Jasna Samic, DANS LE LIT D’UN RÊVE, M.E.O., Bruxelles 2017
Je viens de terminer la lecture du dernier recueil de poésie de Jasna Samic, « Dans le lit d’un rêve ». J'ai pris tout mon temps, savourant presque chaque vers, revenant à certains poèmes à plusieurs reprises. Et chaque fois, il me semblait que le plaisir était encore plus grand. C’est ainsi qu’on lit toute grande poésie, me suis-je dit.
Comme nous laissent entendre les critiques élogieuses publiées jusqu’ici, la poésie de Jasna est riche à tout point de vue et je dois avouer que mes impressions sont pratiquement
identiques à celles que d’autres lecteurs ont déjà décrites : oui, il s’agit là d’un « ravissement dont on aurait tort de se priver » (Daniel Bastié), oui, « c’est une joie pour tous ceux qui aiment la poésie », alors que certains poèmes font même « perler une larme aux coin de nos yeux » (Brigitte Alouqua).
Cette poésie a suscité en moi un grand plaisir et une grande joie, car elle porte des parfums des dieux et des mystères de la Grèce antique, ainsi que ceux du soufisme et du zoroastrisme. En plus, certains vers s’accompagnent merveilleusement d’une musique. Cette poésie a aussi suscité en moi une curiosité chatouillante et le désir de rafraîchir mes connaissances, de me replonger dans la richesse que les vers de Jasna nous font découvrir ou redécouvrir.
Cette poésie nous permet de nous promener autant à travers les villes aimées par Jasna qu’à travers ses rêves, qui deviennent les nôtres. Elle nous fait voir et revoir de très grands peintres et de très belles toiles, qui deviennent rêves, tout en nous faisant admirer les mêmes recoins de Paris méconnus encore des « grands vagabonds avec but ». Toutes ces beautés sont à la fois vraies et fantomatiques, alors que son fantôme, à qui Jasna dédie son Lit de rêve, est bien vivant. C’est lui qui a mû la plume de l’auteur, lui aussi qui éveille en nous tant d’émotions.
Après les continents visités, nous voici imprégnés de spleens baudelairiens et plongés dans la sensualité. À l’instar du poète des Fleurs du mal, nous sommes ivres, et la lecture de ces vers nous rende presque mystiques :
« En flânant dans un Paris désert / Tard la nuit sous les lanternes de publicités clignotantes / Où on tua plusieurs personnes / Hier / Tandis que le printemps et la verdure de la ville / Humilient ton cœur / Et cette ardente soirée d’avril / Écrase ta poitrine par une lame de souvenir / Rêvassant les yeux ouverts / Tu pensas au brûlant désir / Du poète / Et eus envie que surgisse / Comme de ses Spleens de l’obscurité et du silence / Ton amant lointain / Qu’il accoste à tes portes // Et chassant le silence de la nuit / Enflamme tes membres endormis / Par sa bouche muette remplie de jouissance / Puis grimpe tel un intrus / Sur tes trésors verrouillés / Et doucement comme un aveugle qui erre de ses doigts / Vagabond vaurien voleur / – Quand les cloches de la volupté sonnent – / Ouvre la plaie profonde / Et verse / Comme dans un précipice / Son poison magique / En toi »
Enfin, à l’instar de Jasna, pouvons-nous aussi nous demander : « Le poète soufi ne dit-il pas que le rêve est une réalité, et la réalité – un rêve ? »
Ces poèmes sont notre miroir où se reflètent aussi bien nos rêves que nos amours, nos désirs que nos errances, nos amours que nos gémissements…, bref, notre vie et la mort.
SADZIDA JERLAGIC
Le rêve est une réalité et la réalité - un rêve ?
Jasna Samic, DANS LE LIT D’UN RÊVE, M.E.O., Bruxelles 2017
Je viens de terminer la lecture du dernier recueil de poésie de Jasna Samic, « Dans le lit d’un rêve ». J'ai pris tout mon temps, savourant presque chaque vers, revenant à certains poèmes à plusieurs reprises. Et chaque fois, il me semblait que le plaisir était encore plus grand. C’est ainsi qu’on lit toute grande poésie, me suis-je dit.
Comme nous laissent entendre les critiques élogieuses publiées jusqu’ici, la poésie de Jasna est riche à tout point de vue et je dois avouer que mes impressions sont pratiquement identiques à celles que d’autres lecteurs ont déjà décrites : oui, il s’agit là d’un « ravissement dont on aurait tort de se priver » (Daniel Bastié), oui, « c’est une joie pour tous ceux qui aiment la poésie », alors que certains poèmes font même « perler une larme aux coin de nos yeux » (Brigitte Alouqua).
Cette poésie a suscité en moi un grand plaisir et une grande joie, car elle porte des parfums des dieux et des mystères de la Grèce antique, ainsi que ceux du soufisme et du zoroastrisme. En plus, certains vers s’accompagnent merveilleusement d’une musique. Cette poésie a aussi suscité en moi une curiosité chatouillante et le désir de rafraîchir mes connaissances, de me replonger dans la richesse que les vers de Jasna nous font découvrir ou redécouvrir.
Cette poésie nous permet de nous promener autant à travers les villes aimées par Jasna qu’à travers ses rêves, qui deviennent les nôtres. Elle nous fait voir et revoir de très grands peintres et de très belles toiles, qui deviennent rêves, tout en nous faisant admirer les mêmes recoins de Paris méconnus encore des « grands vagabonds avec but ». Toutes ces beautés sont à la fois vraies et fantomatiques, alors que son fantôme, à qui Jasna dédie son Lit de rêve, est bien vivant. C’est lui qui a mû la plume de l’auteur, lui aussi qui éveille en nous tant d’émotions.
Après les continents visités, nous voici imprégnés de spleens baudelairiens et plongés dans la sensualité. À l’instar du poète des Fleurs du mal, nous sommes ivres, et la lecture de ces vers nous rende presque mystiques :
« En flânant dans un Paris désert / Tard la nuit sous les lanternes de publicités clignotantes / Où on tua plusieurs personnes / Hier / Tandis que le printemps et la verdure de la ville / Humilient ton cœur / Et cette ardente soirée d’avril / Écrase ta poitrine par une lame de souvenir / Rêvassant les yeux ouverts / Tu pensas au brûlant désir / Du poète / Et eus envie que surgisse / Comme de ses Spleens de l’obscurité et du silence / Ton amant lointain / Qu’il accoste à tes portes // Et chassant le silence de la nuit / Enflamme tes membres endormis / Par sa bouche muette remplie de jouissance / Puis grimpe tel un intrus / Sur tes trésors verrouillés / Et doucement comme un aveugle qui erre de ses doigts / Vagabond vaurien voleur / – Quand les cloches de la volupté sonnent – / Ouvre la plaie profonde / Et verse / Comme dans un précipice / Son poison magique / En toi »
Enfin, à l’instar de Jasna, pouvons-nous aussi nous demander : « Le poète soufi ne dit-il pas que le rêve est une réalité, et la réalité – un rêve ? »
Ces poèmes sont notre miroir où se reflètent aussi bien nos rêves que nos amours, nos désirs que nos errances, nos amours que nos gémissements…, bref, notre vie et la mort.
SADZIDA JERLAGIC