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Solitaire depuis le décès de sa femme et le départ de ses deux fils, Alexander Graham mène une existence tranquille dans sa ville d'Halcyon où il tient une librairie reconnue pour la richesse de son fonds russe et soviétique. La vie s'écoule sans heurts jusqu'au jour où Andrew, le plus jeune de ses fils, étudiant à Oxford, ne donne plus signe de vie. Inquiet, il s'envole pour l'Angleterre malgré ses appréhensions. Il n'a jamais quitté le canada, n'a jamais eu le désir de dépasser les frontières de sa ville natale et seuls son amour paternel et sa foi en Dieu lui permettent de surmonter
ses craintes de l'inconnu. Il ne se doute pas qu'Oxford ne sera que la première étape d'un périple long et douloureux qui l'entraînera jusqu'au fin fond de la Sibérie. Etranger dans une Russie qu'il a longtemps fantasmée sans la connaître vraiment, dupé, volé, molesté, il sera aussi secouru, guidé, aimé et découvrira un pays, un peuple, avec ses souffrances, ses martyrs, son courage, ses lâchetés, ses croyances, ses contradictions pour aussi se découvrir lui-même et sonder son inconscient et sa foi comme jamais auparavant.
1132 pages ! On ne peut pas dire que Michaël O'BRIEN soit avare de ses mots ! Plus qu'un pavé, son livre est une brique qui nécessite un appareillage spécial ou de gros bras musclés pour être lu avec un minimum de confort. Et pourtant son récit s'écoule, sobre et efficace, et l'on se passionne pour son héros discret jusqu'à en paraître terne mais qui recèle en lui tant de bonté et d'humanité. Son rêve romantique et littéraire de la Russie vire au cauchemar, confronté à la réalité d'un peuple qui a subi et souffert depuis la nuit des temps. Pourtant, malgré une Histoire mouvementée, les persécutions, les privations, certains ont su gardé au fond du coeur suffisamment d'amour pour surmonter défiance,méfiance et peurs. A la recherche de son insaisissable fils, Alexander en appel à Dieu pour surmonter le découragement et le pessimisme. Mais Dieu n'a-t-il pas déserté la Sainte Russie, chassé par le bruit et la fureur des Bolchéviks ? Au fil de ses rencontres, Alexander verra que non; la foi a perduré sur cette terre de douleur. Des chrétiens, comme lui, lui viendront en aide, mais aussi des non-croyants. Sur les bords du lac Baïkal, de l'hiver le plus rude jusqu'à la renaissance printanière, il sera accueilli en ami et, dans une famille de substitution, il trouvera les réponses à certaines de ses questions. A-t-il été un mauvais père pour ses fils ? N'a-il pas su donner assez de son temps, de son amour ? N'a-il pas transmis sa confiance en Dieu ? Est-ce pour cela qu'Andrew a éprouvé le besoin de chercher auprès d'un autre homme protection et sécurité ? Le voyage de ce père désemparé, véritable chemin de croix, sera fait aussi de moments de joie, de partage, de recueillement.
Intense, cette aventure sibérienne mêle avec maestria quête spirituelle, roman noir et roman d'espionnage. Le seul souci est que l'on risque de se lasser des prières, visions divines et autres références à la religion de cet Alexander dont la principal caractéristique est d'être catholique. Si l'on réussit à passer outre (bien qu'elles soit TRES présentes), toutes ces bondieuseries, on peut se laisser porter par un récit profond dont la toile de fond est l'histoire russe et la vie en Sibérie, avec en particulier les très attachants Irina, Ilya et Kiril, marqués par le destin mais unis dans l'adversité. Ce sont eux finalement les vrais héros de cette histoire, blessés mais courageux, bons et véhiculant toutes les valeurs dites "chrétiennes" sans pour autant être croyants.
Petits, jolis, légers et goûteux, les raviolis chinois sont aussi faciles à réaliser soi-même. Une fois intégrée la recette de la pâte à base de farine de riz et d'eau, il suffit de farcir selon ses goûts : boeuf, porc, crevette, poisson,légumes, etc.
