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Notre société aurait bien du mal à regarder de ce côté là pour enrichir sa nature civilisée. En effet, faire lire Catherine Robbe-Grillet sentirait plus que le souffre, on serait au bord de l'apoplexie dans ce moment hystérique où la bêtise s'auto-électrise. Et pourtant, je soutiens qu'en plus du classique rendez-vous avec le curé si vous suivez la méthode classique, il serait bon de glisser discrètement à la jeune mariée "jeune mariée" de Catherine Robbe-Grillet et cela même si en effet ça sent le souffre. Pourquoi parce qu'il sera toujours temps que la future se forge un caractère et s'assume et que par un habile jeu de miroirs, effet garanti, que la vie, les mœurs si particulières de cette écrivain interroge notre novice sur les choses du mariage et les choses plus intimes qui la regarde. De cette institution, lucide et à l'écoute d'elle même et malgré son affection particulière, elle n'en fera jamais une geôle sinistre et stérile. Le lettré pourra aussi y puiser le journal d'une époque, d'un milieu artistique et éditoriale.
Peut-on vivre sans tendresse ? Il semble que non et la chanson qu'interpretait Bourvil tentait de le prouver. les editions Didier en ont fait un album délicat et singulier. "Douce faiblesse", "joli sentiement", c'est avec une grande sobriété et une grande pudeur qu'il faut en illustrer tout ses aspects, ce qui est fait. C'est une chose importante, même l'amour ne serait rien sans elle qui se joue des paroles et des exagérations. On peut se passer de beaucoup de choses mais pas de ça alors il fallait peut-être un album poétique et tendre, composé de petites scènes d'une très grande sobriété
pour en exprimer toute la nécessité et tous ces aspects. Un album qu'on peut bien sur aussi offrir à quelques grandes personnes...
A partir de 4 ans
A condition d'aimer une certaine forme de manièrisme et d'aimer les mots, le livre d'Eric Laurrent est sans doute l'un des petits chefs d'oeuvre en la matière dans cette rentrée littéraire. Sa matière sous ce titre énigmatique est sans doute, les grandes découvertes, celle que l'individu découvre et quel cheminement il emprunte pour atteindre ce but réel ou fanstamée. La partie n'était pas gagnée au départ, au tout début de l'enfance qui se souvient, incapable de distinguer les lettres ; une certaine disgrâce lui vaudra la gloire, l'humiliation et ses premières expériences fortes de celles qui restent encore avec le temps comme des marqueurs, des faits constitutif d'un individu. Humiliation, opprobe, raillerie, relégation jusqu'au jour ou il vit comme tout le monde et là commença sans doute ce qui nous relie profondément à cet auteur et son expérience, le fait de lire tout, partout, tout le temps et de déchiffrer tous ce qui n'est pas aussi de la littérature mais accompagne par des mots le sens de la vie. L'embarquement pour des terra incognita peut commencer, le monde ne prenant sens à ses yeux que par les mots. Un plaisir qu'il ne cessera de nous communiquer à travers ses livres et qui dans celui-la prend tout son sens car ils deviennent points d'orgue ou rotules à des mécanismes stylistiques de hautes voltige : le plaisir des mots inconnus pour coller au plus près à la chose racontée. Avec Eric Laurrent, on réouvre son dictionnaire souvent et on reprend le goüt des mots curieux, de ces formes et de ces sonorités singulières qui tintent dans quelques expériences capitales et vitales. Une glace dévoré enfant peut devenir une madeleine de Proust qu'on pourrait exposer pour montrer les rouages de la langue... Après son enfance et son adolescence fut aussi celle de tous et l'on sait aujourd'hui que l'expérience esthétique peut naître parfois non loin des désirs les plus plus incongrus et étranges alors il y a deux manières de raconter ces autres découvertes, s'en délester avec condescendance ou les magnifier. Et là, Eric Laurrent est très fort parce qu'au gout des mots s'agrège le sens et un humour dévastateur sur les embuches que l'on rencontre sur le chemin des grandes découvertes. L'expérience esthétique rencontre quelques Venus non officielles et promet quelques émerveillements où le trivial le dispute au sublime. Un roman d'apprentissage et de formation où le subjonctif imparfait est au service de l'humour où le mot rare est au service de l'explorateur qui ne peut taire aucune de ses expériences.
Témoignage et création constitue les deux facettes essentilles du travail d'un écrivain hors du commun : Jack London. Pour écrire, il a toujours voulu aller voir de près les choses et les gens. De ces périples, en plus de ses écrits, il en ramenera 12000 clichés... Corto Maltese y puise ses origines. L'interêt de cette selection de photos de Jack london est de plusieurs ordre : historique, ethnologique et culturelle. Comme ses écrits peuvent être pris aussi pour des livres d'aventures, ce livre là est "une aventure pour le regard". En plus des images littéraires dans nos mémoires de lecteurs se superposent ces vues qui donnent un éclairage plus large sur sa vie, son travail et une vision du monde. Ce livre est une aventure unique en son genre. Un soin extrême est apporté aux choix et leurs développement. C'est un "trésor perdu" enfin retrouvé d'un photoreporter avant l'heure. Aux photos s'ajoutes extraits et correspondances avec les textes. Comme le dit l'un des préfaciers "son goût de la vie est légendaire" et révélé par ces photos qu'on pourrait qualifiées de "documents humains". Pour enrichir ses reportages il n'hésite pas à se déguiser ou à travailler comme un ethnologue ou un anthropologue le ferait. On apprend aussi comment elles ont été publié, commenté... La mise en contexte et le travail d'écriture est remarquable. Réembarquez avec Jack London, encore une fois, vous ne serez pas déçus.
