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Une voiture quitte les rives de l’océan pour Paris à travers la nuit et des nappes de jazz qui
s’échappent d’un autoradio. A son bord, deux hommes. Mister est un pianiste de jazz. Un black amoureux de Trane et de Lady Day. Bob, son complice, son frère de coeur, est un ancien prof de philo reconverti en chauffeur de taxi. Encore plus que Monk ou Getz, lui vénère les classiques grecs et Schopenhauer.
Les deux hommes foncent vers la capitale mus par l’obsession de Mister : Vera, une jeune femme qu’il a récemment rencontrée, vient d’être retrouvée morte, brûlée vive. Les coupables ont été arrêtés sur le champ, mais Mister ne croit pas à la version officielle. Il décide de mener sa propre enquête. Ses questions et sa curiosité vont les amener à lever le voile sur une histoire qu’il aurait mieux valu garder secrète, et à côtoyer une faune peu recommandable.
Qui est ce Josip, figure titanesque, peintre maudit et manchot qui a fui la guerre et vit reclus en banlieue parisienne ? Que vient faire dans cette histoire la mafia serbe ? Et ce Karoly, ministre de l’Intérieur aux tendances fascisantes, consumé par le pouvoir et le sexe ? Au fil de l’enquête et de leurs rencontres, Mister et Bob s’enfoncent dans une gigantesque machination qui se terminera dans la violence et l’horreur, et par une balade sur le front yougoslave… Composition virtuose, arpèges narratifs complexes et subtils, envolées lyriques… ce roman éblouissant de Marcus Malte avance, style en avant, sur la corde raide.
Entre l’ombre et la lumière, la violence et la mélancolie, Les harmoniques est un incroyable roman noir – clair-obscur plutôt. Une mélopée déchirante qui mêle le politique, la passion, la révolte et le sexe. Comme tous les grands standards du blues…
Jazz, guerre et mystère
Un pianiste de jazz surnommé Mister ; son seul ami Bob, prof de philosophie reconverti en taximan dilettante ; une jeune comédienne assassinée ; les caves de Paris où se jouent chaque soir des concerts intimistes ; la guerre en ex-Yougoslavie et ses réfugiés… voilà le décor et les personnages de ce roman de Marcus Malte.
Auteur de nombreux policier, de nouvelles et de romans jeunesse, Marcus Malte est également musicien. Cela se sent. Non seulement ce roman parle de jazz, mais son écriture en a le rythme, le tempo. Il débute d’ailleurs par une sélection musicale de morceaux à écouter pour prolonger la lecture. Chacun d’eux servant de titre à un chapitre de l’histoire. De grands standards du jazz, de Herbie Hancock à Miles Davis en passant par Nina Simon, Stan Getz et tant d’autres.
Quelques pages écrites en italique s’insèrent entre les chapitres. Un narrateur externe nous y conte la vie de Véra, pléthore de souvenirs épars et d’instants rares volés à l’atrocité du quotidien. Plus on découvre sa vie, plus le gris s’installe, voilant peu à peu la lumière.
L’intrigue linéaire n’est pas complexe, le cadre historico-politique l’est davantage. Tout au long de leur quête de la vérité, Mister et Bob vont plonger au cœur des réminiscences de la guerre en ex-Yougoslavie. Confessions des uns, souvenirs des autres, témoignages… vont les confronter à l’indicible horreur de ce conflit et à la lâcheté de ceux qui ont laissé faire. Ainsi le récit du siège de Vukovar, là où tout a commencé.
Au fil de l’enquête, Mister et Bob pianotent sur une gigantesque machination politico-véreuse. Plusieurs fois, une émotion forte nous étreint. En quelques mots judicieusement choisis, Marcus Malte dépeint la violence et l’horreur avec une telle justesse, que les images apparaissent sous nos yeux. Composition virtuose implacable. Inutile d’en dire trop, il n’a pas besoin de décrire par le menu pour se faire comprendre. Et l’on est touché, en empathie avec Véra et les autres.
La violence, l’amour, le sexe, la passion, la révolte, la violence composent ce roman noir, comme tous les grands standards du jazz…
Quant aux harmoniques, ce sont les notes derrière les notes. Ce qui reste quand la musique s’arrête, comme un écho qui ne meurt jamais. Un même sentiment subsiste après la lecture de ce roman. Plusieurs jours après l’avoir refermé, on ressent encore la vibration des personnages à nos côtés, et la force de leurs propos résonner à nos oreilles.
Un roman qui m’a beaucoup plu et me donne envie de poursuivre ma découverte de l’auteur.