans un monde patriarcal, où se mêlent amour, morale et religion.
Guillem March ne fait pas que dessiner Batman, Catwoman ou Harley Quinn pour DC Comics. Il a également signé sa propre BD. L'action se déroule à Palma de Majorque (ville d'origine de l'auteur). Catalina, une jeune femme s'est tailladée les veines dans sa salle de bains. Survient alors une autre femme, à peu près le même âge. Karmen. Elle a l'air d'être en lien avec la mort, mais on ne comprend pas totalement, qui est cette personne étrange et fantasque. Toujours est-il que Catalina se retrouve, avec Karmen, dans une sorte d'entre-deux mondes, et pourtant toujours plus ou moins en lien avec le monde réel. La suite est à découvrir dans cette BD, dans laquelle tout est réussi : le travail sur la couleur, le dessin, le scénario, les personnages. On notera évidemment le goût de March pour dessiner le corps féminin, et son talent pour signer une histoire subtile et sensible. Il réussit même à donner une autre signification à certains dessins, une fois la lecture achevée.
Vie de famille
L'histoire de l'Algérie et de la France, des années 50 à aujourd'hui, se croise dans ce roman. Le récit se centre sur le destin d'une femme, son enfance dans une Algérie colonisée, son arrivée en France, à Aubervilliers, dans les années 80, où elle va y élever ses trois enfants : deux filles et un garçon à la vision du monde très différente. La réussite du livre tient notamment à sa construction non chronologique, avec cette mère en fil rouge, et la vie de ses enfants et de son mari, intercalées tout du long, qui donne envie de connaître la suite sans cesse. On peut se douter que l'auteure s'inspire de sa vie pour livrer ce roman contemporain très humain et réaliste, tout en petites touches, avec une fin très réussie.