En cours de chargement...
Avec un sens prodigieux de la narration, Isabela Figueiredo nous emporte dans l'histoire contrariée de Maria Luisa, faite de ces humiliations et ces hontes d'être considérée grosse, ces insultes des couloirs scolaires, ces hommes qui se détournent, cette mère qui appuie làoùca fait mal ; pourtant elle est belle Maria Luisa, elle rayonne, d'envie, de plaisirs, d'idéal, elle aime l'amour et le sexe, elle aime la vie dans tout ce qu'elle offre de défis.
La grosse est un roman charnel, plein et entier de corps qui s'emboîtent, ou se rejettent, qui se dévoilent et se laissent toucher
ou bien se cachent.
La grosse dresse le portrait magnifique, touchant, d'une femme dans le creuset d'une société prise dans les feux des changements radicaux, la décolonisation du Mozambique, les chaos politiques du Portugal, et dans les eaux toujours complexes de l'acceptation de soi.
Un hommage aux sensations, un vibrant éloge des élans qui nous poussent toujours à grandir, magnétique autant que déchirant parfois.
Trois femmes. Trois époques. Un destin. Un texte qui capte l'ère du temps, l'ère des IA avec l'intelligence hybride du poète-philosophe-chasseur-cueilleur, c'est-à-dire que le futur serait les origines, que les origines auraient déjà bouffé le futur. Car tout s'imbrique dans une prose poétique, une universalité intemporelle, une danse des temps. Réussir dans un seul et même roman à nous poser le décor très XVIIIème dans les poches d'un futur proche, ou inversement, est une gageure en soi. De la basique mécanique au synthétique intelligent, de la chair à une autre chair. Et tout ça dans un fluide intime, réflexif, ouvert à mille méditations.
Comment qualifier l'écriture de Nina Allan ? Peut-être comme une fiction parfaite aux allures de traité documentaire parfois, une oscillation des genres, roman de l'anxiété de quelle-est-notre-place-dans-ce-foutu-monde?, où le temps devient cette notion floue dans laquelle nous nous ébattons. Comme une quête de sens perdus, aux repères émoussés. Nous sommes ces héros d'une littérature sans limite. Nina Allan possède ce goût du trouble qui guide ses personnages dans une symphonie hyper-construite, jamais discordante, parce que dans le chaos comme dans les cimetières poussent des
fleurs divines.
Captivant, hybride, mécanique diabolique où les questions se succèdent, se stratifient, et les révélations se font régulières, des Oh! et des Ah!, Conquest se joue des codes et nous pousse dans tous nos retranchements.
Avec comme un air de saudade, Hors-Sol dresse le portrait d'un homme de son temps, de notre temps, ce temps fait de questionnements existentiels, de quête perpétuelle, d'exils mélancoliques. Cette époque qui nous pousse et nous retient, qui nous vogue de l'utopie à l'ineptie, comment trouver sa place quand tout semble disponible et dans le même temps si creux.
Du Portugal natal à la France, de la France à Montréal, de Montréal à l'un des épicentre touristiques actuels l'Islande, Alvare ingénieur en biologie végétale, précieux, indécis et distant, vit une vie sans attache,
jette son ancre dans des laboratoires hydroponiques, où la mesure est la règle, où tout se passe comme cela doit se passer. L'amour parfois entretient ses parenthèses douces, des échappatoires à l'ordinaire.
Une sensibilité du mot, une vision éclairée de nos déboires, nos futilités. Une langue de silences et de regards. Hors-Sol comme une métaphore des hommes et des femmes suspendus au-dessus des choses sans jamais vraiment les toucher.
Un roman au transport entêtant, une fable moderne entre désirs et désarroi. Entre douceur de l'être et du végétal et tragédie morale post-moderne.
C'est drôle, ça voltige. C'est dur parfois, ça trébuche. Un très joli tracé de vie de femme. Les pieds dans la boue, les yeux dans les rêves, les mains dans le crin. Une trajectoire faite de heurts et de chaos. De charme et de désirs. De jockeys et d'entraîneurs.
D'hippodrome en hippodrome, de lignes d'arrivée en stalles de départ , Cavaler seule, c'est croqué à la manière d'instantanés, un album de nouvelles, qui dessine intensément la vie, sur gazon ou sur terre.
Une lecture comme le cataclope singulier d'une vie menée au tambour battant des sabots sur le sol.
Kathryn
Scanlan touche, émeut. Elle possède ce petit truc, cet art précieux de l'écriture à chute, qui fait que le plaisir se renouvelle page après page, morceau de bravoure après morceau brisé.
Un enchantement ce bouquin, un enchantement.