Les recettes, bien expliquées, ne nécessitent pas d'ingrédients extravagants. Rien qui ne soit inaccessible pour peu qu'on fréquente un supermarché pourvu d'un rayon "cuisine exotique" : sauce soja, sauce nuoc mâm, huile de sésame ou lait de coco, entre autres.
Ensuite, il faut se laisser guider par ses envies : raviolis aux crevettes
et gingembre confit ou dim sum au canard fumé et aux aubergines épicées pour les recettes salées; tang yan au sésame noir et lait de coco, tang yuan praline et caramel au beurre salé pour les desserts.
Un plaisir pour les yeux avant de devenir un régal pour les papilles !
Elle a tout pour être heureuse : un mari beau et aimant, deux enfants en plaine santé, un bel appartement, un travail plaisant. Elle a tout pour être heureuse et pourtant...Sous le vernis de la femme épanouie se terrent une soeur effondrée par le suicide de son frère, une fille toujours en recherche de l'approbation maternelle, une mère parfois démunie devant sa fille. Ces fêlures vont se déclarer au grand jour quand sa mère, journaliste, meurt soudainement dans un accident d'hélicoptère au fin fond de la Sibérie. Là, elle perd pied, sombre dans une profonde dépression et doit
fuir sa famille dont elle ne pet plus s'occuper. Le hasard la conduit au Chambon-sur-Lignon, village protestant des Cévennes, connu pour avoir accueilli des centaines d'enfants juifs pendant la guerre, où son père a des attaches et où, comme elle va le découvrir, sa mère a passé une partie de son enfance.
Il faut vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être touché par la détresse de cette femme qui s'effondre après le décès de sa mère. Et pourtant...Parfois les gens qui ont tout et qui trouvent le moyen d'être malheureux, et bien..ça agace ! Perdre sa mère est bien sûr un évènement douloureux, voire traumatisant, mais la narratrice n'est plus une enfant, bon sang ! Elle est épaulée par un époux (appelé "L'homme" de façon aussi ridicule qu'énervante) présent et concerné, elle a deux enfants très jeunes dont elle doit s'occuper, alors pourquoi une réaction aussi extrême ? Peut-être parce qu'elle n'en avait pas fini avec cette mère dont elle se dit très proche et dont elle guettait encore et toujours l'approbation mais qui, au fil du récit, semble légèrement cyclothymique. Les agissements de cette mère s'expliquent d'ailleurs par le poids d'un secret qu'elle traîne depuis l'enfance. C'est ce que découvre la narratrice lors de son séjour dans les Cévennes. Une histoire qu'Ariane BOIS amène de façon maladroite en expliquant par un heureux hasard le choix de la destination de son héroïne et sa rencontre avec un kiné qui se trouve être le fils d'une vieille dame qui a connu sa mère. Au passage, elle ajoute une inutile et incompréhensible liaison avec ledit kiné. Tout cela semble artificiel et doit vouloir introduire l'évocation du Chambon-sur-Lignon, village des Cévennes dont les habitants n'ont pas craint de défier les nazis durant la deuxième guerre mondiale. Cette partie est d'ailleurs très intéressante et enrichissante et sauve le livre du naufrage.
Ariane BOIS a-t-elle crée ses personnages de toutes pièces ou s'est-elle inspirée de sa propre histoire? Auquel cas, ce récit auto-centré ne serait que l'indécent étalage de ses sentiments les plus intimes et les moins glorieux...A priori, c'est un roman, prenons-le comme tel même si la question peut se poser. Alors ceux qui ont suffisamment d'empathie pour supporter la crise existentielle d'une femme égoïste et immature seront touchés par cette descente aux enfers décortiquées dans ses moindres détails, les autres subiront les plaintes et gémissements, l'éternel secret de famille, les coïncidences bienvenues et le style parfois un brin grandiloquent.