Imaginez un monde (2037) où les images ont disparu, interdites... "Les photographies sont nocives. Le cinéma rend fou". Gare à ceux qui en font l'échange ou le trafic, la Brigade de l’œil veille. "parce qu'un bon citoyen est un citoyen aveugle". Mais des films auraient survécu. Un roman d'anticipation hors normes et un polar trépidant, magnifique, qui nous dit combien le cinéma nous rend humain. Guillaume Guéraud court circuite les genres, télescope les références et crée un univers propre à cette histoire unique en son genre. Le négatif de Fahrenheit 451... Et une belle revanche
ironique pour cet amoureux du mauvais genre.
Dès 14 ans et pour adulte aussi
Pour quatre jeunes gens, c'est une nouvelle ère qui commence, quatre jeunes médecins auxiliaires. Fini l'existence paisible et souvent superficiel des étudiants et une nouvelle donnée : résister à la peur et la masquer la mieux possible. C'est un singulier destin, réel et fictif que nous raconte là Nathalie Bauer, s'emparant du carnet et des photos de son grand-père. Une mémoire un peu décalée que celle que l'on connait déjà parce que c'est les mémoires de jeunes gens souvent à l'arrière et parfois au front, dans l'intensité du combat et dans la retraite d'un repos en permission fréquent et alternant très régulièrement. C'est une lecture de 14/18 entre les lignes. Drôle de métier aussi qu'ils font ces quatre garçons, plus croque mort que médecin... Ils s'initient dans ce naufrage général à la camaraderie, à l'amitié et à la curiosité qu'elle suscite. Ils ont chacun leur caractère et leur origine mais une seule chose les retient avec un avenir incertain et invisible. il y a l'épouvante mais il y a aussi tant de temps morts que petit à petit le recul donne un regard sur le désastre et les coeurs et les pensées mêlées à la boue. Stupéfaction et torpeur où se mêle image mentale du terrain et photographie que l'on emporte avec soi avec le premier petit appareil portable kodak. Quatre caractères mais aussi l'échange, la poésie qui le dispute au vacarme. Des jeunes gens bien coupés en partie de leur condition qui cherchent encore la vie dans les rencontres comme celle de Zouzou qui nous renvoie encore à l'Europe d'avant, à Jules et Jim et à un avenir qui s'envisage autrement. Ambiguïté de la guerre qui fait naitre camaraderie et solidarité et emporte les meilleurs. Rencontres galantes et nappe de balles, fortes paniques et longues torpeurs, représentation et images absentes, ce livre-récit est un ovni dans cette rentrée, un autre regard sur la grande guerre...
On ne sait si ce livre est fait pour le collectionneur de beaux livres, l'amateur de polar ou le cinéphile. Livre-objet d'une grande qualité, il déroule sous nos yeux une investigation criminelle de grande ampleur autour d'une affaire qui fit grand bruit dans les années 50 à Tokyo. Véritable roman noir muet et tout en image on embarque avec la brigade spéciale du corps coupé crée pour l'occasion, on est saisi aussi bien par les lieux que le quotidien de ces flics que par la facture du livre.
Un véritable livre de collection, unique en son genre !
C'est mon premier Djian. Je ne pensais pas l'homme à ce point souple pour se glisser dans la peau et l'esprit d'une femme et de faire un aussi beau portrait d'une femme de cinquante ans. C'est fascinant. A qui parle ce "je" ? On a beau avoir du caractère, de l'autorité, une bonne situation, ce n'est pas pour ça que mille pensées ne vous assaillent pas et que milles choses vous ne dites pas... Comment faire autrement avec cet ex-mari la, cette mère complètement folle, ce père dont on voudrait taire la mémoire, cette belle fille indéfinissable, ce fils qui pense après au lieu de penser avant d'agir, ce piètre amant et cet étrange voisin... Nous, on la suit à l'intérieur à l'extérieur, on suit la manière dont elle maintient le dialogue avec chacun et puis à l'intérieur ses pensées, ses failles, ses fatigues, une instabilité passagère sur un fond hivernal qu'on entraperçoit par petites touches et offre une lumière grise, plus sombre à ce tableau d'une vie somme toute un peu drôle et absurde tout compte fait. On oscille entre le drame particulier dans une vie bourgeoise et le vaudeville dopé à l'esthétique de série. Dans la peau d'une femme et ses pensées, un roman fascinant, une histoire de doux dingue qui nous dit que peut-être à cinquante ans, on assumera peut-être enfin notre folie...
Aux origines de la photo et dans les fonds du musée d'Orsay, avec d'autres amateurs qui suivent tout de suite la période des primitifs de 1850 en photographie, Félix Thiollier, stéphanois nous donne à voir un monde fascinant. Rentier à 35 ans ne l'intéresse que l'art et l'archéologie, ami de Huysmans, il va être entre autre le témoin de la ville noire dans sa période de développement industriel mais pas que. Aux origines de la photo, il y a un regard sur le paysage, la ville qui fascine encore
Mentir
Ce livre pourrait bien devenir un livre de fond, une référence en jeunesse comme en son temps "grosse colère" en fut un dans son domaine. Dans cet album en effet un mensonge sorti un jour sans crier gare de la bouche d'une enfant fait son chemin. Invisible, il occupe pourtant pourtant petit à petit tout l'espace et l'esprit de son émetteur jusqu'à prendre beaucoup trop de place. L'illustration n'est pas négligée au profit du thème et au contraire, elle joue un rôle essentiel proposant une mise en scène sobre et efficace. Un livre essentiel et utile presque cathartique qui pourrait être utile aux enfants et aux adultes pour évoquer le sujet avec les enfants...
Dès 4 ans