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A l'heure où les appels à une refondation de l'économie du spectacle vivant se multiplient, en France comme dans d'autres pays d'Europe et d'Amérique, la question des formes d'organisation du travail artistique dans les arts vivants se pose avec une force, sinon une urgence, sans précédent. Ce livre fait suite à l'édition à l'Entretemps de deux ouvrages collectifs, Les Communautés artistiques (dir.
Marie-Christine Autant-Mathieu) et Les Collectifs dans les arts vivants depuis les années 1980 (dir. Guy Freixe et Raphaëlle Doyon) et d'un ouvrage d'une des codirectrices du présent ouvrage, Les Cités du théâtre politique en France depuis 1989. Partant du constat d'un manque, dans les travaux existants, d'une approche socioesthétique, le présent ouvrage s'attelle à l'analyse de la pluralité et de la complexité des interactions entre les enjeux socio-économiques (modes d'organisation, de production et de distribution) et esthétiques.
Résolument interdisciplinaire, il fait dialoguer des méthodes de recherche et des cadres théoriques issus des études théâtrales, de l'économie, de l'histoire, de la sociologie et de l'anthropologie. Elargissant aux compagnies le constat formulé par Pierre-Michel Menger à propos de l'intermittence[1], l'ouvrage met au jour l'ambivalence des arts vivants, que l'on peut tout autant analyser comme contre-modèle que comme pointe avancée de l'organisation capitaliste actuelle du travail.
Les reconfigurations des formes d'organisation et de travail engagées par certaines compagnies procèdent ainsi parfois du souci d'optimiser leur productivité conformément à la logique d'un marché du travail et des biens artistiques flexible et de plus en plus concurrentiel et spéculatif, autrement dit régi par les règles et les valeurs de l'organisation capitaliste actuelle du travail et en particulier par le travail " par équipe et par projet[2] ".
Ce qui n'empêche pas d'autres compagnies – ou parfois les mêmes – de tenter de faire vivre tant sur le plan de leur organisation interne que leurs relations avec les autres compagnies ce que nombre de travailleurs artistiques considèrent être l'une des origines de leur vocation professionnelle : l'idéal artistique et politique d'un travail émancipé et émancipateur, consciemment ou non inspiré par le travail libre que prônait jadis Marx précisément contre le modèle aliénant de travail produit par l'exploitation capitaliste.
L'ouvrage permet de prendre du recul par rapport aux systèmes de référence français en adoptant une perspective internationale. S'y dessine un paysage globalement éprouvé par la crise, mais néanmoins marqué par de fortes inégalités. [1] Pierre-Michel Menger, Portrait de l'artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, La République des idées, Le Seuil, 2003. [2] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999.