1946, le Japon, vaincu, est occupé par les soldats américains. Démobilisé, Hisao prend le train pour rejoindre Hokkaido et sa fiancée Shigeko. Il y a dans sa valise, bien protégé par son caleçon de laine, un oeuf de jade qu'il compte offrir à celle qu'il ne connait pour l'instant qu'à travers des lettres échangées. Mais Hisao n'en a pas fini avec la guerre. Il est revenu de la terrible bataille de Peleliu des cauchemars plein la tête et une soif inextinguible dans la bouche. Ce désir de boire plus fort que tout l'a fait descendre du train, abandonnant la valise et le cadeau. Car
quand Hisao a soif, il n'est plus qu'une bête prête à tout pour quelques gouttes d'eau, même lapées dans une flaque. Une fois sa soif momentanément étanchée, arrivent les regrets. Il faut courir le long de la voie ferrée jusqu'au terminus, vers cette valise et son précieux contenu, vers son avenir.
C'est dans une montagne qu'il a creusée jour et nuit jusqu'à ce qu'elle finisse par s'effondrer sur lui qu'Hisao a laissé son ami Takeshi, un ami qui partageait son temps, son labeur, sa peur, un ami qui avait le don d'écrire des chansons qu'il lui murmurait dans le creux de l'oreille avant qu'ils s'endorment, un ami mort sans eau, sans oxygène, écrasé par la montagne bombardée. Hisao a survécu amis son ami le hante toutes les nuits, lui et le soldat étranger qui lui a tendu sa gourde quand il a réussi à s'extraire de la montagne. Les cauchemars, la soif qui le taraude, il voudrait les laisser derrière lui et ne penser qu'à Shigeko sa future femme. Peut-être l'apaisement viendra-t-il de sa marche forcée, de ses rencontres avec d'autres laissés-pour-compte de cette guerre achevée dans le déshonneur...
Périple initiatique, L'homme qui avait soif est un roman âpre qui se lit la gorge sèche, avec l'impression de suffoquer à chaque page. Le récit d'une douloureuse errance, illuminée toutefois par le souvenir d'une amitié très forte et l'espoir de jours meilleurs. Un homme en souffrance dans un pays en souffrance, marqués tous deux par la défaite, par les morts trop nombreux, supportant le fardeau de celui qui doit réapprendre à vivre après le chaos.
Un roman triste, douloureux mais porteur d'espoir. Magnifique !
C'est juste avant sa mort que Yukiko accepte pour la première fois de parler d' un douloureux sujet : la bombe qui a ravagé Nagasaki le 9 août 1945, détruisant la ville et tuant son père. Mais c'est après son décès qu'elle va révéler à sa fille, dans une lettre testament, ses drames les plus intimes et les secrets qui l'ont accompagné tout au long de sa vie.
C'est une histoire où l'amour et la mort sont intimement liés, un texte bref qui parle de l'égoïsme d'un homme, d'un adultère fatal et d'une complicité entre deux adolescents, de leur amour naissant mais impossible. Mais
au-delà des secrets bien gardés, des dissimulations et des mensonges, c'est aussi une peinture de la famille japonaise dans la première moitié du XXè siècle. Le poids des convenances ne permet pas les mariages d'amour, on ne choisit pas son conjoint, on souscrit à l'opinion des parents et il faut beaucoup de courage et souvent une rupture avec la famille pour être maître de son propre destin amoureux. Certains l'ont, d'autres préfèrent se conformer à la volonté parentale. Et puis, il y a aussi l'ombre de Nagasaki qui plane sur cette histoire. Mais là encore, la pudeur et la dignité s'imposent. La terrible catastrophe est tue, la terreur et la douleur sont passées sous silence. Nulle haine, nul désir de vengeance mais l'acceptation de ce qui ne peut être changé.
Sobre et pudique, un roman tout en nuances qui conte les petites histoires d'une famille qui vit ses propres drames en parallèle des grands drames de la grande histoire. Beau, émouvant, puissant, à lire.
