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Les Lieux et la poussière est un essai en douze chapitres sur la beauté et la fragilité. La beauté de notre monde périssable, la fragilité des choses et des vies, la nostalgie qui habite les objets et les lieux. Roberto Peregalli voit les façades des maisons comme des visages. Il regarde le blanc, le verre, ou la lumière des temples, des cathédrales, de la pyramide du Louvre. Il dénonce l'effroi provoqué par le gigantisme et l'inadaptation de l'architecture moderne, la violence de la technologie.
Il s'attarde sur le langage et la splendeur des ruines, de la patine et et de la pénombre. Il dénonce l'incurie de l'homme quant à son destin. Roberto Peregalli nous renvoie à notre condition de mortel. Il nous rappelle combien tout est fragile dans notre être et notre façon d'être. Combien tout est poussière. Combien nous oublions de prendre soin de nous dans notre rapport aux choses et au monde.
Son texte a la force soudaine de ces objets qu'on retrouve un jour au fond d'un tiroir et qui disent de façon déchirante et immédiate tout ce que nous sommes, et que nous avons perdu. A la façon de Tanizaki, dans Eloge de l'ombre, il dévoile avec sensibilité et intelligence l'effondrement de valeurs qui sont les nôtres et qui méritent d'être en permanence repensées et préservées.
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Explorer les ruines, les examiner et les considérer sous un regard neuf voilà le travail auquel s’est livré le philosophe italien – remarquablement traduit par Anne Bourguignon – Roberto Peregalli dans ce remarquable petit ouvrage au titre évocateur “Les lieux et la poussière”. L’auteur dans ses déambulations au coeur des ruines souligne, par sa démarche même, la fragilité du monde dans lequel nous vivons. Les ruines – le philosophe ne s’intéresse pas dans cet essai aux ruines archéologiques – soulignent ces accidents, qui s’inscrivent dans le long processus de vie des bâtiments construits par l’homme, et qui finiront inéluctablement par vieillir et dépérir.
Robert Peregalli veut par son travail, accompagné de nombreuses photos en noir et blanc, montrer la fragilité même de la vie que notre société tente constamment d’exorciser sous des lumières violentes et des surfaces pâles et ternes. “Le déclin est constitutif de l’être. Tout décline, se corrompt, se défait. Mais ce déclin est un fragment de notre être. Une lumière intermittente à cause d’une ampoule capricieuse, un phare qui reste éteint peut donner un charme poétique à des lieux qui d’ordinaire sont inhospitaliers.” La ruine replace les rêves des mortels à leur juste condition, en particulier ceux des architectes qui cherchent constamment à faire plus grand, plus haut, plus long dans ce qui finit par tourner à une forme de pornographie au service du pouvoir. Leurs créations manifestent l’hybris humain, celui d’une volonté de puissance inconditionnée.
Le philosophe, dans un texte d’une grande densité, pointe aussi la peur du vide combattue par une mécanique du remplissage. “ On veut remplir chaque espace disponible. A peine voit-on un terrain en friche , un pré avec des arbres qui ont poussé sans l’intervention de l’homme, qu’on veut aussitôt arracher, déplacer, détruire pour y construire des édifices sans forme, ni règle, ni harmonie, l’acharnement contre les constructions du passé, sans défense, abandonnées engendre des monstres.” La critique est sévère, parfois implacable et elle propose un état des lieux qui réintroduit l’intime dans les terrains vagues, les friches, les ruines. De Tanger à Kyoto en passant par Paris et Milan, Roberto Peregalli nous propose une méditation sur le destin de ces lieux enveloppés de quiétude et de silence et qui renvoie implacablement à notre propre déclin immergé lui dans le bruit assourdissant de ceux qui ne veulent rien entendre de la vérité du monde.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)