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Zahira est une prostituée marocaine. Le pays où elle achève sa triste carrière et où elle mourra, c'est la France. Ses clients sont les pauvres hères musulmans qui ont échoué à Paris, comme elle, en quête d'espoirs qu'ils n'ont pas trouvés. Ce sont des personnages qui vivent comme des fantômes. Zahira est l'amie d'un Algérien qui se prostitue lui-aussi. Déchiré entre sa double nature, masculine et féminine, il changera de sexe sans trouver d'apaisement.
Zahira connaît la dureté de la vie mais elle n'a jamais cessé de rêver de la rencontre miraculeuse qui métamorphosera son destin. Ce sont les films égyptiens vus dans son enfance qui nourrissent son imagination. Il y a là une autre réalité. Elle la porte en elle. Elle y croit. Tout le roman fonctionne sur cette confrontation entre un monde impitoyable et les aspirations de Zahira à un idéal d'amour qui la sauvera de la solitude, elle et ses compagnons de malheur.
Zahira et son ami Aziz se racontent l'un à l'autre des histoires comme Shéhérazade dans Les Mille et une nuits. On suit ainsi des fragments d'existences de femmes et d'hommes poussés vers l'occident par la misère de leur sort et qui se heurtent à un univers postcolonial qui ne les reconnaît pas et qui ne les comprend pas. C'est le sens profond de ce roman "oriental", volontairement construit par l'auteur hors des normes habituelles du roman français : des scènes impudiques, une extrême violence du ton et des passages d'une sensibilité exacerbée - celle de Taïa - dont les racines sont situées dans des enfances vécues hors d'Europe dans des civilisations longtemps écrasées par les Européens.
Taïa brise les tabous
Les trois personnages dans le roman de Taïa, sont dans une quête indéfinissable. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Exilés en France pour échapper aux tabous et aux lois de soumission de leur pays, ils ont trouvé à Paris la liberté. Ce qu’ils croient être la liberté. Le passé les habite, l’avenir leur échappe, leur culture, qu’ils repoussent, les hante.
Ils sont étrangers, étrangers partout. Zahira est rattrapée par la mort de son père, Aziz par ses sœurs et Mojtaba par sa mère. Ils ont voulu se défaire de liens qui les rattachent plus qu’ils ne le pensaient. Des chaînes qui les empêchent d’atteindre cet ailleurs. Abdellah Taïa, dans ce roman triste, pose de multiples questions. Notamment celle de la place de l’immigré qui enfreint les codes de son pays, celle de l’identité et du bonheur introuvables. Les mots sont crus. Pourquoi faire semblant, tenter d’adoucir une réalité qui ne l’est pas ? AbdallahTaïa n’aime pas les faux-semblants, il le prouve à nouveau.