Il n'y a pas de plaisir plus intense pour Guy Montag que de voir un livre au bout de son lance-flammes. Pompier d'élite, il a pour tâche de brûler les livres, devenus illégaux car possiblement subversifs. Montag jouit donc du plaisir d'incendier sans se poser de questions, sûr de son bon droit et adhérant totalement aux lois d'une société qui a banni l'écrit et la réflexion au profit du divertissement pur. C'est une voisine fraîchement installée dans son quartier qui va troubler sa sérénité. La jeune fille d'à peine 17 ans lui pose un simple question : "C'est vrai qu'autrefois
les pompiers éteignaient le feu au lieu de l'allumer ?". Montag commence par rire de cette aberration, mais la graine du doute s'est plantée dans sa conscience. Le soir quand il rentre chez lui, Clarisse semble l'attendre pour lui faire la conversation, évoquant les joies simples d'une promenade, la contemplation de la lune, parlant des livres qu'il brûle avec de moins en moins de conviction. Il lui semble qu'il communique plus et mieux avec cette inconnue qu'avec l'épouse qu'il retrouve chez lui plantée devant ses écrans géants. Quand elle disparaît soudainement, Montag perd pied et passe dans l'illégalité en cachant des livres.
D'une écriture presque froide, Ray BRADBURY raconte une société futuriste où la lecture est interdite. Synonymes d'un savoir devenu inutile, les livres sont brûlés et leur détention formellement interdite. Ils ne sont pas nombreux ceux qui s'élèvent contre cette loi liberticide. D'autres divertissements bien plus grisants sont venus remplacés l'acte de lire. Dans chaque foyer, les écrans géants déversent des fictions interactives réduites à leur plus simple expression. Partie prenante dans ces scénarios minimaliste, l'individu se grise de bruit et de fureur, croit trouver là une famille. A l'extérieur non plus on ne flâne pas. Se promener est tout aussi répréhensible que lire, on préfère rouler sans limitation de vitesse, parcourir à toute allure des centaines de kilomètres pour se vider la tête. Aucun répit, jamais. Même la nuit, on peut rester connecté grâce à une prothèse auditive. Sans cesse sollicité, l'homme n'a plus le temps pour la réflexion, donc la critique.
Montag, pompier comme son père, aime incendier les bibliothèques. Pourtant, sans qu'il en soit lui-même conscient, il abrite un terreau contestataire. N'a-t-il pas caché un livre dans un conduit d'aération de sa maison ? Début de rébellion ou simple curiosité envers cet objet controversé dont il ignore tout ? Une rencontre va changer le cours de son existence, sa première rencontre avec un être humain doué de raison. En de brèves rencontres, la jeune Clarisse va lui faire entrevoir un autre monde possible, un monde où l'on prendrait le temps de discuter, d'apprendre, de s'émerveiller. Pour Montag, c'est une révélation. Désormais, il veut savoir, connaitre, trouver des réponses et surtout sauver les livres. Hors-la-loi, il fuit sa vie, sa femme, ses collègues et rejoint les hommes-livres, hommes-libres, qui apprennent par coeur le contenu des ouvrages les plus précieux pour en garder une trace malgré les autodafés.
Bien qu'écrit en 1953, Fahrenheit 451 n'a rien perdu de son côté visionnaire. Soixante ans après, les livres sont toujours en danger. C'est par la culture que les sociétés totalitaires asservissent les peuples. En brûlant des livres, en les censurant, les interdisant pour ne montrer que ce qui sert et justifie l'autorité. Les écrans ont bien envahi les foyers : les portables, ordinateurs, tablettes qui remplacent les vraies conversations, les programmes télévisés indigents qui ne nécessitent pas de réfléchir, les informations mises en scène comme des productions hollywoodiennes. La famille évoquée par BRADBURY est étrangement proche des amis que l'on se fait sur les réseaux sociaux : des liens sans profondeur, interchangeables à l'infini.
Une lecture nécessaire, ode à la liberté de penser et bien sûr à la littérature qui en est l'un des vecteurs.
A cause des révélations d'un ami de la famille, la cérémonie de mariage d'Harry Clifton et Emma Barrington est interrompue. Sa filiation mise en doute, le jeune homme n'a d'autre choix que de quitter Bristol. Il s'engage dans la marine mais son navire est torpillé par les allemands. Harry en profite pour endosser l'identité de Tom Bradshaw et laisser Harry Clifton pour mort, pensant comme cela permettre à Emma de refaire sa vie. Mais dès son arrivée à New-York il est arrêté, Tom Bradshaw étant accusé d'avoir tué son frère. Grâce à l'influence de la famille, les charges sont abandonnées
mais il reste coupable de désertion. Contre 1000 livres et la promesse d'une peine légère, Harry accepte de cacher sa véritable identité et de plaider coupable. Il est incarcéré pour 6 ans à la prison de Levenham.
