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Un roman à plusieurs voix.
Il y a celle de Ryad, de nos jours, stagiaire français en Algérie pour vider l’illustre librairie d’Edmond Charlot « Les vraies richesses » et en faire un magasin de beignets…oui, nous vivons une époque formidable, le monde est impitoyable.
Il y a celle de Charlot à travers un journal imaginé. Charlot est ce libraire qui a découvert Camus, Lorca, Roblès, entre autres, et s’est battu dans la misère et les dettes pour les faire connaître en France, en Algérie, malgré la guerre et les jalousies des éditeurs français…oui, le monde de l’édition
aussi est impitoyable.
IL y a aussi celle d’un peuple opprimé, le peuple d’Algérie, colonisé depuis près d’un siècle, mort pour la France, voulant se réapproprier sa terre. Celle d’un peuple à qui on avait promis la liberté. C’est la voix de l’Histoire, celle du sang, celle de la haine de tous envers tout un chacun, l’histoire qui perd le fil, celle de ceux qui s’entretuent mais ne comprennent plus rien. La voix de la vérité.
Je pense qu’il y a aussi celle de la sagesse qui considère la littérature comme un art, comme le moyen d’apporter la vérité aux peuples opprimés, leur dire la voie de la liberté. La voix des passeurs de culture, éditeurs ou libraires, censés travailler main dans la main pour partager, offrir au plus grand nombre cet art qu’est la littérature.
Je citerai pour finir cette phrase de Camus, issue de son Discours de Suède : « (…)les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. (…)l’écrivain(…)ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent.(…)Mais le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil, chaque fois, du moins, qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de son art »
Kaouther Adimi l’a compris et nous offre avec ce roman un texte d’une grandeur absolue.
Les vraies richesses d'Alger
Au temps où l'Algérie était française, le jeune Edmond Charlot, lecteur heureux et passionné,se lance dans l'aventure et ouvre une toute petite librairie-maison d'édition à Alger.
Sur le pas de la porte du magasin, on trouve souvent Albert Camus, le nez dans ses papiers,et plus tard Antoine de Saint-Exupéry.
En 2017, Ryad est chargé de vider cette librairie pour la transformer en magasin de beignet. Il doit jeter les vieilleries, les dédicaces de Giono et celles de Bosco, les photos d'amis, les lettres. Ne va-t-il rien rester de cette belle aventure ?
Lectrice, lecteur : jubilez ! Car ce livre est un morceau de plaisir intense qui nous fait découvrir un homme et une aventure avec grâce et humilité.