David Grann c'est le master and commander de la litté du réel. Les naufragés du Wager, une retranscription impressionnante d'un événement superbement tragique. Souci du détail, souci que toi lecteur ait cette impression d'y être, de le vivre, la gueule dans les cales, le corps à la proue, le cœur au mât de misaine.
1740, une épopée maritime, c'est la guerre des anglais contre les espagnols. La conquête des territoires à coloniser. L'or dans les mains de l'autre.
400 pages de flots tendus par le vent, de caps infranchissables, de tempêtes insolentes. 400 pages où l'homme
se réduit à l'état de vermine.
C'est bon, c'est intense ; c'est comme un alcool frelaté par le sel marin : ça te suce les sangs tout en t'envoyant danser avec les rêves.
Des questions soulevées, à savoir à quoi sommes-nous prêts afin de s'éviter toute douleur, que sommes-nous prêts à renier de notre être humain, balayer nos émotions afin de vivre au-delà de la peine.
En dehors de la gamme a ceci de génial. Nous proposer une réflexion profonde, une somme de considérations éthiques, philosophiques, sur le rapport que nous entretenons avec la mort, le deuil, la souffrance de la perte, dans une vivacité romanesque propre au thriller.
Captivant, véritable page-turner fourmillant de questionnements, trempé dans l'encre psychologique, où la
quête de chacun mène à différentes extrémités.
Un techno-thriller-réflexif profondément humain, maniaquement habile, ce roman d'Anne Cathrine Bomann se lit d'une traite, vif et alerte, une mise en garde contre cette volonté de nier ce qui, au fond, fait de nous des êtres humains : nos capacités émotives.
Une attendrissante et pleine de malice chronique de gens ordinaires, des histoires qui se dévoilent sous les mains d'une pédicure aux oreilles grandes ouvertes. Des cœurs bosselés, des pieds rongés par la vie, des vies heureuses et d'autres heurtées. Et, en creux, l'histoire de l'Allemagne réunifiée. L'est et l'ouest comme deux continents. Katja Oskamp écrit comme une mélodie, le doux ronron des habitudes, la chanson délicate d'un quartier peuplé d'anecdotes et d'existences creusées par des années de labeur.
Un roman doux et chaleureux, la vie dans la vie, l'humanité dans son
intime vérité. Une authenticité qui touche et fait sourire.
Marzahn, mon amour, comme si souvent dans le catalogue des éditions Zulma, est un petit enchantement qui se garde tout près du cœur.
Exaltant comme un premier baiser quand on ne sait pas comment faire et qu'on se laisse guider par l'autre, qui dans ce cas peut faire ce qu'il veut ou même n'importe quoi. La ronde entre ses mains, la langue entre tes dents, la danse tient du tout de magie .
Roublard comme une maîtrise virtuose d'un romancier au top de sa forme, capable de t'embarquer dans les rouages de son histoire avant que tu te sois rendu compte qu'elle avait commencée. Roublard parce que quand tu penses avoir saisi tout l'intérêt du bouquin, il s'avère que son intérêt se porte autre part, mais tout aussi bien.
Machiavélique !
Passionnant comme un gros bout de l'histoire US, entre crises économiques et crises bancaires, entre 1800 et des brouettes jusque 1929. Des personnages puisés dans le creuset abrasif de ces années où le progrès progresse, où le système bancaire nel fait qu'à sa tête, où les passions se noient dans le chagrin, les affaires et pour certains les mondanités.
Je lui trouve des accents balzaciens à ce Trust, ce roman du pouvoir, de la passion, de l'argent, de l'amour. Du sacrifice, de l'écriture, de la mémoire.
Trust est un roman autophage, le récit se nourrit du récit, l'histoire de l'histoire.
Tout ça pour dire qu'on n'aura pas dit grand chose de l'histoire du livre, parce ça ça se découvre.
Trust, d'Hernan Diaz, est certainement l'un des grands romans américains de cette rentrée 2023, d'une intelligence folle, et c'est publié par les Editions de l'Olivier traduit par Nicolas Richard.
Traquenoir
Littérature en kevlar contre les balles dum-dum du racisme primaire, roman noir anti bombes puantes, antidote à la haine, Traquenoir de ce drôle de zig que dû être Ed Lacy (petit surnom de Leonard Zinberg) sort de son chapeau de magicien le premier détective noir dans le polar, colosse en proie à tout ce qui pue au royaume USA dans les 50's. Et ça défourraille hard-boiled, ça punche gauche-droite, Ed Lacy devient le chaînon manquant entre mister Hammet et sieur Joe. R Lansdale.