De son côté, Emma est de retour à Bristol après avoir accouché du fils de Harry dans la propriété écossaise de la famille. En rendant visite à Maisie Clifton, celle qui aurait du être sa belle-mère, elle voit une lettre où elle croit reconnaître l'écriture de son fiancé. Persuadée que l'homme qu'elle aime n'a pas péri en mer, elle part pour l'Amérique, bien décidée à le retrouver et à l'épouser.
Pendant ce temps, la guerre fait rage et Giles Barrington, frère d'Emma et meilleur ami d'Harry, fait ses classes et se prépare à aller combattre les troupes de Rommel en Afrique du Nord.
Deuxième tome des aventures des familles Barrington et Clifton où les personnages traversent la deuxième guerre mondiale qui est finalement peu de chose en comparaison de leurs déboires familiaux et sentimentaux.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jeffrey ARCHER ne fait pas dans la nuance. Les gentils sont beaux, courageux et intelligents pendant que les méchants sont vils, fourbes et stupides. Ses héros masculins respectent les liens d'amitié, ont le sens de l'honneur, combattent l'Allemagne nazie avec pour seules armes leur courage et leur intelligence supérieure, survivent à tous les tirs, bombes et autres mines quand autour d'eux les simples mortels tombent comme des mouches. Les femmes, elles, sont belles, volontaires, capables de diriger un hôtel sans savoir ni lire ni écrire ou de devenir une serveuse de haut vol alors même qu'elles ont été élevées dans la soie.
Heureusement, pour faire pendant à toutes ses qualités humaines, cette chaleureuse bonté d'âme, Jeffrey ARCHER nous a mijoté un duo de méchants particulièrement relevé, un aristocrate et un docker, pour faire bonne mesure. Ils ne sont qu'égoïsme, bassesse, lâcheté et vénalité. Le premier vole, escroque, dépense sans compter, profite d'une femme amoureuse puis l'abandonne sans état d'âme. Le deuxième, sans foi ni loi, boit son salaire, terrorise sa mère et trahit sa soeur. Et tous deux n'hésitent pas à user de violence contre quiconque se met en travers de leur route, sans distinction de sexe.
Voilà pour la psychologie. Pour le reste, ce qui se veut une "saga flamboyante" n'est qu'une succession de fadaises ridicules, souvent invraisemblables qui conduisent tout droit à un final au suspens intenable : Harry est-il un Clifton ou un Barrington ? En l'absence de tests ADN, c'est à la justice de trancher...
Cela ferait certainement un honnête téléfilm dans la série "Les tourments de l'amour", un après-midi sur M6 mais, à lire, c'est aussi indigeste qu'une production des éditions Harlequin.
Ils sont seuls désormais. Dans leur deux-pièces, leur "bateau ivre", leur refuge, le narrateur et l'Estropié sont seul depuis que Pedro a choisi de faire le grand saut depuis le douzième étage d'un immeuble, loin là-bas, dans un pays "couleur de richesses et de modernité. Du jeune homme bouillonnant de vitalité ne restent plus que le lit en fer dans un coin de la pièce et le chagrin mêlé de rage de ses deux compagnons de vie, restés à Haïti. Alors le narrateur, journaliste abonné à la rubrique nécrologique, entreprend d'écrire les trois colonnes que son rédacteur en chef lui
a accordées et qui seront le dernier hommage à l'artiste disparu. Mais la vie, la fièvre, la peine, la générosité, la passion, la folie peuvent-elles être réduites à trois petites colonnes ? Le "sale petit-bourgeois pleurnichard" qui avait choisi le quartier pauvre de la ville pour y construire sa vie, y oublier ses déchirures, déclamait des poèmes dans les ruelles, distribuait des pages de livres aux passantes, s'amourachait de femmes qui n'étaient pas pour lui, redonnait le sourire aux plus tristes sires, faisait l'acteur dans une troupe de théâtre, enchantait la vie de ceux qui l'entouraient. Parfois ses blessures les plus profondes prenaient le dessus sur la joie de vivre, il plongeait alors dans une mélancolie insondable, n'offrant que son silence à ses compagnons. Ceux-là même qui regrettent de n'avoir pas été à ses côtés pour empêcher son dernier plongeon. Le raconter, se raconter, et raconter l'Estropié, c'est ce qu'accomplit le narrateur dans cette longue lettre qu'il jette à la face de ce monde qui n'a pas su retenir Pedro.
