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J'aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond. Celle qui élèvera seule ses enfants. Qui criera après son copain qui l'aura trompée. Qui pleurera seule dans son salon, qui changera des couches toute sa vie. Qui cherchera à travailler à l'âge de trente ans, qui finira son secondaire à trente-cinq, qui commencera à vivre trop tard, qui mourra trop tôt, complètement épuisée et insatisfaite.
Bien sûr que j'ai menti, que j'ai mis un voile blanc sur ce qui est sale. Un récit sans concession. La justesse du ton et de la voix. La parole belle, féconde et vraie. L'extrême humilité d'une réserve amérindienne. Des vies échouées au large d'une baie. La grandeur d'un peuple oublié. La condition humaine. Et une prose lumineuse.
Kuessipan
La langue de Naomi Fontaine est quelque chose qui s'ouvre en toi, pour toi, comme une coque déjà fêlée. Elle éblouit par sa simplicité. Elle rugit comme une source cachée sous des mètres de silences.
Ces moments écrits sont comme des fragments vulnérables, des existences en membranes qui d'un côté perpétuent une langue, des traditions, une histoire, et de l'autre questionnent le rapport à la modernité.
La langue de Naomi Fontaine fait danser les échos, te vient dans le cœur sans protection, elle est frontale, violente, directe.
Ses émotions sont sincères, ses espoirs brûlants, ses peines vibrent. Et ses reconquêtes de soi, de son identité, de son corps, sont habitées, elles sont bouleversantes.
Kuessipan, par son style épuré, est d'une beauté aussi saisissante que doit l'être un froid paysage des grands nords, aussi dure qu'une vie passée à se chercher.
Un petit bouquin comme un trésor, un acte de bravoure. Un mille-feuilles d'or dans un écrin de blizzard.