Quand une vie est un roman et quand un roman est une vie.
Sur la page de couverture, il y a écrit roman, mais on est face plutôt à un récit.
A nouveau, A Wiazemsky nous raconte un moment de sa vie.
Après son roman, « jeune fille », récit sur le tournage avec Robert Bresson, la jeune fille nous raconte cette fois ci l’année où elle a rencontré et épousé Jean Luc Godard.
Dans ce « roman », nous croisons des personnages réels, le grand père, la belle figure de François Mauriac, Jean Luc Godard, qui apparaît très humain dans ce texte, Francis Jeanson, qui lui fait réviser
sa philosophie pour le rattrapage du baccalauréat, Daniel Cohn Ben dit, qu’elle rencontre à la cafétéria de Nanterre.
Ce livre se lit d’une traite et la belle écriture nous fait suivre la vie de cette jeune fille, qui analyse ses sentiments vis-à-vis de cet homme, qui est déjà reconnu comme un grand cinéaste, vis-à-vis de sa famille et en particulier, ses relations avec François Mauriac, le grand père protecteur, vis-à-vis de ses amis et de ses rencontres dans les nuits parisiennes.
Ce livre nous décrit aussi la vie de cette époque, en 1967, jusqu’avant les « événements », que l’on sent poindre.
C’est aussi un bel hommage au travail du cinéma, que ce soit celui des hommes et femmes de l’ombre (techniciens, photographe de plateau, costumière). De belles pages sur la préparation, sur le tournage de « la Chinoise » ou « Tonkinoise », mais aussi sa promotion des pages émouvantes lors de la présentation de ce film au festival d’Avignon..).
Ce roman est un beau portrait de Godard et nous le rends très humain et j’ai très envie de revoir les films de cette époque.
Et j’attends avec impatience la suite de cette vie-roman.
L'éternelle jeune fille
Il semblerait qu'Anne Wiazemsky n'ait rien oublié de l'intensité de cette année particulière même si elle s'aide tout au long de ce récit de son journal d'alors. Ce n'est pas vraiment une année studieuse que cette année puisqu'elle boude un peu le gris de Nanterre toute entière dans sa découverte de l'amour et du cinéma... Dans ces souvenirs d'une jeune fille, on peut s'interroger sur ce qui fait la substance d'une année, parcourir tant de chemin que ça quoiqu'il arrive ou alors comme dit Véronique à la fin de la chinoise de Jean-Luc Godard : "Je m'étais trompée. Je croyais avoir fait un grand bon en avant alors que je n'avais fais que les premiers pas d'une longue marche." Pas facile en effet de découvrir l'amour avec un homme plus âgé de 17 ans dont la réputation n'est plus à faire et quand on est la fille d'une princesse et la petite fille de Mauriac, c'est encore moins aisé. Son amant, Godard, qu'on a du mal à trouver très sexy aujourd'hui a un charme tout particulier, jeune homme élégant et romantique. Elle sent bien que les deux manières qu'on a de le décrire existent, charmant et colérique mais comme elle l'aime, elle prend les deux, ressent les deux et n'a pas à choisir. Elle se coule dans le rôle de "l'animal-fleur" qu'il lui dit être. Lire ce livre, à mesure qu'elle précise ses pensées et ses sentiments, c'est comme regarder un Truffaut ou un Godard, c'est un amour galant et consommé que la réalité sans cesse rattrape où au "je" de l'amour et du hasard se superposent citations de poésie, découpage d'expression, rencontres enthousiasmantes et rush de la chinoise. Une excellent montage, sensible, une année majeure où l'on découvre la jeunesse sous Pompidou et un portrait chinois de Godard en premier amour....