Alors oui, c'est un joli texte, très poétique, un cri du coeur, écrit d'un jet, avec les tripes. Bien sûr, c'est une évocation très riche de la vie dans les quartiers pauvres de Port-au-Prince. Oui bien sûr, les personnages sont touchants, du narrateur privé de ses parents par un stupide accident, à l'Estropié et sa terrible enfance auprès de Méchant, un père cruel et violent, en passant par Madame Armand, usurière obèse, qui croyait si fort aux contes de fée avant que la vie ne se charge de les lui faire oublier, sans oublier Pedro, l'écorché-vif, le clown triste, dont le suicide laisse ses amis sur le carreau.
Mais quelle purge, quel ennui ! Un récit looooong, sans respiration, truffé de citations poétiques et surtout répétitif. Toujours la même rengaine sur la radio étrangère qui annonce le suicide de Pedro depuis le poste de la voisine jalouse et de son mari routier, sur les brimades de Méchant, sur la colline si difficile à gravir, etc. C'est un style bien sûr, une manière d'imprégner le lecteur de toute la tristesse ressassée par le narrateur mais quand on y reste hermétique, on n'entre pas dans le récit, on ne s'attache pas à Pedro, l'égoïste qui n'a jamais pris le temps d'interroger ses amis sur leurs blessures, leurs chagrins, auto-centré sur ses "problèmes de riche".
Un livre est une rencontre, parfois elle n'a pas lieu. On se sent un peu minable de rester froid quand tant d'autres crient au génie et ont été touchés aux larmes mais c'est ainsi...
Pays basque, janvier 2009. La côte atlantique est secouée par la tempête Klaus et Iban Urtiz, journaliste à Larruma, assiste à la conférence de presse organisée par la famille Sasko qui s'inquiète de la disparition d'un des leurs. Jokin n'a plus donné signe de vie depuis trois semaines, volatilisé alors qu'il se rendait à Bordeaux pour un entretien d'embauche. La police ne semble pas pressée de retrouver ce militant indépendantiste fraîchement sorti des geôles espagnoles. Peu au fait des agissements de l'ETA et de sa guerre contre les autorités françaises et espagnoles, le jeune
journaliste décide d'enquêter dans un monde où ses certitudes vont être mises à mal. Qui ment ? Qui sait ? Qui sont les victimes ? Qui sont les bourreaux ? Où est la Vérité ? Quand le terrorisme d'Etat répond aux revendications séparatistes, il n'y a plus ni gentils ni méchants. Perdu en terre étrangère, sans en connaitre ni les codes ni la langue, Iban se heurte au silence, celui de la famille, des militants, mais aussi celui des autorités, de la presse, de ses collègues. Pourtant devant sa persévérance, certaines langues se délient, des rumeurs se font jour, des indices apparaissent mais Jokin reste introuvable. Enlevé avec la complicité de l'Etat comme l'affirme sa famille ? Traître à la cause comme voudrait le faire croire les autorités ? Iban s'accroche, veut savoir coûte que coûte, emporté dans un tourbillon de violence et de haine où tous les coups sont permis.
Faut-il, pour arrêter les voyous, employer des méthodes de voyou ? Faut-il répondre au terrorisme par la terreur ? Dans les années 80 l'Espagne répond oui à ces deux questions et crée les GAL, Groupes antiterroristes de libération, composés de barbouzes, policiers et repris de justice et chargés de faire la chasse à ETA en faisant feu de tout bois, pratiquant allègrement attentats, assassinats et enlèvements, aussi bien sur le sol espagnol que français. Emportés par leur élan -et leur impunité -les GAL sont allés plus loin que leur cahier des charges, si loin qu'ils ont été dissous en 1987 et leurs membres et commanditaires punis par la justice.
