« Rarementalement, comme l’écrirait Andréas Becker, nous, lecteurs, refermons un livre contemporain avec la certitude d’avoir eu la chance d’être associés à l’apparition d’un texte qui fera date.
C’est ce qui m’est arrivé pendant et après la lecture de L’Effrayable. C’est probablement ce qui vous arrivera quand vous en commencerez et terminerez la lecture.
Car entre les pages, Becker a fondu ce métal rare, parfait équilibre entre un récit romanesque et l’invention formelle mise à son service, l’exhaussant.
De quoi s’agit-il ? D’une folie, d’un dédoublement
identitaire voire davantage, à la fin de la chaîne générationnelle oxydée par les horreurs de l’avant-guerre et de la guerre (en l’occurrence la Seconde, vécue en Allemagne près de Pâlebourg, ville d’origine de l’auteur) ainsi que par les transgressions familiales en tous genres.
Rien de neuf sous le soleil : les thèmes littéraires, tragiques ou non, ne sont pas nombreux. Seules varient la langue et la pensée qui les soutiennent, les structurent ou les déstructurent.
Dans L’Effrayable, Becker met au service de son récit un langage totalement neuf, une novlangue utile, loin de l’artifice décoratif : sa présence choquante de prime abord puis d’une fluidité étonnante nous autorise à frôler au plus près l’univers du personnage, à l’embrasser dans sa singularité, celle que l’on nomme par défaut la folie et vers laquelle nous sommes entraînés, contraints à l’adhésion et au trouble empathique. Elle et lui, lui en elle, ce pourrait être nous, de partout et de toutes les époques.
Et donc, quelque part, incarcérés dans une institution, le narrateur et la narratrice qui se confondent en une même personne remontent le liquide du temps depuis l’avant-guerre jusqu’à l’impasse d’un improbable aujourd’hui. Jalonné par des intrusions dans un présent fixé à l’instant de l’écriture, le texte revient génération après génération aux personnages de la saga familiale, figures déformées par l’évocation qu’en font le(s) narrateur(s), par les événements historiques tout autant que par ce qui suinte de leur sale humanité, nous plongeant les yeux écarquillés dans les tréfonds de ce conte aussi irréel que véritable, fermant le cercle qui soude le délire à la raison et nous les rend indistincts.
Ce premier roman, concis, dense, explore d’une manière inédite les questions ontologiques, fouille les rémanences identitaires sans imposer de réponse, sans lâcher un instant la main du lecteur. Un tour de force s’abreuvant aux sources essentielles et si souvent oubliées de la littérature majuscule.
par Serge Delaive, écrivain
Un écrivain collègue m'a écrit ceci:
« Rarementalement, comme l’écrirait Andréas Becker, nous, lecteurs, refermons un livre contemporain avec la certitude d’avoir eu la chance d’être associés à l’apparition d’un texte qui fera date.
C’est ce qui m’est arrivé pendant et après la lecture de L’Effrayable. C’est probablement ce qui vous arrivera quand vous en commencerez et terminerez la lecture.
Car entre les pages, Becker a fondu ce métal rare, parfait équilibre entre un récit romanesque et l’invention formelle mise à son service, l’exhaussant.
De quoi s’agit-il ? D’une folie, d’un dédoublement identitaire voire davantage, à la fin de la chaîne générationnelle oxydée par les horreurs de l’avant-guerre et de la guerre (en l’occurrence la Seconde, vécue en Allemagne près de Pâlebourg, ville d’origine de l’auteur) ainsi que par les transgressions familiales en tous genres.
Rien de neuf sous le soleil : les thèmes littéraires, tragiques ou non, ne sont pas nombreux. Seules varient la langue et la pensée qui les soutiennent, les structurent ou les déstructurent.
Dans L’Effrayable, Becker met au service de son récit un langage totalement neuf, une novlangue utile, loin de l’artifice décoratif : sa présence choquante de prime abord puis d’une fluidité étonnante nous autorise à frôler au plus près l’univers du personnage, à l’embrasser dans sa singularité, celle que l’on nomme par défaut la folie et vers laquelle nous sommes entraînés, contraints à l’adhésion et au trouble empathique. Elle et lui, lui en elle, ce pourrait être nous, de partout et de toutes les époques.
Et donc, quelque part, incarcérés dans une institution, le narrateur et la narratrice qui se confondent en une même personne remontent le liquide du temps depuis l’avant-guerre jusqu’à l’impasse d’un improbable aujourd’hui. Jalonné par des intrusions dans un présent fixé à l’instant de l’écriture, le texte revient génération après génération aux personnages de la saga familiale, figures déformées par l’évocation qu’en font le(s) narrateur(s), par les événements historiques tout autant que par ce qui suinte de leur sale humanité, nous plongeant les yeux écarquillés dans les tréfonds de ce conte aussi irréel que véritable, fermant le cercle qui soude le délire à la raison et nous les rend indistincts.
Ce premier roman, concis, dense, explore d’une manière inédite les questions ontologiques, fouille les rémanences identitaires sans imposer de réponse, sans lâcher un instant la main du lecteur. Un tour de force s’abreuvant aux sources essentielles et si souvent oubliées de la littérature majuscule.
par Serge Delaive, écrivain