Quand commence l'enquête d'Iban Urtiz, les GAL ne sont plus qu'un lointain et mauvais souvenir. Pourtant, une rumeur persistante évoque de jeunes militants nationalistes enlevés, soumis à la question, torturés puis relâchés, selon les anciennes méthodes. Mais Jokin, lui, n'a pas refait surface. Le commando chargé de l'interroger est-il allé trop loin ? Mort sous leurs coups, Jokin, devenu un cadavre gênant, a-t-il été enterré quelque part dans le plus grand secret ? Officiellement, il n'existe aucun commando de ce genre la version qu'on voudrait vendre à la presse est celle d'un Joskin transportant une grosse somme d'argent pour l'organisation indépendantiste et décidant d'aller refaire sa vie ailleurs avec le magot. Le journaliste, encouragé par le regard de braise de la belle Eztia, soeur du disparu, remonte la piste des jeunes gens enlevés et des kidnappeurs. Sans le soutien de sa hiérarchie, moqué par le journaliste local, le très basque Marko Elizabe, menacé de mort et molesté par des inconnus cagoulés, Iban ne lâche pas prise et nage dans les eaux opaques du secret d'Etat et de la lutte clandestine, pensant naïvement pouvoir faire éclater la vérité.
Si Marin LEDUN tente de rester impartial dans ce roman inspiré de l'histoire vraie de l'étarra Jon Anza, on peut lui reprocher son quasi silence sur les exactions du mouvement séparatiste en se focalisant surtout sur la réponse ultra-violente de l'Espagne et la complicité silencieuse de la France. Quoi qu'il en soit, son roman est passionnant de bout en bout, même si la problématique basque reste un sujet épineux et souvent incompréhensible en dehors de ses frontières. A l'heure de l'union européenne et de la mondialisation, les velléités indépendantistes du groupe peuvent paraître d'un autre temps. D'ailleurs il a abandonné la lutte armée en 2011. Quelques zones d'ombre s'éclairent grâce à ce thriller politique sombre et angoissant qui veut rendre justice aux victimes d'un état bandit qui n'a rien à envier aux plus abjects des terroristes.
Emouvant
Parfois une mère ne suffit pas, il en faut trois : celle qui met au monde, celle qui recueille, celle qui élève. Parfois, être mère ne suffit pas, il faut une amie pour donner les gestes et les mots de l'amour. Parfois, être comblée ne suffit pas, il faut plus qu'un mari, des enfants, le succès, il faut découvrir l'amour, le vrai, celui dont on n'osait rêver.
Mãn se raconte, de sa naissance au Vietnam jusqu'à sa renaissance dans les bras d'un homme, des difficultés de vivre dans un pays colonisé puis en guerre à son mariage arrangé avec un restaurateur expatrié au Canada, l'exil, la cuisine pour seul univers, l'amitié qui change tout, la réussite, les enfants, et bien sûr l'amour, la vraie découverte, impossible évidemment, mais inévitable et fondateur.
Mãn est un pêle-mêle de sensations et d'émotions où se côtoient les saveurs du Vietnam, le sel des larmes et le bonheur de vivre. Par petites touches délicates, se reconstitue la vie d'une femme qui conjugue le verbe aimer sans le dire, par de petites attentions de chaque instant, en veillant au confort des siens, en devançant leurs désirs. Empêchée de s'exprimer par une pudeur naturelle et une enfance silencieuse auprès d'une mère engagée, elle va pourtant s'ouvrir aux sentiments grâce à l'amitié d'une femme et à l'amour d'un homme. Poétique et tendre, l'histoire de cette femme se dessine comme une mosaïque où se mêlent la cuisine vietnamienne, la mémoire et l'enrichissement de l'exil. Les évènements plus graves sont évoqués en pointillés, les douleurs sont enfouies, cachées.
Un roman sensible et profond, porteur d'espoir et d'amour.